(*)
(*) frontispice de la première édition du
livret de « La Didone », datée de 1656, soit
postérieure de quinze ans à la première
représentation
COMPOSITEUR
|
Pier Francesco CAVALLI
|
LIBRETTISTE
|
Giovanni Francesco Busenello
|
DVD
ENREGISTREMENT
|
ÉDITION
|
DIRECTION
|
ÉDITEUR
|
FICHE
DÉTAILLÉE
|
2006
|
2007
|
Fabio Biondi
|
Dynamic
|
|
2011
|
2012
|
William Christie
|
Opus Arte
|
|
Opera Rappresentata In Musica en un Prologue et
trois actes, sur un livret de Gian Francesco Busenello (1598 -1659).
La première représentation eut lieu
à Venise, au théâtre Tron di San Cassiano, au
cours du carnaval de 1641, le 1er mars.
Le manuscrit, incomplet, est issu d'une collection
privée de Marco Contarini, conservée à la
Biblioteca Marciana de Venise. Il contient le texte, les parties
chantées, la basse, ainsi que quelques ritournelles.
Reprise en 1650 à Florence (?) et à
Naples (*), en 1652 à Gênes, en 1655 à
Plaisance.
(*) le premier opéra représenté
à Naples date de septembre 1650, et portait le titre "Didone
ovvero L'incendio di Troia". Le livret est le même que celui
utilisé par Cavalli, mais rien ne permet d'assurer que
l'opéra soit bien celui de Cavalli, même si cette
hypothèse est la plus vraisemblable. L'opéra de style
vénitien fut introduit à Naples à l'initiative
du vice-roi espagnol, le comte Oñate, qui avait
rencontré les Febi Armonici à Rome, alors qu'il
était ambassadeur d'Espagne, et les attira à
Naples.
La Bayerische Staatsbibliothek de Munich conserve un
livret de 1656, imprimé par Andrea Giuliani. Sans
dédicace il comporte un Argomento et une liste des
Interlocutori
(traduction
en français sur livretsbaroques.fr)
Le livret est inspiré du Livre IV de
l'Énéide, dans la traduction en italien
d'Annibal Caro, ainsi que de deux tragédies italiennes du XVIe
siècle, les Didone de Giraldi Cinthiuo et de Ludovico
Dolce. Il se termine toutefois sur un retournement de situation, le
lieto fine du mariage de Didon et de Iarbe.
Personnages : Didone, reine de Carthage
(soprano), Enea, Troyen (ténor), Iarba, roi des
Étuliens (alto), Cassandra, Troyenne (soprano), Ecuba,
épouse de Priam (alto), Anna, soeur de Didon (soprano),
Anchise, père d'Énée (ténor), Ascanio,
fils d'Énée (soprano), Creusa, épouse
d'Énée (soprano), Sicheo, Ombre du mari de Didon
(ténor), Pirro, Grec (ténor), Corebo (alto), Sinone
(basse), Ilioneo, ambassadeur, compagnon d'Énée (alto),
Acate, familier d'Énée (ténor), deux Messagers
(ténor), un Vieux (basse), Giove (basse), Giunone (soprano),
Mercurio (alto), Venere (soprano), Amore (soprano), Nettuno (basse),
Eolo (ténor), la Fortuna (soprano), les Trois Grâces
(soprano), Iride (soprano)
Synopsis
détaillé
Prologue
La Fortune raconte la chute de Troie, attribuée
à une vengeance de Junon offensée par les propos de
Pâris.
Acte I
(1) Créuse et Ascagne tentent en vain de
dissuader Enée de continuer à combattre pour
défendre la ville. (2) Cassandre nargue Pyrrhos qui la menace.
Corebo intervient pour la défendre et met Pyrrhos en fuite,
mais, lui-même mortellement blessé, expire dans les bras
de Cassandre. (3) Celle-ci se lamente. (4) Vénus ordonne
à Enée de quitter Troie. (5) Enée décide
sa famille - son père Anchise, son épouse Créuse
et son fils Ascagne - à obéir aux dieux. Créuse,
retournant dans la maison pour emporter quelques bijoux est
tuée par des Grecs. (6) Hécube se lamente de la mort de
son époux, le roi Priam, et de la chute de Troie.
Cassandre lui reproche de ne pas l'avoir
écoutée. Hécube décide de mourir avec
elle. (7) Sinon le Grec clame sa satisfaction d'avoir abattu les
Troyens. (8) L'Ombre de Créuse dit adieu à Enée,
en recommandant de prendre soin de leur fils, à qui est
promise la couronne d'Italie. (9) Vénus demande à la
Fortune de favoriser le voyage d'Enée vers l'Italie. Fortune
promet qu'Enée arrivera rapidement les rivages d'Afrique.
Acte II
(1) Junon se déclare encore assoiffée de
vengeance contre les Troyens, et vient demander à Eole de
provoquer le naufrage de la flotte d'Enée. Eole accède
à ses désirs. (2) Neptune intervient pour calmer la
mer. (3) Iarba, roi des Numidiens, se lamente que Didon refuse son
amour. (4) Didon lui réaffirme sa fidélité
à Sychée, son époux défunt, et le
repousse. (5) Didon raconte à sa soeur qu'elle a vu en
rêve Carthage en ruine. (6) Vénus, vêtue en
nymphe, annonce à Amour l'arrivée proche d'Enée
à Carthage, et lui demande de l'aider contre la vengeance de
Junon, en provoquant, déguisé en Ascagne, l'amour de
Didon pour Enée. (7) Enée voit dans la rapidité
de son voyage une main divine. (8) Vénus,
déguisée en nymphe, apprend à Enée qu'il
est arrivé près de Carthage, dont Didon, belle et
veuve, est la reine, puis se fait reconnaître d'Enée.
(9) Amour, déguisé en Ascagne, plante sa flèche
dans la poitrine de Didon. (10) Enée demande asile à
Didon. Didon le lui accorde et Enée l'en remercie. (11) Les
trois dames d'honneur de Didon ont remarqué l'attitude de
Didon, et se considèrent délivrées du voeu de
chasteté. (12) Iarba se considère trahi par Didon, et
sombre dans la folie et déchire ses vêtements. (13) Un
vieillard est témoin de sa folie et philosophe.
Acte III
(1) Didon se demande ce qui a provoqué son amour
pour Enée, et craint les conséquences de son
infidélité à son époux défunt. Sa
soeur Anna lui conseille de céder à l'amour. (2) Les
dames d'honneur de Didon se moquent de Iarba et de sa folie. (3)
Scène de chasse. L'orage menace, et les chasseurs voient
passer Enée et Didon qui vont s'abriter dans une grotte. (4)
Mercure vient rappeler à Enée, de la part de Jupiter,
qu'il doit poursuivre sa route vers l'Italie où un trône
lui est promis. (5) Enée obéit et ordonne le
départ de la flotte troyenne pendant le sommeil de Didon. (6)
Didon se réveille, lui reproche sa lâcheté, mais
le supplie de rester. Enée lui explique qu'il obéit
à regret à Jupiter . Didon laisse éclater sa
colère, renvoie Enée et s'évanouit. (7) L'Ombre
de Sychée vient faire des reproches à Didon. Didon
s'éveille de son évanouissement et s'enfuit. (8) Les
trois dames d'honneur annoncent le départ d'Enée et se
lamentent sur l'inconstance masculine. (9) Mercure sort Iarba de sa
folie, et lui annonce que Didon lui est promise. Iarba exulte. (10)
Didon exhale ses remords et décide de se tuer. (*)
(*) livret Deutsche Harmonia Mundi - Le lieto fine - le
mariage de Didon et Iarbe - n'a pas été conservé
dans la version retenue par Thomas Hengelbrock pour son
enregistrement.
Par ailleurs, le livret original prévoyait un
Ballet des Maures Africains à la fin de l'acte II.
http://livretsbaroques.fr/Cavalli/Didone_1641.htm
(en français)
http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0004/bsb00047960/images/index.html?id=00047960&fip=qrsfsdrxdsydeayaeayawenyztsw&no=7&seite=9
(livret original de 1656)
http://www.librettidopera.it/didone/didone.html
(en italien)
http://spfm.unipv.it/girardi/Didone_v3.pdf (livret et exemples musicaux - en
italien)
"Composé en 1641, La
Didone est un opéra (actuellement conservé à la
Biblioteca Marciana de Venise) de la première période.
C\92est la troisième oeuvre du compositeur après Le nozze
di Teti e di Peleo (1639), et Gli amori d\92Apollo e di Dafne (1640)
déjà construit sur un texte de Busenello. L\92influence
de Monteverdi est décelable dans l\92écriture et
l\92esthétique. Le chant est traité comme
réceptacle de la théâtralité. La voix se
définit comme enivrement : le pouvoir de la langue, de la
rhétorique, de cette voix \91neuve\92 du début de
XVIIe siècle se découvre. Avec les cantar
parsaggiato, cantar sodo, cantar d\92affetto ; les contrastes de
dynamiques, de couleurs, de vibrato envahissent l\92organe vocal. La
déclamation, l\92oratio est le medium des affects : le
théâtre des voix devient physiognomonique et donne lieu
à une imagerie verbale. La musique, pour se donner une figure,
un lieu (au sens topique), puise à même l\92énergie
de la langue. Si dans la polyphonie le mot est cassé, ici
c\92est la voix glorieuse qui se torsade, se travesti, qui
frémit comme un voile. En effet, véritable ekphrasis
musicale, elle \91colle\92 au verbe. Les idôles-mots et
idôles-images composent une extraordinaire flambée
sauvage et sophistiquée où nature et raffinement jouent
dans une métamorphose omniprésente : entre texte
poétique (inscription littéraire), discours musical
(image rhétorique) et texture de la voix (masque mouvant). Car
il faut souligner la valeur du librettiste, le grand Busenello,
poète occupant une place importante dans le tradition
mariniste qui déploie l\92esprit conceptiste. Il écrira
l\92année suivant cette Didone, l\92Incoronazione di Poppea pour
Monteverdi. Il n\92est pas anodin que le créateur du
scénario des passions soit un héritier de Paolo Sarpi
et surtout de Cremonini, véritable maître de tous les
libertins sceptiques européens dans un centre
emblématique pour nombre de sciences : Padoue. Cremonini
(Ferrare 1550-Padoue 1631) est surtout connu pour avoir fondé
l\92Académie des Recovrati, transmis Aristote, Galenus et
surtout Pietro Pomponazzi source du scepticisme moderne. "
(ConcertoNet)
Représentations
:
- Théâtre des
Champs-Elysées - 12, 14, 16, 18, 20 avril 2012 -
Les Arts Florissants - dir. William Christie - mise en
scène Clément Hervieu Léger -
scénographie Eric Ruf - costumes Caroline de Vivaise -
lumières Bertrand Couderc - avec Anna Bonitatibus (Didone),
Kresimir Spicer (Enea), Xavier Sabata (Iarba), Maria Streiffert
(Ecuba), Katherine Watson (Cassandra, Damigella I, Dama III),
Tehila Nini Goldstein (Creusa, Giunone, Damigella II, Dama II),
Mariana Rewerski (Fortuna, Anna, Dama I), Claire Debono ((Venere,
Iride, Damigella III), Terry Wey (Ascanio, Amore, Cacciatore),
Nicolas Rivenq (Anchise, Un Vecchio), Valerio Contaldo (Corebo,
Eolo, Cacciatore), Mathias Vidal (Ilioneo, Mercurio), Joseph
Cornwell (Acate, Sicheo, Pirro Greco), Francisco Javier Borda
(Sinon Greco, Giove, Nettuno, Cacciatore)


"En s'acclimatant à
Venise en 1637, avec l'ouverture du Teatro San Cassiano,
l'opéra, importé de Rome par Francesco Manelli, se fait
phénomène de société, avec des salles
désormais à entrée payante : une innovation
grosse de conséquences dans l'évolution des goûts
du public.
