BALLET DES FÉES DES
FORESTS DE SAINT-GERMAIN
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NB. cette page a été réalisée
avec l'aimable et active participation de David
Escarpit
COMPOSITEUR
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Antoine BOËSSET
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LIBRETTISTE
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René Bordier
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Ballet en cinq actes et vingt-six
entrées, dansé par Louis XIII et son entourage au
Louvre le 9 (ou 11 ?) février 1625. Il fut
réalisé par Henri de Savoie, duc de Nemours
(*),
qui composa peut-être certaines entrées.
(*) Henri Ier de Savoie-Nemours (1572
- 1632), dit aussi marquis de Saint-Sorlin. Après avoir
rejoint la Ligue, il se rallia à Henri IV.
Les textes furent écrits
par René Bordier (*); la musique
instrumentale est attribuée à Jacques de Belleville
(**)
; les récits sont l'œuvre du surintendant de la Musique
Antoine Boësset (1587-1643).
(*) René Bordier écrivit
le livret de dix-sept ballets entre 1615 et 1635, dont le Ballet de
monsieur le Prince (1620, Ballet du roy sur le sujet des Bacchanales
(1623), Grand Bal de la douairière de Billebahaut (1626), Le
Sérieux et le Grotesque (1627), Le Ballet des triomphes
(1635). Il se flattait d'être en charge de la poésie
auprès de Sa Majesté. Pourtant, poète
méprisé de ses confrères et ignoré du
public, il mourut dans la misère après
1648.
(**) Jacques de Belleville,
instrumentiste, compositeur et maître de danse, mort vers 1650.
Il participa à un grand nombre de ballets de cour entre 1615
et 1640, notamment le Ballet de la Délivrance de
Renaud.
Ce ballet est une parodie
humoristique des ballets mélodramatiques jusqu’alors à
la mode, vraisemblablement sous l’influence italienne de Concini et
de Marie de Médicis.
Il fut illustré par
vingt-neuf dessins, dont les originaux de Daniel Rabel (vers 1578 -
1637) sont conservés au Louvre. Ces spectacles
réunissaient des costumes divers : mythologiques,
allégoriques, exotiques, grotesques, auxquels Daniel Rabel
collabora.
Le roi dansait notamment dans le
rôle d'un "vaillant combattant", tandis que son frère,
Gaston d'Orléans (1608-1660), âgé de seize ans,
jouait un "demi-fou".
Les entrées ont été
conservées grâce à une copie de l'atelier
Philidor. Les airs de Boësset furent publiés dans le
Livre XIII des Airs de cour avec la tablature de luth, d’Antoine
Boesset, par Ballard en 1626. Les airs à voix seule sont
conservés à la Bibliothèque Nationale.
"Au début du Carnaval 1625, les gradins de la
grande salle du Louvre sont prêts pour accueillir comme chaque
année le « Ballet du Roi ». Le 9 février,
« cinq fées bouffonnes des forests de St Germain…
viennent en la présence des Reines et des dames de Paris… pour
admirer leurs beautez et leurs mérites… Et comme chacune
d’elles préside bouffonnesquement sur quelque science
particulière, leur humeur railleuze qui se mocque des ballets
sérieux les convie à venir offrir l’une après
l’autre à la compagnie un plat de leur mestier… ». Le ton
était donné, et le spectateur était averti des
cinq tableaux qui constituaient cette mascarade pour laquelle Antoine
Boesset avait composé les airs et les récits, sur des
paroles de René Bordier. Après Guillemine « la
quinteuse » (fée de la musique), Gillette « la
hasardeuse » (fée des joueurs), Jacqueline «
l’entenduë » à son tour avait envoyé son
« récit » devant elle pour chanter et exposer les
effets que son art magique pouvait sur les « estropiez de
cervelle ». Roger du Plessis de Liancourt, Premier Gentilhomme
de la Chambre, cousin de Richelieu et excellent danseur, «
représentait » la charmante fée ; assistée
de son animal emblématique, le hibou, elle nourrissait le
secret espoir de guérir les « embabouinés »,
esprits à la fois naïfs, vantards et chicaneurs :
Ils ont l’oeil creux, le corps ectique,
Le poil et l’habit à l’antique,
Qui les font remarquer de loing ;
La vanité leur sert de guide,
Et de meubler leur chambre vuide
Les chimeres ont un grand soing.
Pressé de leurs humeurs bourrues
Tout le jour ils courent les rues,
Et toute la nuit ont l’oeil ouvert.
Moy, pour esgayer leur folie,
J’ordonne à leur meslancolie
De se couvrir d’un bonnet vert.