Au fil de cette passionnante
histoire lyrique, un musicien va s'affirmer comme un créateur
fondamental, s'agissant de Pier Francesco Cavalli (1602-1676), dont
le maître ne fut autre que Monteverdi des années durant
à la Basilique Saint-Marc. Et cependant, plus que pour sa
carrière de musicien d'église (il parviendra pourtant
au poste de maître de chapelle en 1668), Cavalli, qui emprunta
son nom à son protecteur Federigo Cavalli, est surtout connu
pour son imposante production opératique. Créateur d'un
nouveau style qui va marquer l'Europe entière, il s'y impose
comme le premier compositeur de son temps, dans le sillage
immédiat du divin Claudio, mort en novembre
1643.
Dans ce domaine, il surpassera
tous ses rivaux, composant 42 ouvrages entre 1639 et 1669 qui, pour
la plupart, seront des réussites notoires. Une production qui
lui assurera une popularité à laquelle n'est pas
étrangère la manière expressive de sa musique,
plus à la portée du grand public que celle du
Crémonais. En tout cas, La Didone représentée en
1641 sur un remarquable livret de Francesco Busenello (le librettiste
du Couronnement de Poppée), fait aujourd'hui
l'événement au Théâtre des
Champs-Elysées dans la production des Arts Florissants
déjà présentée au Théâtre de
Caen en octobre dernier, dans une mise en scène de
Clément Hervieu-Léger et sous la direction de William
Christie. Si les sources sont à rechercher dans
l'Antiquité grecque et chez Virgile, l'humanité des
personnages y est un évident signe de modernité;
modernité qui deviendra une règle majeure de
l'opéra vénitien du milieu du siècle,
précisément dans la continuité de ce
chef-d'oeuvre qui mêle personnages divins, nobles et roturiers
dans un foisonnement d'humeurs bigarrées et alterne dans un
heureux va-et-vient les genres sérieux et
comique.
Pour autant, ce glissement de
l'idée dramatique vers une manière de «second
degré» pluraliste n'empêche pas le tragique
d'affleurer avec force dans l'admirable scène d'adieu
chantée par Enée. C'est que les archétypes
opératiques sont encore proches, qui pèsent de tout
leur poids sur les structures du «drame en musique». En
fait, Cavalli va d'instinct aux formes qui lui conviennent, glissant
du récitatif vers l'arioso et l'air avec un savoir-faire sans
pareil. Et l'on n'oubliera pas, outre la Didone, ces autres sommets
scéniques que sont, chez lui, L'Egisto (donné en
février l'Opéra Comique), L'Ormindo, Il Giasone, Xerse
et cette adorable Calisto, révélée par
l'exhumation si inventive de René Jacobs et Herbert Wernicke.
En clair, le grand réveil de Cavalli vient à son heure,
auteur idéal, avec sa diversité de modes de chant
(cantar passaggiato, cantar sodo, cantar d'affetto), pour servir la
théâtralité des passions dans un contexte qui se
fait le pressentiment de la miraculeuse Incoronazione à
naître l'année suivante."
- Concertclassic - Une perle
retrouvée
"On ne savait plus grand-chose
de La Didone de Cavalli \96 sinon par un enregistrement et surtout un
arrangement signé Thomas Hengelbrock publié en 1998
chez Deutsche Harmonia Mundi où rugissait la Didon d\92Yvonne
Kenny. Difficile d\92appréhender l\92\9Cuvre qui se scinde quasiment
en deux univers. Un stupéfiant premier acte dans les ruines de
Troie encore fumantes, d\92un modernisme théâtral à
couper le souffle, d\92une inspiration musicale qui ne se relâche
jamais avec toujours un sens du timing dans l\92action dramatique dont
le livret de Busenello est autant responsable que la musique
inspirée qu\92y a couchée Cavalli. Puis les actes de
Carthage où les arcanes du théâtre
vénitien mêlant drame et buffo reprennent le premier
plan. Impossible ne pas penser à la dernière
scène du Couronnement de Poppée en entendant le duo
final de Didon et de Iarbas, le roi des Gétules. Oui, car
malgré le départ d\92Enée, Didon ne se tue point.
Cette licence ne choque pas et rééquilibre le destin
des deux royaumes : que vive Carthage puisque Rome vivra.
On admire l\92\9Cuvre, son
théâtre tour à tour subtil et détonnant,
mêlant dieux et mortels, comme sa superbe musique ; on la
tient, maintenant qu\92on l\92a vue, pour une des perles absolues parmi
les ouvrages de Cavalli, on espère que le disque fixera le
travail remarquable de William Christie et de sa troupe, mais on
voudrait lui adresser un bémol : son orchestre senti mais trop
mince n\92est pas assez plein, et souvent pas assez exubérant
pour rendre compte de la force d\92un tel ouvrage ; dommage car le
geste y est sinon le nombre de loin insuffisant pour se faire
entendre dans la coupe du Théâtre des
Champs-Élysées.
Plateau dominé de
très haut par l\92Enée de Kresimir Spicer, ténor
qui monte, et dont la voix aux harmoniques saturées, à
l\92élan expressif clouant, se double d\92un véritable
artiste : les mots chez lui ont des couleurs et du sens. Formidable
« triple bill » (Ascanio, Amore, Cacciatore) de Damien
Guillon qui chante de la fosse doublant Terry Wey, indisposé,
grandiose Anchise de Nicolas Rivenq (ce timbre qui mort dans les
mots, cette ligne relevée et expressive), ténors
percutants, sopranos un peu plus dépareillées, sinon
Claire Debono.
Comme on le prévoyait
la Didon d\92Anna Bonitatibus est impérieuse, de présence
physique, certes, mais d\92abord de voix : timbre feulé,
couleurs vibrantes, ardeur dramatique, elle finit pas nous rappeler
la foudre et l\92or d\92une Tatiana Troyanos jusque parfois dans quelques
faiblesses d\92intonation. Le compliment n\92est pas mince mais on
l\92assume.
Clément
Hervieu-Léger réussit l\92acte troyen, osant une
fébrilité dans la direction d\92acteur qui rappelle son
maître, Patrice Chéreau, et trouve les clefs des
tableaux de Carthage, respectant l\92\9Cuvre et le public \96 on n\92en
revient pas qu\92une partie de la salle ait songé à le
huer un instant \96 le décors de Troie est plus inspiré
que celui de Carthage, et gagnerait de toute façon à
être débarrassé de quelques verrues modernes
incongrues, ici des palettes de chantier, là un
échafaudage en alu avec tulle.
Mais baste, c\92est l\92\9Cuvre
qu\92il vous faut découvrir, d\92autant que cette production la
sert avec art."
- Le Figaro - Sublime Didone
"Bien sûr, la
suavité de ses lamenti ne pourrait rivaliser avec l'arrogante
théâtralité de son aîné
vénitien Monteverdi. Et le happy end de sa Didone ne saurait
faire oublier la fin tragique de la reine de Carthage par son
homologue britannique Henry Purcell. Mais tout de même:
Francesco Cavalli ne méritait pas l'oubli d'où il ne
sortit qu'avec peine à la fin des années 1980. Il y a
dans sa musique vocale des traits d'une sensualité proprement
envoûtante. Son opéra en trois actes La Didone, issu de
sa première période et encore teinté
d'influences monteverdiennes, ne manque pas de cet émouvant
cantar d'affetto qui fera son style et sa signature. Encore faut-il,
pour le servir au mieux, des voix de premier choix. William Christie,
à la tête de cette production étrennée
à l'automne au Théâtre de Caen, a
rassemblé autour de lui un plateau de rois. Anna Bonitatibus
tient le rôle-titre avec abattage, donnant la réplique
à un Kresimir Spicer vaillant et combatif. On guettera
également Mathias Vidal et Xavier Sabata, deux des plus belles
révélations de ces dix dernières années.
Côté scène, Clément Hervieu-Léger,
du Français, opte pour une mise en scène
dépouillée mais non moins élégante,
où les costumes résolument contemporains des dieux
descendus parmi les hommes répondent étrangement aux
habits intemporels des mortels."
- Webthea - Perle vénitienne
"De Troie détruite
à Carthage en escale, les dieux, demi dieux, et mortels
racontent sur la scène du Théâtre des Champs
Elysées, l\92impossible épopée amoureuse
d\92Enée et de Didon. Portée par la poésie de la
musique de Francesco Cavalli (1602-1676) élève,
disciple et collaborateur de Monteverdi, dont on ne cesse depuis
quelques années de redécouvrir le génie. La
Calisto , Egisto, Giasone, l\92Ormindo, ont tour à tour pris
place sur nos scènes avec le même effet de
séduction. La Didone vient s\92ajouter à la série
et une fois de plus subjugue par sa délicatesse, son art
secret de transformer les mots en chants subtils.
Voici donc Enée, parti
de Troie dévastée par les Grecs avec pour mission
divine de créer un nouvel empire, et Didon, reine de Carthage,
rencontrée après le naufrage de sa flotte. De
rebondissements en surprises, le livret de Busenello, ses personnages
entre ciel et terre et ses parts de magie, est quasi impossible
à résumer, mais il peut, sur scène, soutenu par
les accents de Cavalli, faire se dérouler ses
péripéties à la manière d\92un livre
d\92images.
Avec William Christie et ses
Arts Florissants la partie est pratiquement gagnée d\92avance.
Christie tutoie cette musique avec respect, il ne la bouscule jamais,
il en fait couler la fluidité, il en enchante la transparence.
On regrettera seulement que la fosse du Théâtre des
Champs Elysées n\92ait pas été davantage
surélevée, comme c\92est le cas traditionnellement pour
les musiques de ce répertoire. D\92où une impression
d\92écoute parfois trop feutrée.
Après Denis
Podalydès pour Don Pasquale de Donizetti créé
récemment, Michel Franck le directeur du théâtre
a fait appel à d\92autres membres de la Comédie
Française, le jeune pensionnaire Clément
Hervieu-Léger pour la mise en scène et le
sociétaire Eric Ruf pour la scénographie. En
élégance sans risque et sans parti pris de
réactualisation socio-politique, leurs points de vue sont
plutôt reposants. Un superbe premier acte où Troie en
ruines couleur de charbon ruisselle de fumées, est suivi, pour
les deux actes suivants par le décor plus convenu du palais de
Carthage : un mur ocre et or percé d\92un portail qui s\92ouvre
sur la mer.
Seul élément
anachronique : un échafaudage de ravalement où
pendouillent des tulles blancs. Une astuce décalée sans
doute pour que les dieux et leurs copains puissent jouer à
cache cache avec les héros qu\92ils manipulent. Les
éclairages sont raffinés, souvent à contre-jour,
parfois parcimonieux, on aimerait ici ou là y voir aussi clair
que ce que l\92on entend.
Solide distribution avec en
tête le couple Didon/Enée, où l\92amant \96
vocalement \96 domine l\92amante. La rare puissance, le phrasé, le
legato du ténor croate Kresimir Spicer en font un héros
hors norme. Toutes les nuances de l\92action passent par sa
virilité, son articulation précise, sa ligne de chant.
Anna Bonitatibus a de Didon toutes les ferveurs, toutes les ardeurs,
toutes les déchirures. Katherine Watson en Cassandre
bouleversée est bouleversante. Xavier Sabata en Iarba
éperdu, Tehila Nini Goldstein en Creuse sacrifiée,
Nicolas Rivenq, noble Anchise... chaque personnage a trouvé
son double de chair et de voix. Avec une mention spéciale pour
Damien Guillon, contre-ténor remplaçant dans la fosse
son collègue Terry Wey souffrant, contraint, le soir de la
première, de jouer muet les rôles d\92Ascanio, Amore et
Cacciatore."
- Rue du Théâtre - Une Didon
ressuscitée en beauté
Disons-le d'emblée, on
a rarement vu une représentation d'opéra baroque aussi
aboutie. Passé le cap, un peu longuet, du premier acte,
piégé dans les ruines de Troie et ressassant le malheur
des vaincus, cette « Didone » transporte (dans tous les
sens du terme).
Ni le genre ni l'oeuvre ne
prêtent pourtant à la facilité.
Créée en 1641, à Venise, sur un livret
très élaboré de Busenello, « La Didone
» est signée d'un immense compositeur méconnu,
Pier Francesco Cavalli (1602-1676), fameux en son temps, mais
éclipsé pour la postérité par son
aîné et maître, Claudio Monteverdi, l'inventeur de
l'opéra. Cavalli, qui composa un « Hercule amoureux
» pour le mariage de Louis XIV, n'en reste pas moins le grand
propagateur du genre, capable d'entrecroiser le tragique et le
comique, de passer en douceur du lamento de Didon à la folie
cocasse de son amoureux, le roi Iarba.
Pour satisfaire aux exigences
du public désormais payant de son théâtre de San
Cassiano, premier théâtre lyrique et public de
l'histoire, Cavalli, mélodiste hors pair, sait maintenir
l'émotion et passer en souplesse du « recitar cantando
» (récitatif chanté) à l'aria, de la
déploration au style héroïque, comique ou galant.
Avec une force dramatique
soutenue, le livret couvre l'odyssée du prince troyen
Enée telle que l'a racontée Virgile, qui voulait faire
de lui le glorieux fondateur de l'empire romain. Ce demi-dieu est
tiraillé entre les manigances de sa mère,Vénus,
qui n'a de cesse de le faire tomber en amour, et Neptune qui le
redresse et le ramène à son devoir. On le
découvre au premier acte hagard dans les ruines de Troie
où il pleure la mort de son épouse, et l'on suit son
périple de fuyard jusqu'à Carthage, où la reine
Didon, veuve magnifique, repousse les avances du roi africain Iarba
et tombe amoureuse de lui. Mais, contrairement à la fameuse
« Didon » de Purcell (1689) qui se donne la mort
après le départ d'Enée pour l'Italie, celle de
Cavalli recouvre sa raison malmenée par les divinités
et épouse Iarba. Mariage de raison qui ne convainc
guère...
Mémorable, la
production du Théâtre des champs Elysée est
l'occasion d'une double première. Pour le chef, d'abord,
William Christie, qui aborde pour la première fois un
opéra de Cavalli, compositeur d'une quarantaine d'ouvrages
dont la plupart restent à redécouvrir. Faute de
notations musicales suffisantes, le chef accomplit un travail
remarquable de réécriture de l'orchestration tout en
respectant les us d'interprétation de l'époque,
évitant la surcharge. Avec un orchestre réduit,
formé d'instruments anciens presque exclusivement
composé de cordes (dont le spectaculaire tétracorde)
comme au temps de la création, il met au point un continuo
élégant et discret qui laisse toute sa place à
la beauté du texte. Quant aux airs, ils ne relèvent pas
du bel canto, plus tardif, mais ils servent la prosodie en excluant
la virtuosité.
Une première, ensuite,
pour le jeune Clément Hervieu-Léger qui réalise
là sa première mise-en-scène. Pensionnaire de la
Comédie française (où il jouait récemment
Oreste d' « Andromaque ») et collaborateur de Patrice
Chéreau, il accomplit un travail très fouillé
sur cet opéra des contrastes, passant de la nuit de douleur
tombée sur Troie au soleil éclatant et aux
délices de Carthage. Attitudes, décors, costumes,
couleurs, éclairages renvoient à l'imagerie baroque,
notamment aux tableaux de Poussin. De-ci, de-là, la
scène est semée d'heureuses trouvailles :
l'échafaudage dressé contre les murailles de Carthage
par lequel les dieux descendent sur terre; la dépouille du
cerf, symbole de mort, gisant au premier acte dans les ruines de
Troie que l'on retrouve au dernier acte comme signe de l'abandon de
Didon par Enée...
Bien sûr, les chanteurs
ont aussi -et surtout- leur part dans cette réussite. Aussi
bon musiciens que comédiens, ils sont tous de très haut
niveau. Avec un trio de tête éblouissant : la mezzo Anna
Bonitatibus au registre très ample et au phrasé
impeccable campe une Didon aussi émouvante
qu'impérieuse, le ténor Kresimir Spicer un Enée
séduisant, tout en nuances, et le contre-ténor Xavier
Sabata un Iarba épatrant, passant avec une facilité
déconcertante du rire aux larmes."
"Si, grâce
à Montaigne, nous n'ignorons plus que philosopher c'est
apprendre à mourir, nous savons désormais, grâce
à Pier Francesco Cavalli qu'apprendre à mourir est
savoir chanter sa mort et maîtriser l'art de la lamentatio.
Élève de Monteverdi à la Chapelle musicale du
Doge, Cavalli incarne une évolution majeure de l'opéra
vénitien dont témoignent des ouvrages aussi
emblématiques que Giasone (1649), La Calisto (1651) ou Ercole
amante (1662) [lire notre critique du DVD]. De la quarantaine
d'opéras qu'il a composés, vingt-sept seulement ont
été préservés.
La Didone est typique d'un
genre fondamentalement baroque, accouplant styles tragique et
comique, personnages divins et mortels, sans hésiter à
multiplier les intrigues \96 jouées quasi-simultanément
dans un très bref intervalle de temps. Le Seicento
vénitien triomphe ici en une pluie de variations d'affetti,
subtile palette sentimentale dont la versatilité touche au
sublime. L'invraisemblance semble de mise, n'hésitant pas
à bousculer les codes d'un théâtre qui n'allait
pas tarder à devenir classique. Dans certaines scènes,
des défunts font leur réapparition et perturbent le
déroulement d'une narration déjà fort
chantournée et digressive.
Le livret de Francesco
Busenello (qui signa également L\92incoronazione di Poppea de
Monteverdi) constitue un art poétique très puissant,
sous-bassement d'une partition aérienne et parfaitement
proportionnée à la dimension sentimentale des mots. Il
suffit de tendre l'oreille au hasard, les « moments »
abondent, se répondent en miroir et se multiplient. Dans la
déploration de Cassandre sur la mort de Corebo par exemple, le
jeu suave des ralentis génère des sinuosités
mélismatiques qui laissent s'évaporer le grain de la
voix. Le sinistre monologue d'Hécube ensuite (Tremulo spirito)
dans lequel on ne sait, de la métaphore verbale ou musicale,
ce qu\92il faut le plus admirer. Chez Cavalli le personnage se fait le
réceptacle résonant d'un discours qui le submerge, au
risque de lui faire perdre la raison, comme Iarbas au dernier acte.
Par un génial caprice du librettiste, Didon abandonnée
ne connaîtra pas le même sort et échappe au
suicide en épousant Iarbas.
Le titre de l'ouvrage peut
étonner dans la mesure où le personnage principal est
Énée. Tout le premier acte est consacré à
la fuite des ruines de Troie. Didon n'apparaît qu'au
deuxième acte avant de conclure l'ouvrage, une fois
Énée disparu. Troie tout comme Carthage sont comme deux
personnages muets, toutes deux vouées à
disparaître. Énée voyage d'une ville à
l'autre, avant d'aller fonder Rome, courant d'une situation
désespérée à une autre en abandonnant les
cendres du passé derrière lui. Le décor de cette
production est construit sur l'idée d'un paysage mental,
à la fois hyperréaliste et fort symbolique. Le principe
de la réversibilité transforme le sombre rempart fumant
de Troie au premier acte en placide palais carthaginois dans les deux
suivants. La binarité des climats est excessivement
soulignée, notamment par des jeux de lumières plus ou
moins bien réussis selon les scènes. Toute la
première partie se déroule en effet dans une
obscurité quasi-totale, noyée d'épais nuages de
fumée qui se répandent jusque dans la salle avant
même le lever du rideau. L'éclairage rare et vertical ne
permet pas, sans le secours du livret, de distinguer clairement
l'identité des personnages. La porte principale de Troie est
solidement barricadée, ce qui laisse présumer que le
massacre a eu lieu à l'intérieur des murailles. Un
énigmatique (et encombrant) cadavre de cerf gît sur
l'avant-scène ; on le retrouve dans les actes suivants, telle
une métaphore ambiguë du sort fatal qui accompagne
Énée dans ses pérégrinations.
Clément
Hervieu-Léger ne cherche pas à faire oublier
l'inspiration éminemment théâtrale de sa mise en
scène. Le mélange d'onirisme et de prosaïsme
opère sans un attirail symbolique complexe. Les oracles et le
merveilleux s'incarnent dans des situations où le jeu de
l'acteur est placé au centre de toutes les attentions, quitte
à léser l'amateur de scénographies ouvertement
contemporaines et provocantes. On retient quelques rares trouvailles,
telle cette robe-chrysalide que déchire Didon en plein
désespoir comme pour abandonner son passé et ses
rêves envolés. Réussite également, ces
jeux érotiques parmi les nymphes, métaphores
libidineuses de la chasse, ou bien cette fausse happy end dans
laquelle Didon peine à dissimuler son amertume sous la
décision de céder à Iarbas\85
Les personnages secondaires
sont particulièrement bien mis en valeur, même si l'on
regrette parfois, ici et là, une hésitation à
porter le drame au delà des conventions vers un imaginaire
littéralement délirant. Le sang de Didone
témoigne en creux de cette intériorité
déchirée, le symbole porte haut sa
référence à la Phèdre de Patrice
Chéreau.
Dans la fosse, William
Christie opte pour un instrumentarium d'origine, avec peu
d'instruments à vents pour ne pas couvrir excessivement les
voix. Un discret tapis de cordes, aux limites de
l'austérité, s'inscrit parfaitement au service de la
narration, comme pour mieux en concentrer la couleur venimeuse. Le
récitatif est au centre de toutes les attentions et de toutes
les complexités de l'écriture de Cavalli. Tour à
tour recitativo cantando ou arioso, le compositeur se plaît
à révéler les facettes psychologiques des
personnages à travers les contrastes virtuoses de la
vocalité.
La réussite de cette
production tient essentiellement de la très haute tenue du
plateau vocal, jusque dans les rôles secondaires.
Conviés à jouer plusieurs rôles, certains
chanteurs sont particulièrement sollicités. C'est le
cas de Tehila Nini Goldstein (Creusa, Giunone, Damigella II et Dama
II), Claire Debono (Venere, Iride et Damigella III) et Mariana
Rewerski (Fortuna, Anna, Dama I). Katherine Watson incarne une
inoubliable Cassandre, avec toute la légèreté et
la gravité du rôle, tandis que Maria Streijffert se tire
parfaitement des pièges de son Hécube.
Au rayon des
contre-ténor, Xavier Sabata mérite toutes les louanges
dans le rôle difficile de Iarbas ; mention spéciale
également à Damien Guillon, chantant depuis la fosse un
rôle tenu sur scène par un Terry Wey souffrant. Nicolas
Rivenq (Anchise, un Vecchio) rappelle qu'il possède toujours
une autorité souveraine dans ce répertoire, ce qui
n'est pas toujours le cas du jeune Mathias Vidal (Ilioneo, Mercurio)
dont l'impétuosité, en ce soir de première,
laisse transparaître quelques failles. La Didon d'Anna
Bonitatibus impressionne à tous égards, alternant
beauté plastique du jeu et perfection de la ligne vocale.
Kre\9Aimir \8Apicer lui offre en Énée un miroir de couleurs
parfaitement équilibré et d'une tenue à toute
épreuve. On n'ose rêver d'une captation «
officielle » de cette éblouissante démonstration
musicale."