Un embabouiné dansait et se
réjouissait de sortir bientôt de l’Erreur. Toute la Cour
reconnut sous le masque du danseur le nouveau favori du Roi, le comte
de Chalais, qui allait bientôt être
décapité pour haute trahison ; on appréciera
jusqu’où pouvait aller la satire et la critique… Les pauvres
esprits « embabouinés » se rallièrent
bientôt au parti de quatre « demy-fous » (Gaston
d’Orléans frère du Roi, le duc d’Elbeuf, Alexandre de
Vendôme et Monsieur de Souvray) et de quatre « fantasques
» (le comte de Soisson, Montmorency, le duc d’Aluyn et Monsieur
de Blainville), qui ruinaient par leur folie les louables projets de
la pauvre Jacqueline :
Parmy tant de rares pensées
Qui sont diversement blessées,
Les fantasques me gastent tout !
Leurs fougues ne sont point communes,
Et ces demy-foux ont des lunes
Dont je ne puis venir à bout…
Dans le quatrième tableau du ballet, Alizon
« la hargneuse », fée des vaillants combattants,
n’eut guère plus de chance. Elle conduisait fièrement
une troupe grotesque de soldats éclopés ou contrefaits
montés « sur des mules » et armés
d’épées de bois ; ce fier appareil les contraignit bien
vite à abandonner le combat dans une pitoyable
déroute…
On dispose du détail des matériaux ayant
servi à confectionner les costumes, ainsi que de leur
coût (Compte des dépenses pour le Ballet du Roy) :
Cent soixante-huit aunes de taffetas incarnadin pour
vingt-quatre grandes robes pour habiller les vingt-quatre violions du
Roy , 672 livres tournois.
Quarante-huict aunes de bougran incarnadin pour
servir auxdictes robes, 28 livres tournois.
Trois cent soixante aunes de passementeries d'or et
d'argent pour lesdictes robes, 73 livres tournois.
Vingt-quatre aunes de gance d'or, 3 livres 12
sols.
Seize onces de soye incarnadin à coudre
auxdictes robes, 14livres 8 sols.
Quinze aunes de taffetas pour faire une grande robe
à un grand colosse en forme de femme représentant la
musique, 45 livres.
Dix aunes de satin bleu pour faire une robe de femme
à Guillemine la Quinteuse , 55 livres tournois.
Quarante-huict aunes de taffetas bleu pour faire
douze juppes à douze musiciens de la campagne, 124 livres
tournois.
Dix aunes de satin roze pour faire le dessus de deux
cappes à l'espagnolle, pour le Roy et monsieur de Blainville,
représentant deux joueurs de guitarre , 56 livres
tournois.
Synopsis
Acte I
Première entrée
Récit de Guillemine-la-Quinteuse, fée de
la Musique, qui préside sur les accords et les
consonnances.
Le récit (*) a lieu avant l’apparition de
la fée qui envoye son récit au-devant d’elle,
orné de ses trophées et qui tesmoigne ses desseins.
(*) le rôle était joué par Marais,
bouffon et chanteur de la Cour, qui qui, en 1617, jouait le
rôle d’Armide dans le Ballet de la Délivrance de
Renaud.
Air d’Antoine Boësset : Un concert bien
mélodieux n’est pas ce que j’ayme le mieux pour une voix
et luth ou guitare en alternance avec un chœur à 4 (dessus,
haute-contre, taille et basse avec basse-continue)(
Deuxième entrée :
Entrée de Guillemine-la-Quinteuse, fée de la Musique.
Troisième entrée :
Guillemette fait venir sur scène la Musique, sous la forme
d’un immense mannequin d’osier portant autour de la taille (en guise
de vertugadin, qui ornait alors les robes des dames) des luths et des
théorbes.
Quatrième et Cinquième
entrées : Entrée des musiciens-chasseurs de
campagne, fatigués d'avoir chassé le Cerf parmi les
ronces et les épines, qui font un ballet en sonnant du
cor.
Sixième entrée : Les
musiciens décrochent les luths et théorbes fixés
autour de la robe du mannequin de la Musique et dansent un ballet au
doux chant de leurs voix et de leurs luths.
Air de Boesset : Amour ravy de vos attraits
à quatre plus basse continue
Septième entrée : Guillemine
la Quinteuse, pour adoucir le tintamarre de ses charivaris, introduit
un ballet de Chaconistes espagnols, tant Cavaliers que Dames, jouant
de la guitare.
Huitième entrée :
Deuxième air pour les musiciens espagnols jouant de la guitare
et dansant.