- Forum Opéra - 14 avril 2012 -
Bonitatibus au sommet de son art
"Créée au
Théâtre de Caen l\92automne dernier, cette Didone signait
les débuts de Clément Hervieu-Léger, jeune
acteur de la Comédie-Française, dans la mise en
scène lyrique. Le choix peut sembler téméraire,
tant le théâtre musical vénitien recèle
d\92écueils et de chausse-trappe. Ce baptême du feu semble
d\92ailleurs avoir intimidé le nouveau venu, conscient du
caractère « bancal », pour reprendre ses propres
termes, du troisième opéra de Cavalli. Elégante
sobriété ou indigence, son travail cultive
l\92épure et se concentre sur une direction d\92acteurs, certes
intelligente, mais aussi fort classique. Tout le contraire du
spectacle inventif et très onirique imaginé en 2001 par
un autre novice, Eric Vigner, partenaire inspiré de Christophe
Rousset à Lausanne. De la brûlante Didon de Juanita
Lascarro, de ses amants vulnérables, blonds et robustes
jumeaux incarnés avec une sensualité affolante par Ivan
Ludlow et Topi Lehtipuu, nous conservons aujourd\92hui encore un
souvenir extrêmement vivace. La proposition de
Clément-Hervieu Léger n\92est pas dépourvue de
qualités, mais reste trop conventionnelle pour marquer
durablement les esprits. Seul embryon d\92originalité, le
cadavre d\92un cerf rappelle en même temps la carcasse de
rhinocéros de La Didone lausannoise. Pour le reste, Eric Ruf
situe l\92acte troyen devant les murs éventrés de la
cité et se contente de le retourner pour figurer le palais de
la reine de Carthage, d\92assez vilaines imitations de boiseries
remplaçant les pierres alors qu\92un échafaudage
partiellement recouvert de draps blancs, accessoire
surexploité et emblématique d\92une certaine
scénographie contemporaine, fait office d\92ascenseur pour les
dieux de l\92Olympe.
Le premier acte de La Didone
est un chef-d\92\9Cuvre en soi, diamant noir qui tend à
éclipser le reste de l\92\9Cuvre. Dans les ruines encore chaudes
de Troie, les Grecs assassinent sauvagement Créüse puis
Corèbe, qui tente de défendre l\92honneur de Cassandre
agressée par le fils d\92Achille alors que résonne
déjà la plainte déchirante d\92Hécube. Les
épisodes du drame, souvent à peine esquissés,
s\92enchaînent à un rythme effréné. Le
récitatif dramatique de Cavalli y atteint des sommets
d\92expressivité auxquels seuls quelques ouvrages
ultérieurs se hisseront alors que les lamenti d\92Hécube
et de Cassandre sont parmi les plus saisissants qu\92il ait jamais
écrits. La rencontre amoureuse entre Didon et Enée au
II, les doutes de la veuve de Sichée et les minauderies de ses
suivantes introduisent une solution de continuité sans doute
trop brutale pour captiver le spectateur, encore hanté par les
malheurs qui ont frappé les Troyens. Si le délire de
Jarbas commence de ranimer notre intérêt, le
troisième acte renoue enfin avec le pathétique et la
fulgurance tragique.
Certains interprètes
ont pris d\92importantes libertés avec l\92opéra au nom de
la vraisemblance et de l\92efficacité dramatique. Eric Vigner et
Christophe Rousset ont recentré l\92action sur la trajectoire
d\92Enée, le drame, ainsi ramené à deux heures et
demie au lieu de quatre, gagnant en densité et en
cohérence. Trois ans plus tôt, au festival de
Schwetzingen, Thomas Hengelbrock renonçait au lieto fine, ce
mariage entre Didon et Jarbas « tombé du ciel »,
comme le qualifiait alors le musicien. Avec le suicide de Didon dans
le dernier tableau, « le cercle des catastrophes
extérieures et intérieures est ainsi clos,
expliquait-il, et un « happy end » viendrait réduire
la crédibilité et la hauteur de chute de ces
protagonistes qui nous sont devenus si proches. » William
Christie, qui aborde pour la première fois Cavalli et n\92a que
peu dirigé ce répertoire (Il Tito de Cesti, Il Ritorno
d\92Ulisse et plus récemment L\92Incoronazione di Poppea),
répugne à ce type d\92intervention. Il conserve en
particulier ce dénouement auquel Clément
Hervieu-Léger, dans sa note d\92intention, apporte un
éclairage symbolique: « Didon ne meurt pas. Ou plus
exactement elle meurt sans mourir. Car ce mariage forcé
ressemble fort à une « mort émotionnelle ».
Didon se relève, mais son c\9Cur, lui, s\92est arrêté
de battre. » Elle est anéantie, la trahison d\92Enée
ayant aboli son amour-propre et toute volonté.
A quoi reconnaît-on une
tragédienne ? « Intéressante et pathétique
dans la tendresse comme dans la douleur, noble et grande jusque dans
ses fureurs, elle attache et suspend l\92âme ». Trois
siècles plus tard, nous ne décririons pas autrement la
performance d\92Anna Bonitatibus dans le rôle-titre, digne des
éloges adressés par le Mercure à Marie-Jeanne
Fesch (dite Mademoiselle Chevalier) pour son interprétation
d\92Armide (Lully) en décembre 1761. La mezzo donne tout et se
consume jusqu\92à l\92implosion finale, rééditant le
choc de son Octavie. Kresimir Spicer a la stature vocale et physique
d\92Enée, il possède ce mélange de robustesse et
de délicatesse caractéristique du héros sensible
dont les suaves et déchirants adieux à la reine
constituent l\92un des climax de la
représentation.
La longue, l\92interminable
agonie de Corèbe pose un vrai défi sur le plan
dramaturgique, relevé avec succès par Clément
Hervieu-Léger et le jeune Valerio Contaldo, un ténor
à suivre au même titre que la soprano Katherine Watson,
émouvante Cassandre issue du Jardin des Voix. Le comique, en
revanche, réussit moins au metteur en scène qui peut
heureusement s\92appuyer sur l\92abattage de Xavier Sabata (Jarbas),
irrésistible dans ses accès de folie douce, et sur la
fougue (un rien perçante) de Mathias Vidal en Mercure. Le
temps ne semble pas avoir de prise sur Nicolas Rivenq, ligne
somptueuse et déclamation exemplaire. Anchise affiche
dès lors une prestance et une vigueur pour le moins
inattendues chez un vieillard. Hélas, Maria Strijffert n\92a
guère profité de cette leçon et disloque
l\92extraordinaire déploration d\92Hécube, sans conteste
une des plus grandes pages de Cavalli.
N\92en déplaise aux
émules de René Jacobs, William Christie ne lorgne
toujours pas vers la cour des Médicis ou des Gonzagues et
n\92adjoint que deux paires de cordes (violons et altos) au continuo,
rejoint fugacement par la flûte de l\92indispensable
Sébastien Marq. Mais en vérité, La Didone,
à l\92instar d\92Il ritorno d\92Ulisse ou de l\92Egisto
récemment donné à Favart, requiert moins de
puissance que de raffinement. La richesse de timbres de la basse
continue (violoncelle, gambe, lyrone, contrebasse, dulciane, harpe,
luth, théorbes, guitares et clavecins) permet de renouveler
l\92accompagnement, pour le plaisir de l\92oreille, mais également
de restituer la diversité des climats et des paysages
intérieurs. Peu de chefs savent animer aussi subtilement le
discours, révélant une intention, soulignant une
inflexion ou exaltant la beauté d\92un détail,
grâce à une profonde connaissance du style comme de la
rhétorique du chant."
- Le présent redéfini - 18 avril
2012
"Il y a des soirs comme cela,
où la météo irascible finit par déteindre
sur vous : le vent courroucé, la pluie acérée et
le ciel plombé de nuages maussades ne vous prédisposent
pas à l\92indulgence ou à la mansuétude. On
espère du bruit et de la fureur, de l\92exaltation et de la
rage\85 et on finit par s\92enfuir à l\92entracte, mortifiée
par l\92ampleur du désastre.
Le nombre de sièges
vides dès le second balcon, ce qui est plutôt rare
lorsque l\92ami Christie convoque ses Arts Florissants pour du baroque
rarement monté, n\92augurait pas d\92une soirée
d\92anthologie et d\92un enthousiasme débridé des
spectateurs non accrédités (ne lisez pas les analyses
parisiennes viciées, la plupart des journaleux sont des
ânes sourds sans esprit critique, incapable d\92une once de
sincérité ou du moindre commentaire personnel).
Que retenir de cette
première partie endurée les mâchoires
serrées, quand tout prend l\92eau ? Francesco Cavalli n\92a rien
du perdreau de l\92année ; élève de Monteverdi,
maître de Chapelle à Venise, compositeur d\92une bonne
quarantaine d\92opéras, associé à Francesco
Busenello (librettiste un an plus tard du Couronnement de
Poppée) pour adapter le chant IV de l\92Ènéide de
Virgile, Cavalli signe pourtant une \9Cuvre léthargique. On se
demande même s\92il est judicieux de monter La Didone en version
scénique et s\92il n\92eut pas mieux valu se contenter d\92une
version concert. Le continuo est effet extrêmement ténu,
voire même un peu osseux (clavecin, théorbe, violoncelle
et luth\85 et puis c\92est tout) et se déroule durant tout l\92acte
I avec des allures de madrigal trop famélique et uniforme. On
en vient à espérer « plus de notes », plus
d\92énergie et d\92inventions.
Alors quand les voix du
prologue et de l\92acte I ne sont pas exceptionnelles pour contraster
avec l\92inertie de la fosse, on s\92embête ferme. L\92absence totale
de mise en scène ne félicite pas le travail des
chanteurs, qui errent d\92un bout à l\92autre de la scène,
sans repères, sans dramaturgie, dans toutes ces
épreuves et calamités qui émaillent la chute de
Troie avant le départ d\92Ènée vers Carthage. Le
vide est sidéral, la direction d\92acteurs inexistante, le
décor démesuré et ridicule. On doit ce naufrage
à un certain Clément Hervieu-Léger (pensionnaire
au Français) et surtout ancien collaborateur de Chéreau
(ce qui explique le cirage de pompes ridicule des critiques
officielles). Faire de la pâte dramatique de Didon et
Ènée un tel désert de création, sans
idée, sans pensée, sans intelligence devrait le
proscrire pour un long moment de toutes les scènes de France
et de Navarre."
- Toute la culture - Souffrances de l\92âme et
Prouesses vocales de La Didone de Cavalli au TCE
Destins tragiques, amours
cruelles, voyages sans fin, « La Didone » de Cavalli se
lamente sous la baguette subtile de William Christie et la mise en
scène de Clément Hervieu-Léger dans laquelle les
chanteurs acteurs, dans cette distribution vocale parfaite, ont tous
le premier rôle.
On ne compte plus les versions
de Didon et Enée de Purcell ces dernières
années. Plus originale est l\92idée du
Théâtre des Champs Elysées de programmer une
Didone de Francesco Cavalli, élève de Monteverdi,
inspirateur de Lully. La trame est différente de celle retenue
par Purcell. Francesco Busenello, le fameux librettiste du «
Couronnement de Poppée », s\92inspire de l\92Enéide de
Virgile et couvre l\92histoire d\92Énée depuis la chute de
Troie, le meurtre de son épouse par les Grecs et son
départ sur ordre de Vénus. Malmené par la
tempête, il va échouer à Carthage où
règne Didon, vainement courtisée par le roi Iarba.
Manipulée par Vénus et Neptune, la reine africaine
s\92éprend d\92Énée jusqu\92au départ du Troyen
ordonné par les Dieux. Mais chez Busenello/Cavalli, Didon
recouvre une raison obscurcie par les manigances amorales des
divinités. Elle épousera Iarba et ne mettra pas fin
à ses jours. Il existe deux versions de La Didone, l\92une
vénitienne (1641), l\92autre napolitaine (1650). La
première a été choisi pour cette version.
Face à une salle
pleine, le rideau s\92ouvre sur une magnifique image de chaos, la
scène enfumée laisse apercevoir le désastre, un
animal mort au milieu d\92un décor en ruine, rempart monumental
barré par des poutres pour empêcher l\92ennemi de
pénétrer. Devant les ruines de Troie, les héros
meurent et leurs épouses se lamentent. Le lamento, une des
clefs de l\92opéra de Cavalli, sa forme obstinée, ses
notes descendantes pour obscurcir le récitatif, briser la
diction et le dialogue et faire voyager l\92émotion aux quatre
coins du plateau. L\92improbable arrive, l\92âme apparaît et
ouvre les abyssales noirceurs d\92un malheur splendide et
déchirant.
Enée brillant et
délicat interprété avec finesse par le
ténor à la voix de velours Kresimir Spicer, seul au
c\9Cur des ruines pleure sa femme Créuse qui vient de
périr. Dès le début la musique frôle la
perfection, William Christie hélas à peine visible dans
la fosse s\92applique au clavecin et dirige avec brio. Sur le rempart,
Vénus, Claire Debono, mère d\92Enée, le
protège afin de le laisser accomplir son destin et partir vers
l\92Italie pour fonder Rome.
Après
d\92épouvantables tempêtes, somptueusement
interprétées par les vents sans le tintement du son,
les instrumentistes donnent à entendre des vibrations
palpables. Enée aborde à Carthage où la reine
Didon dédaigne l\92amour du roi Iarba, Xavier Sabata,
interprète déchiré par l\92amour laissant place
à la fantaisie et l\92humour coulant à merveille sur ses
notes. Enée et Didon, brillamment interprétée
sans faille par la mezzo-soprano italienne Anna Bonitatibus,
s\92éprennent l\92un de l\92autre grâce à un
stratagème d\92Amour, au service de Vénus. Terry Wey a la
voix divine et pure d\92un contre ténor, une prouesse de douceur
et de perfection. Anna Bonitatibus met sa technique au service d\92un
phrasé souple, précis et ne mitraille pas de vocalises
mais laisse apparaître un réel sens de la ligne et des
aigus libres tout en émotion et en grâce.
La mise en scène de
Clément Hervieu-Léger n\92a rien de fantaisiste,
très classique elle laisse la part belle aux chanteurs qui ont
de réels parcours d\92acteurs. La scénographie d\92Eric Ruf
est puissante au premier acte, vertige des hauteurs, matière
froide et déchirée, présence animale, tout y est
pour donner vie à l\92histoire. Pour les second et
troisième actes elle devient moins convaincante, la
présence d\92un échafaudage, accessoire très
à la mode sur les plateaux depuis quelques années,
allez savoir pourquoi, brouille les images et pourrait faire sortir
de l\92histoire. Le travail sur l\92espace est extrêmement bien
réussi. Hauteur et profondeur donnent des dimensions
surnaturelles au plateau et la création lumière
finement travaillée offre des images magiques. Le traitement
des costumes de Caroline de Vivaise est un peu terne, les mortels
sont vêtus de robes intemporelles, les Dieux sont eux
habillés de tenues contemporaines, Vénus a toujours une
valise à la main. Grenat, ocre, vert, et dans des
clairs-obscurs, les chanteurs prennent des allures semblables
à celles des peintures italiennes et religieuses du XVIIe
siècle.
Une oeuvre riche où
tragique et comique s\92enlacent sur un livret vif, poétique,
moderne, est chantée en italien surtitré par une
équipe artistique aux voix exceptionnelles d\92une grande
cohérence, où chacun a le physique de l\92emploi et
laisse la voix exhaler les couleurs de l\92âme. L\92orchestre des
Arts Florissants déploie sa palette tout en nuance et finesse.
Théâtre et musique se mélangent avec justesse,
William Christie donne à entendre les états d\92âme
et la couleur du personnage de manière théâtrale.
Une histoire est à
raconter et se raconte en musique, la force du théâtre
et des émotions extraordinaires est sous tendue par la
puissance magique de la musique. Départs, voyages, adieux sans
cesse renouvelés, amour, souffrances, déchirures, la
palette vocale est multiple et ne perd jamais en
interprétation, relief et profondeur. Avec ses cantar
passaggiato, cantar sodo, cantar d\92affeto, toutes les couleurs et
tous les contrastes de la vocalité et de
l\92interprétation sont présents au service de la
théâtralité des passions.
Quand le rideau tombe, la
salle se lève et acclame avec vigueur l\92équipe
artistique. William Christie, solaire, humble est heureux de saluer
sous les bravo et autres « Williiiiiiiiiiiiii ». Les
chanteurs applaudissent l\92orchestre, l\92orchestre applaudit les
chanteurs et le chef, une telle modestie est rare à
l\92opéra, elle est souvent synonyme de talent, de prouesses et
force le respect."
- Théâtre de
Caen - 16, 18 octobre 2011 -
Luxembourg - Grand Théâtre - 26, 28
octobre 2011 - Les Arts Florissants - dir. William Christie - mise
en scène Clément Hervieu-Léger - avec Anna
Bonitatibus (Didone), Kre\9Aimir Spicer (Enea), Claire Debono
(Venere, Iride, Damigella III), Tehila Nini Goldstein (Creusa,
Giunone, Damigella II, Dama II), Katherine Watson (Cassandra,
Damigella I, Dama III), Mariana Rewerski (Fortuna, Anna, Dama I),
Xavier Sabata (Iarba), Terry Wey (Ascanio, Amore, Cacciatore),
Valerio Contaldo (Corebo, Eolo, Cacciatore), Joseph Cornwell
(Acate, Sicheo, Pirro), Mathias Vidal (Ilioneo, Mercurio), Maria
Streijffert (Ecuba)




- extrait
vidéo
- Ouest France
"Des applaudissements à
jet continu saluant toute une équipe en fin de spectacle. La
production de La Didone par Les Arts Florissants a magnifiquement
ouvert la saison du théâtre de Caen, dimanche. Avant
Purcell, Francesco Cavalli (1602-1676), qui a eu pour maître
Monteverdi, s'est saisi de cet épisode mythologique de
l'après chute de Troie, où s'entremêlent les
interventions des divinités. Pas simple, même quand on
est un demi-dieu !
D'un décor de
désolation, enveloppé d'un bleu horizon _ bouché
en la circonstance _, on passe à la lumière des rivages
de Lybie. Enée, guerrier défait et veuf, s'est soumis
à l'exil. Il débarque à Carthage. Ça
n'est pas tout à fait la route de l'Hespérie (Italie),
où il doit fonder la nouvelle Troie. De surcroît, se
noue une idylle avec Didon, la reine de Carthage en deuil de
Sichée. Généralement, Énée
étant rappelé à son devoir, ça se termine
mal pour la souveraine. Mais là, le librettiste, Giovanni
Francesco Busenello, lui évite d'être la Didon de la
farce. Il la jette dans les bras de Larbas, son soupirant de
toujours. On doute que ça dure...
Toute la palette dramatique et
tragi-comique se trouve réunie dans cet opéra conduit
par une écriture d'une grande force poétique, dans
laquelle se love la musique. L'oeuvre repose sur les chanteurs, tous
remarquables, bénéficiant de l'accompagnement haute
qualité de William Christie au clavecin et des musiciens des
Arts Flo. Anna Bonitatibus et Kresimir Spicer (photo) justifient leur
place de tête de distribution. Mais c'est sur un même
plan d'égalité qu'il faut apprécier le jeu et
les voix des autres interprètes. Clément Hervieu-Leger,
le metteur en scène, voulait insuffler un esprit de troupe de
théâtre. Il a parfaitement
réussi."
"Plateau vocal de rêve,
donc, pour une intrigue qui se termine mieux que chez Purcell (ici,
Didon épouse Iarbas), avec une Reine de Carthage solidement
incarnée par la vibrante et très présente Anna
Bonitatibus, un Enée héroïque dans la voix de
poigne de Kresimir Spicer. Xavier Sabata, alias Iarbas, au
contre-ténor richement timbré, Claire Debono,
adamantine et limpide dans le rôle de Vénus\85 Mais le
coup de c\9Cur allait sans conteste au jeune ténor Mathias
Vidal, excellent acteur, charmeur, théâtralisant sa
diction, rayonnant avec humour.
Signée par
Clément Hervieu-Léger de la
Comédie-Française, la mise en scène reposait sur
une magnifique direction d\92acteur, pleine de regards et de gestes qui
\93humanisaient\94 un livret où les rapports entre les personnages
sont assez factices (succession de grands monologues à valeur
de dialogues).
Dans la fosse, les musiciens
soutenaient le chant sans faille, menés par un William
Christie toujours aussi inventif au clavecin, mais qui gagnerait
peut-être, au moins dans ce répertoire-là,
à desserrer un brin sa rigueur au profit d\92une plus grande
fantaisie\85"
"Dans Troie en ruines,
Enée, brillamment interprété par le ténor
croate Kresimir Spicer, pleure sa femme Créüse (Tehila
Nini Goldstein), qui vient de périr. Pour représenter
Troie, un rempart monumental et sa porte, barrée par des
poutres pour empêcher l'ennemi de pénétrer. Sur
le rempart, Vénus (Claire Debono), la mère
d'Enée, le protège afin qu'il accomplisse son destin et
parte vers l'Italie pour fonder Rome, comme dans l'Enéide de
Virgile.
Après
d'épouvantables tempêtes, Enée aborde à
Carthage où la reine Didon dédaigne l'amour du roi
Iarba (Xavier Sabata). Enée et Didon,
interprétée avec un talent sans faille par la
mezzo-soprano italienne Anna Bonitatibus, s'éprennent l'un de
l'autre grâce à un stratagème d'Amour (Terry
Wey), au service de Vénus.
Cette oeuvre riche où
s'entrelacent tragique et comique sur un livret de Busenello vif,
poétique, aux accents modernes, est chantée en italien
surtitré par une équipe artistique d'une grande
cohérence, où chacun a le physique de
l'emploi.
Mêlant son jeu à
celui des chanteurs, l'orchestre des Arts Florissants déploie
sa palette toute en nuance et finesse. "Aucun des artistes n'avait
jamais chanté cette oeuvre", assure à l'AFP
Clément Hervieu-Léger, pensionnaire de la
Comédie-Française qui réalise avec "La Didone"
sa première mise en scène à l'opéra. "Les
chanteurs sont arrivés complètement vierges aux
répétitions" pour s'approprier leur rôle,
ajoute-t-il.
"Ce sont les tout
débuts de l'opéra", précise le metteur en
scène. "La frontière entre le théâtre et
la musique est extrêmement ténue. Il est impossible de
détricoter l'un de l'autre".
Ainsi, William Christie a
cherché "à donner à entendre les états
d'âme, les couleurs des personnages mais d'une manière
théâtrale", selon Clément Hervieu Léger.
Pour lui, "l'important était de raconter une histoire". "Le
parcours de Didon est émotionnellement extraordinaire. C'est
un vrai parcours d'actrice et la force du théâtre est
renforcée par la puissance et la magie de la musique",
relève-t-il. Pour lui, "l'impression de voyage est surtout
dans les départs et les arrivées". "On est dans une
thématique des adieux renouvelés continuellement par
Enée qui laisse derrière lui Créüse
à Troie et Didon, comme morte, à Carthage".
Alors que les mortels sont
vêtus de robes intemporelles, les dieux sont habillées
de tenues contemporaines, Vénus toujours une valise de cuir
à la main. "C'est qu'ils descendent dans ce terrain de jeu
formidable qu'est le monde des hommes", assure le metteur en
scène. Dans des harmonies de couleur grenat, ocre, vert, et
dans des clairs-obscurs, les chanteurs prennent aux moments les plus
intenses des postures identiques à celles des peintures
italiennes et religieuses du XVIIe siècle. Créüse
dans les bras d'Enée rappelle ainsi une
Pietà."