Acte II
Neuvième entrée :
Gillette-la-Hazardeuse, fée des Joueurs, envoye son
Récit, couvert de ses livrées, avant de faire son
entrée.
Air de Boesset : Les joueurs soumis à mes
loix ont un agréable caprice. Voix seule et luth alternant
avec chœur à 2 parties (dessus et basse).
Dixième entrée : Gillette
attire sur scène un tourniquet mobile autour duquel
des laquais et des Bertrans (*) dansent un ballet.
(*) surnom des singes. Cf. dans la fable de La Fontaine Le
Thésauriseur et le Singe, le singe est appelé dom
Bertrand
Onzième entrée :
Entrée des Esprits Follets, joueurs de balle
forcée.
Douzième entrée :
Entrée d’Esprits portant un marelier (*)
(*) marelier : tablier sur lequel se jouait le jeu de la
marelle, dérivé du tric-trac
Treizième entrée : Des
personnages, figurant des pions du jeu du Renard et des Poules
(*) viennent se positionner sur le marelier.
(*) Le "jeu du renard et des poulles", déjà
connu au Moyen Âge, est un classique des XVIe et XVIIe
siècles qui prendra au XIXe siècle une coloration
militaire, devenant " jeu de l’assaut" ou asalto. Classé "jeu
de chasse", il oppose, sur un plateau en croix, un prédateur,
ici le renard, à des proies vulnérables, nombreuses,
poules, oies ou brebis, chaque camp devant anéantir
l’adversaire. Ici, l’artiste a imaginé un jeu fictif sur un
tablier de petite marelle portant seulement neuf poules, au lieu des
douze prévues, et mettant le renard hors jeu !
Acte III
Quatorzième entrée :
Jacqueline-l’Entendue (*), fée des Estropiés de
la Cervelle, se fait annoncer par son récit avant de faire son
entrée, accompagnée d'un hibou.
(*) le rôle était joué par Roger du
Plessis, duc de Liancourt, Premier Gentilhomme de la Chambre, cousin
de Richelieu et excellent danseur, qui ne faisait que mimer, les voix
chantant en arrière
Air de Boësset : Il n’est sy fameux empirique,
s’il n’affronte mon art magique. Voix seule et luth alternant
avec chœur à 2.
Quinzième entrée :
Entrée des Embabouinés (*)
(*) parmi eux figurait le nouveau favori du Roi, le comte de
Chalais, qui devait finir décapité
Seizième entrée :
Entrée des Demi-Fous (*)
(*) les demi-fous étaient conduits par, Gston
d'Orléans, frère du roi, dit Monsieur, les autres
étant le duc d’Elbeuf, Alexandre de Vendôme et Monsieur
de Souvray
Dix-septième entrée :
Entrée des Fantasques (*)
(*) les Fantasques étaient le comte de Soissons,
Montmorency, le duc d’Aluyn et Monsieur de Blainville
Dix-huitième entrée :
Entrée des Esperlucates
Acte IV
19è entrée : Alizon-la-Hargneuse
(*), fée des Vaillants Combattants, se fait annoncer
par son récit avant de faire son entrée.
(*) selon certains, Alizon-la-Hargneuse serait celle qui
apprit à Don Quichotte à combattre les moulins à
vent
Air de Boësset : Mes combattans que Mars ne
sçauroit esgaller. Voix seule et luth (la version
polyphonique ne nous est pas parvenue).
Vingtième entrée :
Entrée des Vaillans Combattants (le roi représente un
combattant)
Vingt-et-unième entrée :
Entrée des Coupe-Teste.
Les hautbois jouent cette entrée. Les
Coupe-Teste portent des costumes munis de faux bras et de fausses
têtes en carton, qu’ils se coupent à coups de sabres et
font voler dans tous les sens.
Vingt-deuxième entrée : Entrée des Médecins
armés, montés sur leurs mules
Acte V
Vingt-troisième
entrée :
Macette-la-Cabrioleuse, fée de la Danse, se fait annoncer par
son récit avant de faire son entrée.
Air de Boësset :
Qu’on ne me rompe les
oreilles. Voix seule et luth
alternant avec chœur à deux.
Vingt-quatrième
entrée : Entrée
des Bilboquets inanimés
Vingt-cinquième
entrée : Entrée
des Bilboquets escamotés
Vingt-sixième
entrée : Grand Ballet
Final
Représentations :
- Château de
Versailles - Salon d’Hercule - 17
octobre 2003 - Galerie
basse - 18 octobre 2003 - La
Poème Harmonique - dir. Vincent Dumestre - extraits
instrumentaux (Entrées de l’Embabouiné, des
Demy-fous, des Fantasques, des Vaillans combattans)
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