"Récit de voyage et
d'amours contrariées, "La Didone" de Cavalli, aux
prémices de l'opéra baroque, déroule ses
lamentations sous la baguette du pionnier de cet art William
Christie, dans une distribution d'une rare perfection au
Théâtre de Caen. Dans Troie en ruines, Enée,
brillamment interprété par le ténor croate
Kresimir Spicer, pleure sa femme Créüse (Tehila Nini
Goldstein), qui vient de périr.
Pour représenter Troie,
un rempart monumental et sa porte, barrée par des poutres pour
empêcher l'ennemi de pénétrer. Sur le rempart,
Vénus (Claire Debono), la mère d'Enée, le
protège afin qu'il accomplisse son destin et parte vers
l'Italie pour fonder Rome, comme dans l'Enéide de Virgile.
Après d'épouvantables tempêtes, Enée
aborde à Carthage où la reine Didon dédaigne
l'amour du roi Iarba (Xavier Sabata). Enée et Didon,
interprétée avec un talent sans faille par la
mezzo-soprano italienne Anna Bonitatibus, s'éprennent l'un de
l'autre grâce à un stratagème d'Amour (Terry
Wey), au service de Vénus.
Cette oeuvre riche où
s'entrelacent tragique et comique sur un livret de Busenello vif,
poétique, aux accents modernes, est chantée en italien
surtitré par une équipe artistique d'une grande
cohérence, où chacun a le physique de l'emploi.
Mêlant son jeu à celui des chanteurs, l'orchestre des
Arts Florissants déploie sa palette toute en nuance et
finesse.
"Aucun des artistes n'avait
jamais chanté cette oeuvre", assure à l'AFP
Clément Hervieu-Léger, pensionnaire de la
Comédie-Française qui réalise avec "La Didone"
sa première mise en scène à l'opéra. "Les
chanteurs sont arrivés complètement vierges aux
répétitions" pour s'approprier leur rôle,
ajoute-t-il. "Ce sont les tout débuts de l'opéra",
précise le metteur en scène. "La frontière entre
le théâtre et la musique est extrêmement
ténue. Il est impossible de détricoter l'un de
l'autre".
Ainsi, William Christie a
cherché "à donner à entendre les états
d'âme, les couleurs des personnages mais d'une manière
théâtrale", selon Clément Hervieu Léger.
Pour lui, "l'important était de raconter une histoire". "Le
parcours de Didon est émotionnellement extraordinaire. C'est
un vrai parcours d'actrice et la force du théâtre est
renforcée par la puissance et la magie de la musique",
relève-t-il. Pour lui, "l'impression de voyage est surtout
dans les départs et les arrivées". "On est dans une
thématique des adieux renouvelés continuellement par
Enée qui laisse derrière lui Créüse
à Troie et Didon, comme morte, à Carthage". Alors que
les mortels sont vêtus de robes intemporelles, les dieux sont
habillées de tenues contemporaines, Vénus toujours une
valise de cuir à la main. "C'est qu'ils descendent dans ce
terrain de jeu formidable qu'est le monde des hommes", assure le
metteur en scène.
Dans des harmonies de couleur
grenat, ocre, vert, et dans des clairs-obscurs, les chanteurs
prennent aux moments les plus intenses des postures identiques
à celles des peintures italiennes et religieuses du XVIIe
siècle. Créüse dans les bras d'Enée
rappelle ainsi une Pietà."
"Rares sont les opéras
vénitiens dont la tonalité est aussi sombre que celle
de La Didone de Cavalli. La langue de Busenello, auteur du livret du
Couronnement de Poppée de Monteverdi, n'en est pas moins
variée, à l'instar de la musique de Cavalli qui en
épouse les moindres images. L'opposition entre la nuit de
Troie et le soleil de Carthage qu'y décèle
Clément Hervieu-Léger, ancien assistant de Patrice
Chéreau, en reste cependant au stade des intentions
dramaturgiques, au mieux scénographiques. Sur Ilion
dévastée, brumeuse citation d'une façade en
ruines, planent les ombres de Chéreau et de Richard Peduzzi,
son fidèle décorateur. Mais le palais de Didon,
barré par un échafaudage où s'ébrouent
des dieux en costumes contemporains, n'en est que le piètre
revers. Les ombres, hélas, sont fugitives. Et si les corps en
portent l'empreinte, ils ne brûlent pas d'un feu sacré,
tragique, dans les décombres du premier acte. A peine si les
rives africaines s'animent, d'une légèreté terne
ou forcée.
Dès lors, la fosse
contredit absolument la scène. Pour leur premier Cavalli, Les
Arts Florissants, aux sonorités parfois trop uniment
hédonistes, retrouvent sous la conduite de William Christie
des contrastes, des impulsions, sans sacrifier les galbes d'un
continuo savamment dosé, entre profusion et rareté des
timbres.
Le plateau vocal s'y
reflète, où l'expression et le sens priment sur le beau
son. Katherine Watson (Cassandra) et Valerio Contaldo (Corebo)
bouleversent, jusque dans la résignation de l'au-delà.
Car aucun ne survivra au massacre des Troyens. Vénus
idéale d'ammbivalence de Claire Debono, larbas tragi-comique,
profondément humain de Xavier Sabata. Et dans le
rôle-titre, Anna Bonitatibus incarne sa douleur jusqu'à
tarir une étoffe fuligineuse, un vibrato haletant. L'Enea de
Kresimir Spicer domine tout, par l'évidence dynamique d'un
matériau brut, cuirassé, qui porte dans ses ruptures la
blesssure virile des adieux répétés, des terres,
des femmes abandonnées."
- Opéra Magazine - décembre
2011
"Combien de larmes la reine de
Carthage a-t-elle fait couler? Purcell, Berlioz, entre autres, ont
été les hérauts de son funeste destin. Francesco
Busenello, librettiste de cette Didone mise en musique par Francesco
Cavalli , imagine pour son héroïne un sort peu enviable :
loin de rendre l'âme, elle épouse le roi Iarba, des
épousailles qui ne sont rien d'autre qu'une mort lente
consentie, un suicide à petit feu dont personne n'est dupe.
L'écrivain est adroit, pour ne pas dire génial - on lui
doit le poème de L'incoronazione di Poppea, chef-d'\9Cuvre
absolu : il construit une intrigue qui met à profit contrastes
et mélange des genres.
Jeune pensionnaire de la
Comédie-Française, Clément Hervieu-Léger
signe, awc cette nouvelle production créée au
Théâtre de Caen, son premier spectacle lyrique.
Collaborateur de Patrice Chéreau pour Cosi fan tutte et
Tristan und Isolde, il avoue ayoir beaucoup appris de son
maître, dont il a bien retenu la leçon. Sa direction
d'acteurs, proche de la stylisation, est précise, fine,
intelligente ; aucun geste, aucun mouvement n'est inutile, chaque
frémissement des corps est d'une rare éloquence et,
sous nos yeux, les personnages vivent et souffrent. Cette
épure a son revers : on aimerait des ruptures de ton plus
affirmées, et surtout une distinction plus nette des dieux et
des hommes, pour éviter toute confusion.
La tragédie inspire
Hervieu-Léger ; le comique semble encore l'intimider. Mais une
chose est sûre : son travail est à suivre. La
scénographie d'Éric Ruf évoque, au premier acte,
la chute de Troie ; le palais de la reine de Carthage, où se
déroulent les deux actes suivants, est moins réussi,
l'échafaudage et ses bâches en plastique qui en
recouvrent une partie ayant un fâcheux air de déja-vu.
Le meneur en scène faisait penser à Chéreau, le
décorateur a d'évidentes affinités avec
l'univers de Richard Peduzzi.
Musicalement, le bilan est
positif : Les Arts Florissants - à peine une quinzaine
d'instrumentistes - sont en grande forme et sonnent glorieusement,
leur résidence à Caen leur porte bonheur. William
Christie dirige et touche le clavecin ; son discours est
varié, émouvant, raffiné, on sent son amour
profond pour cette musique et il retrouve là les sommets
atteints avec ses Monteverdi, son Ritorno d'Ulisse aixois en
particulier. D'une équipe de chanteurs solide et
stylée, on retiendra le Sinone de Francisco Javier Borda, fort
tempérament, la Venere au timbre charnu de Claire Debono, le
Iarba halluciné de Xavier Sabata, et surtout le Mercurio
épatant et vire-voltant de Mathias Vidal, dont l'impact vocal
n'a d'égal que l'impétuosité
théâtrale. Tous doivent toutefois s'incliner devant le
couple que forment Didone et Enea. La stature de Kresimir Spicer (on
se rappelle son bouillant Ulisse), son chant souple et musclé,
capable des nuances les plus affectueuses, sont ceux d'un
conquérant prêt à s'abandonner à l'amour.
On le comprend : Anna Bonitatibus illumine chaque note de sa
tendresse et transfigure les mots. Douloureux, poignant. leur duo du
troisième acte ne laisse aucun auditeur indemne. Souhaitons
qu'en avril prochain, les habitués du Théâtre des
Champs-Élysées, coproducteur avec le Grand
Théâtre de Luxembourg, soient conquis."
- Bremen - Theater am
Goetheplatz - 20 mars 2009 et sq. - Bremer Barock
Consort - dir. et clavecin Detlef Bratschke - mise en scène
Andreas Bode - dcors et costumes Bente Mathiessen, -
chorégraphie Dorothea Ratzel - dramaturgie Hans-Georg
Wegner - avec Tanya Aspelmeier (Didone), Michael Hanisch (Aeneas),
Moritz von Cube (Jarbas), Juliane Koll (Iride), Michael Lieb
(Ascanasius, Amor, Mercur), Jan Hübner (Coroebus, Aeolus, 1.
Jäger)
- Milan - Teatro alla Scala
- 20, 22 septembre 2008 - Europa Galante - dir. Fabio
Biondi - production Facoltà di Design e Arti dell
Università IUAV di Venezia - mise en scène Francesca
Cabrini, Davide Ortelli - décors Alberto Nonnato - costumes
Valentina Ricci - lumières Fabio Barettin - avec Claron
McFadden (Didone), Magnus Staveland (Enea), Jordi Domenech (Iarba,
Corebo), Manuela Custer (Cassandra, Giunone, Damigella), Marina De
Liso (Ecuba, Mercurio, Ilioneo), Donatella Lombardi (Creusa, Anna,
Damigella), Isabel Alvarez (Ascanio, Amore, Fortuna), Antonio
Lozano (Anchise, Sicheo, Eolo), Gian-Luca Zoccatelli (Acate,
Pirro), Filippo Morace (Sinon greco, un vecchio), Maria Grazia
Schiavo (Venere, Iride, Damigella), Roberto Abbondanza (Giove,
Nettuno, un cacciatore)
- Bruxelles, Kaaitheater
- 19, 20, 22, 23, 24 mai 2007 - Edimbourg - Royal Lyceum Theatre - 18,
19, 21, 22 août 2007 - The Wooster Group - dir. Bruce Odland
- décors Elizabeth LeCompte, Ruud van den Akker -
lumières Jennifer Tipton, Gabe Maxson

- Venise - Teatro Malibran
- 13, 15, 17, 19 septembre 2006 - Turin - Teatro Gobetti - 6 novembre
2006 - Europa Galante - dir. Fabio Biondi - production
Facoltà di Design e Arti dell Università IUAV di
Venezia - mise en scène Francesca Cabrini, Davide Ortelli -
décors Alberto Nonnato - costumes Valentina Ricci -
lumières Fabio Barettin - avec Claron McFadden (Didone),
Magnus Staveland (Enea), Jordi Domenech (Iarba, Corebo), Manuela
Custer (Cassandra, Giunone, Damigella), Marina De Liso (Ecuba,
Mercurio, Ilioneo), Donatella Lombardi (Creusa, Anna, Damigella),
Isabel Alvarez (Ascanio, Amore, Fortuna), Antonio Lozano (Anchise,
Sicheo, Eolo), Gian-Luca Zoccatelli (Acate, Pirro), Filippo Morace
(Sinon greco, un vecchio), Maria Grazia Schiavo (Venere, Iride,
Damigella), Roberto Abbondanza (Giove, Nettuno, un cacciatore) -
nouvelle production


- enregistrement
audio disponible - La Maison de la Lirique
- Washington -
juin 2006 - Ignoti Dei Opera - dir. Timothy Nelson -
clavecin Adam Pearl - mise en scène, décors et
costumes Timothy Nelson - lumières Kel Millionie - avec
Scott Elliot, Emily Noel (Creusa, Anna), Aaron Sheehan (Enea),
Rebecca Duren (Ascanio, Amore), Bonnie McNaughton, (Cassandra,
Didone), Brian Cummings, Kristen Dubenion-Smith (Hecuba), Jeffrey
Rich (Anchise, Cacciatoro, Sicheo), Elizabeth Baber (Fortuna,
Juno)

- Amsterdam - 8
mai 2004 - Ensemble Elyma - dir. Gabriel Garrido - avec Emanuela
Galli (Didone), Rebecca Ockengen (Cassandra, Juno, Dama), Olga
Pitarch, Betsabée Haas, Blandine Staskiewicz, Alicia Berri,
Philippe Jaroussky (Ascanio, Amore), Furio Zanasi (Enea), Mario
Cecchetti, Stephan van Dyck, François Nicolas Geslot,
Fabian Schofrin, Joe Schlessinger, Ivan Garcia, Stephan
Imboden
- enregistrement audo disponible - 3 CD -
Premiereopera Italy
- Munich,
Prinzregententheater - 2003 - dir. Christoph Hammer -
mise en scène Alexander Nerlich - avec Giulio Alvise
Caselli (Anchise), Christian Sturm (Enea), Sophia Brommer
(Ascanio), Stefanie Dietrich (Creusa)
- Opéra de
Montpellier - 18, 20 et 21 janvier 2002 - Opéra
Comédie - Production de l'Opéra de Lausanne -
Orchestre Les Talens Lyriques - Choeurs des Opéras de
Montpellier - dir. Christophe Rousset - chef des choeurs
Noëlle Geny - mise en scène et décors Eric
Vigner - costumes Paul Quenson - lumières Christophe
Delarue - avec Ivan Ludlow (Iarba), Katalin Varkonyi (Anna,
Cassandra), Anne-Lise Sollied (Venere, Una Damigella),
Valérie Gabail (Ascanio, Amore), Monique Simon (Juno, una
damigella), Elisabeth Calleo (Fortuna, una Damigella), Philipp
Sheffield (Eole, Cacciatore II et III), Daniel Salas (Anchise),
Ivan Garcia ( Nettuno, un cacciator , ombra di Sicheo),
Christopher Gillett (Hecube, Mercurio, Cacciator I)
- Opéra de
Lausanne - 31 décembre
2000, 2, 3, 5, 7, et 9 janvier 2001 - direction Christophe Rousset
- mise en scène Eric Vigner - assistant scénographie
Bruno Graziani - costumes Paul Quenson - lumières
Christophe Delarue - collaboration artistique Tamar Sebok -
assistant musical Jean-Marc Aymes - dramaturgie Rita de Letteriis
- chef de choeur Véronique Carrot - avec Juanita Lascarro
(Didone, Creusa), Topi Lehtipuu (Enea), Ivan Ludlow (Iarba),
Katalin Varkoyi (Anna, Cassandra), Hélène Le Corre
(Ascanio, Amore), Anne-Lise Sollied (Venere, Una damigella),
Monique Simon (Giunone, Una damigella), Jaël Azzaretti
(Fortuna, Una damigella), John Bowen (Eole, Un cacciator), Daniel
Salas (Anchise), Gudjon Oscarsson (Nettuno, Un cacciator, Ombra di
Sicheo), Christopher Gillett (Hecube, Mercurio, Un
cacciator)
- Altamusica - La Didone en habit de rhinocéros
"La nouvelle production de la
scène romande révèle un spectacle
déroutant, attachant et d\92une grande sensibilité. Le
cheval de Troie s\92africanise pour se transformer en rhinocéros
alors que dieux et humains se livrent un combat d\92une grande douceur.
On attendait le metteur en
scène de théâtre Eric Vigner dans sa
première intervention à l\92opéra. Les
débuts lyriques du Français se révèlent
prometteurs. La " Didone " de Francesco Cavalli qu\92il vient de
proposer à Lausanne est à décrypter comme un
palimpseste: les différentes couches de lectures
dégagées au fil de l\92\9Cuvre finissent par former un
tableau d\92une étrange et séduisante
décomposition. L\92oeuvre s\92efface en effet au fur et à
mesure qu\92elle se construit, à travers des images qui
s\92impriment pourtant dans la mémoire de façon
indéfectible. A priori, rien n\92invite le spectateur à
reconnaître visuellement ce que le livret (les très
beaux textes de Busenello) et l\92histoire tirée de
l\92Enéide de Virgile racontent. Complètement sortie de
son contexte historique ou mythique, cette Didone navigue en terres
d\92onirisme. Un gigantesque rhinocéros couché de dos
dans une excavation demeure le seul lien qui tient les
éléments entre eux, sorte de vestige animal remontant
du passé et représentation de l\92anéantissement
d\92une vie originelle retournant à la terre. Point de cheval de
Troie donc, ni de baroqueries d\92époque, mais le souci constant
de traverser les continents et les époques en restant
accroché à l\92humanité seule. Entre une Venise
symbolisée par les musiciens et chanteurs masqués, une
Afrique et une Asie dont les costumes dépareillés
suggèrent les décadences et un temps qui plane entre
ses trois états, Eric Vigner joue avec les
références comme avec des pinceaux. Par touches
délicates. Remarquable travail de mise en perspective, cette
lecture souligne l\92errance (des départs, des arrivées,
toujours lents, en silence), la douleur (les mises au tombeau et
toilettes des morts du début sont d\92une terrible
beauté) et le renouveau (couleurs vives, jeux amoureux d\92une
grande sensualité). On reste sans cesse dans un rapport
étroit entre transparence et opacité grâce
à des rideaux de plastique transparent qui coulissent sur
l\92action pour la révéler et la dissimuler tout à
la fois. Subtil et hypersensible, le procédé finit par
dégager un charme que l\92originalité parfois abrupte ne
détruit pas. C\92est que la musique est toujours
respectée, les chanteurs n\92étant jamais poussés
à utiliser leur corps contre leur voix.
Dans la fosse, Christophe
Rousset et ses Talens lyriques compensent la déstabilisation
scénique par une interprétation toute en
délicatesse qui sait conserver l\92équilibre entre ton de
danse et lamentations poignantes. Sonorités fruitées,
articulation fine, énergie idéalement dosée : la
musique est limpide et coule comme une source. Quant à la
distribution, elle est un délice: la Colombienne Juanita
Lascarro (Didone, Creusa) se révèle aussi belle actrice
que bonne musicienne, le Finlandais Topi Lehtipuu, un Enée
touchant, le britannique Ivan Ludlow un formidable Iarba et tout leur
cortège de dieux et déesses d\92une santé vocale
à toute épreuve. Bénis du ciel." (15 janvier
2001)
- L'avis de Bernard
Schreuders, chroniqueur musical
"Le
théâtre musical de Cavalli - Affublés de loups et
de chapeaux, les musiciens s'installent dans la fosse, mais le
silence se prolonge\85lorsque surgissent des quatre coins de la
scène, où trône une sombre carcasse de
rhinocéros, des silhouettes accablées et chancelantes.
Les première notes de l'ouverture s'élèvent sur
cette Troie ravagée et glacée, sous des néons
blafards. Et l'évidence s'impose : nous sommes au
théâtre, la déclamation fiévreuse, mais
sans fioriture, de Creuse (Juanita Lascarro) nous prend, nous captive
et ne nous lâchera plus. Christophe Rousset et son complice
Éric Vigner ont recentré l'intrigue foisonnante de
Busenello sur la trajectoire d'Enée, le drame gagne en
densité et en cohérence, mais l'esprit baroque de
l'opéra vénitien est préservé,
grâce à quelques tableaux hauts en couleurs, notamment
celui où Iarba, éconduit par Didon, perd la tête
et provoque les suivantes de la Reine, émoustillées
comme les nonnes de Boccace devant les appâts d'un faux muet,
mais vrai jardinier.
Au-delà de ses
qualités picturales - variété des
éclairages, tons lumineux et acides qui rappellent Poussin (le
corps étendu d'Enée évoquant, lui, La mort
d'Orphée) - la mise en scène sert admirablement le
texte, souverain. Plutôt que parler d'habillage musical, il
faudrait inventer un mot qui traduise cette fusion miraculeuse de la
poésie et de la musique, s\9Curs et non rivales. Cavalli signe
des lamenti sublimes, un duo plus lascif que ceux du Couronnement de
Poppée, mais le fluide vital qui irrigue ce corps magnifique,
c'est le recitar cantando. Cette déclamation musicale exige
des artistes le don le plus rare : la vérité. Chaque
mot doit être vécu, senti, pour que la phrase
libère son pouvoir envoûtant et cathartique.
Terriblement exposés,
les chanteurs portent littéralement le spectacle. Autour de la
Didon brûlante et racée de Juanita Lascarro, de blonds
et robustes jumeaux incarnent ses amants vulnérables : Ivan
Ludlow (Iarba) et Topi Lehtipuu (Énée). Retenez ce nom
! Un timbre clair et chaud de ténor, tendre et mâle, la
grâce de Keenlyside, le magnétisme de Rolfe-Johnson et,
déjà, un Évangéliste de premier ordre
(Saint Matthieu à Genève). Parmi un plateau exemplaire,
il faut épingler le nom de Christopher Gillett, ténor
à l'émission fragile et singulière, tour
à tour écorché (Hécube pleurant la mort
de Priam) ou incisif (Mercure, " divin scalpel qui enfonce mes fautes
", celles d'Énée) : un choix audacieux et un coup de
génie. A l'image de cette Didone."
- Opéra International - février 2001
"Cette production, à
tous points de vue, permet la découverte d'une merveille.
Grâces en soient d'abord rendues à Christophe Rousset,
auteur d'une réalisation scrupuleuse, mais réduite
à des dimensions supportables (deux heures trente au lieu des
quatre heures d'origine). Sa direction est admirable de vie. Quand
bien même l'essentiel de l'ouvrage repose sur le recitar
cantando, souvent susceptible d'engendrer la monotonie, l'ensemble
des Talens lyriques déploie une sensualité, une
générosité, un naturel qui ne laissent jamais
l'ennui s'installer, et qui rendent la partition plus
séductrice encore que celles de Monteverdi, dont Cavalli fut
le disciple.
La Didone, c'est aussi le
fabuleux livret de Francesco Busenello, avec sa verve
poétique, son humour qui vient transpercer la tragédie,
son sarcasme éminemment moderne, son pessimisme
mâtiné de tendresse. "Mille et mille vies seraient un
petit prix pour acheter une heure à t'admirer", chante
Enée, parvenu à Carthage, devant Didon pour qui son
coeur chavire. Comme le veut Virgile, le fier héros troyen
repartira à la nuit, abandonnant la reine africaine à
son désespoir. Mais, contrairement à la légende
et à l'histoire, Busenello décide de sauver la
souveraine qui, par un retournement de sort sidérant,
épousera son prétendant Iarbas, scellant un lieto fine
plein de malice. Chef-d'oeuvre, oui, où les lamenti sont
à se damner, et que Christophe Rousset conduit sans pathos,
mais encore faut-il un spectacle qui en traverse les
difficultés. Or, pour sa première mise en scène
lyrique, Eric Vigner tape dans le mille. On craint le
maniérisme en découvrant la scène remplie de
guerriers troyens massés, à demi nus, sur les sols de
marbre d'un palais vénitien, mais ces afféteries
disparaissent rapidement au profit d'un spectacle très
charpenté, qui montre à la fois la Grèce de la
tragédie, la Venise de Cavalli et notre époque moderne,
en un bal chatoyant de costumes, de masques, de
tête-à-queue visuels toujours porteurs de fantaisie
poétique et de sens symbolique.
La première partie,
à Troie, se déroule ainsi sous les lumières
blafardes de néons qui disent la guerre et la mort, alors que
des rideaux de plexi développent d'inquiétants
labyrinthes, où les hommes comme les dieux semblent se perdre.
Carthage apparaît ensuite dans la simplicité ocre d'une
divinité totémique, énorme rhinocéros
à moitié enterré. C'est l'heure de l'amour, de
la renaissance, et pour accuser les liens entre les deux univers, le
spectacle joue les ambiguïtés : la même Juanita
Lascarro chante Créùse, la femme d'Enée, et
Didon, la reine convoitée, et avec quelle autorité,
quel fruité vocal, quelle variété dans la
diction ! Quant à Enée (le ténor finlandais Topi
Lehtipuu, au très joli timbre, vigoureux et juvénile)
et à Iarbas (le baryton Ivan Ludlow, extraverti, solaire), ils
paraissent comme jumeaux, également beaux, également
blonds. L'ensemble de la distribution est à l'avenant, avec
deux mentions pour la mezzo Katalyn Varkonyi, au grain particulier et
très attachant, et à la soprano Hélène Le
Corre, impeccable dans le double emploi d'Ascagne et d'Amour. La
fantaisie, la discipline, une passion perceptible à
défendre un choix courageux, et des chanteurs que le
théâtre n'abandonne jamais à eux-mêmes,
mais qu'il guide et qu'il porte cette Didone est une magnifique
réussite, qui mériterait de voyager".
- Besançon -
Opéra-Théâtre - 7 décembre
1997 - Opéra d'Avignon
- 10 décembre 1997 -
Opéra Comique de Paris -
13, 14, 15 décembre 1997 - Orchestre de l\92Académie
Baroque Européenne d\92Ambronay - dir. (et clavecin et orgue)
Christophe Rousset - mise en scène Pascal Paul-Harang,
François Prodromidès (assistant), Gilles Taschet
(scénographie), Sylvie Skinazi (costumes), Laurent
Castaingt - avec Claire Brua (Didon), Stuart Patterson
(Enée), Evgueniy Alexiev (Iarbas), Olga Pitarch (Iris,
Fortune, Amour et une suivante carthaginoise), Béatrice di
Carlo (Créüse et une suivante carthaginoise), Delphine
Duport-Butique (Ascanio et Amour), Jean-Louis Georgel (Anchise, un
vieillard et un chasseur), Valérie Gabail (Cassandre),
Pierre Evreux (Pirrhus, Mercure, un messager et un chasseur), Mark
McFayden (Corèbe, Eole et un chasseur), Sandrine Rondot
(Vénus), Renaud Delaigue (Simon, Neptune, Jupiter), Karine
Deshayes (Anne), Nathalie Cloutier (Junon et une suivante
carthaginoise), Nicolas Obermann, Ludovic Gauthier,
François Prodromidès (comédiens).
"...La grande unité
stylistique était soulignée par la mise en scène
éclairée de Pascal Paul-Harang qui prend le parti de
rester fidèle à l\92exigence de compréhension,
même si le déroulement narratif est discontinu. Les
quatre familles en présence sont par exemple bien
distinguées parmi les trois moments que constituent l\92acte I
(plusieurs chemins narratifs liés à Mars - prise de
Troie), l\92acte II (amour et voyage, arrivée à Carthage)
et l\92acte III (Enée appelé par son destin,
départ de Carthage) : Grecs, Troyens, Carthaginois, les Dieux.
Cette cohérence est
soutenue par l\92engagement de jeunes musiciens
fédérés avec talent par Christophe Rousset. Car
il s\92agit d\92étudiants de haut niveau spécifiquement
recrutés (par le Festival d\92Ambronay) pour cet opéra.
Les musiciens faisaient montre d\92une belle couleur d\92ensemble. Le
continuo était attentif, virtuose et inventif -Christophe
Rousset participe des claviers au bouillonnement des cordes
pincées. Une véritable implication dramatique se
dégageait - parfaite Claire Brua en Didon - même si
l\92orchestre ne développe pas assez un \91flux\92 narratif : les
enchaînements tardent parfois, dans un opéra qui n\92est
pas composé par numéros. Tous les mouvements lents et
les lamentos en particulier sont rendus avec une rare
intensité. Le timbre de Stuart Petterson peut manquer de
charme, toutefois, du côté des voix féminines, la
texture vocale était agréable, variée, et
correspondait bien à une salle à la mesure de l\92ouvrage
présenté.
Avec ses nombreuses
qualités, cette Didone est un stade correspondant à une
recherche qui est loin d\92être terminée, comme veulent le
faire croire certains ensembles \91baroques\92 institutionnalisés,
où l\92approche qui prime est singulièrement identique
à l\92esprit \91académique\92 des orchestres symphoniques.
Ici, c\92est bien dans un mouvement de nouveauté que l\92on est
conduit : les musiques médiévales et renaissantes ne
sont pas les seules à poser des difficultés. Si l\92on se
souvient des premiers disques Rameau d\92Harnoncourt, l\92 " esprit " de
la langue musicale faisait cruellement défaut. Depuis, une
interprétation est parvenue à une maîtrise
satisfaisante. Un travail similaire a été engagé
par René Jacobs pour l\92opéra italien du début du
XVIIe siècle. Ce même chef, aidé par ses
qualités diverses de chanteur, continuiste et chef, a
apporté de nombreuses réponses convaincantes par ses
réussites indéniables. La loi de la diversité
étant primordiale, c\92est avec un grand plaisir que l\92on peut
écouter d\92autres musiciens s\92aventurer dans ces chemins. En
effet, le problème est bien de retrouver l\92énergie
propre à cette musique qui se modèle sur le langage (la
musique se fait parole). A partir de deux simples parties musicales
notées, se déploient tout un monde avec ses
règles propres de perceptions (microcosme de la
rhétorique). C\92est donc véritablement une langue qu\92il
faut retrouver, avec sa grammaire, ses inflexions, son rythme, son
élocution, son évidence. Autant d\92interlocuteurs,
autant de réponses, autant d\92inventions possibles et
indispensables." (ConcertoNet - 13 décembre
1997)
- Festival d'Ambronay -
Théâtre de Villefranche - 3, 5 octobre 1997 - dir. Christophe Rousset -
mise en scène Pascal Paul-Harang - avec Claire Brua
(Didone), Stuart Patterson (Enea), Evgueniy Alexiev (Iarba), Serge
Goubioud (Ecuba, Ilioneo), Renaud Delaigue (Giove), Régine
Orlik (Venere), Olga Pitarch (Iride), Imma Einsingbach
(Cassandra), Pierre Evreux (Mercurio)

- enregistrement vidéo -
DVD - House of
Opera
"Claire Brua, Didon pudique et
intense"..."Le ténor Stuart Petterson campe un Enée
solide, scéniquement crédible. Acteur un peu plus
timide, Evgueniy Alexiev prête à Iarba son beau timbre
de baryton, son chant sain et émouvant très prometteur.
Les seconds rôles féminins se montrent
décevants"..."Bravo au travail en commun qui a
été mené au niveau de la diction, du rendu du
texte, de l'expression poétique, sous la houlette de la
conseillère linguistique, Rita de Letteriis"..."La mise en
scène assez indigente de Pascal Paul-Harang, se situant
à mi-chemin de Mad Max et de Bob Wilson, n'aide guère
de jeunes artistes timides à habiter cette pièce
polychrome, les livrant à eux-mêmes dans les moments
pathétiques." (Opéra International)
- Festival de Schwetzingen
- 26, 27, 29, 30 avril 1997 - Berlin - Deutsche Staatsoper - 7, 9 et 10 juin 1997 - dir. Thomas
Hengelbrock - mise en scène Jakob Peters-Messer -
décors Roland Aeschlimann - costumes Jutta Delorme -
coproduction - avec Yvonne Kenny (Didone, Cassandra), Judith
Howarth (Creusa, Giunone), Hilary Summers (Ecuba), Alexander Plust
(Iarba), Katharina Kammerloher (Anna), Uta Schwabe (Ascanio,
Amore), Laurence Dale (Enea), Hermann Oswald (Pirro, Ombra di
Sicheo), Hans Jörg Mammel (Corebo, Eolo), Wessela Zlateva
(Venere), Peter-Jürgen Schmidt (Anchise), Kwangchul Youn
(Sinon, Nettuno), Leonore von Falkenshausen (Fortuna), Bernhard
Landauer (Mercurio)

"Par sa date et son lieu de
création (Venise, 1641), par ses au-teurs aussi (Cavalli,
élève et collaborateur privilégié de
Monteverdi, et le librettiste Francesco Busenello), cette Didon doit
être naturellement rapprochée du Couronnement de
Poppée, dont la version vénitienne fut
créée à l'initiative de Cavalli, un ou deux ans
plus tard. Et il est vrai que l'exceptionnel travail de
reconstitution musicale effectué par Thomas Hengelbrock, aura
réussi à nous convaincre qu'il s'agit là de deux
réussites d'une importance comparable. Ramenée à
deux heures quarante de durée au prix de coupures sans doute
nécessaires, très délicatement orchestrée
pour un petit ensemble riche en couleurs, où les cordes
pincées jouent un rôle important, subtilement enrichie
par une ornementation qui s'intègre aux lignes vocales sans
jamais paraître stéréotypée ou
artificiellement plaquée sur le discours chanté, cette
Didon ainsi rafraîchie affiche une constante richesse
d'inspiration.
Dirigeant depuis son pupitre
de premier violon, Hengelbrock devient l'âme même du
spectacle, suscitant de tous les protagonistes un exceptionnel
engagement dans une action musicale qui semble naître
naturellement, presque comme une improvisation collective. Il est
vrai aussi que l'excellent livret de Busenello, très flexible,
qui fait s'entrecroiser, sans aucun formalisme, le drame historique
humain et les interventions des dieux, constitue un support
dramatique idéal, que la scénographie exploite
judicieusement : un décor très simple, à deux
niveaux, l'un fixe pour les hommes, l'autre mobile pour les dieux,
des costumes de prime abord déconcertants mais en
définitive homogènes, et parfois fort beaux, des
éclairages initialement jaunâtres et cuivrés
(à Troie), qui s'égaient ensuite progressivement pour
les scènes de Carthage... l'ensemble apparaît d'une
cohérence exceptionnelle. Quelques défaillances vocales
ne parviennent pas à minimiser l'intérêt de la
soirée : l'Enée de Laurence Dale n'est pas au sommet de
sa forme, et certains seconds rôles sont franchement
calamiteux. En revanche, Yvonne Kenny réussit un remarquable
doublé dans les deux rôles de Cassandre et Didon, et on
n'oubliera pas de sitôt l'Hécube bouleversante de
Hillary Summers."
- Glasgow - Tramway
- 1997 - Glasgow International Early Music Festival -
The Scottish Early Music Consort - mise en scène Kate Brown
- Augsbourg -
Stättissche Bühnen - 10
juin 1990
- 1972 - I Virtuosi di Roma -
dir. Renato Fasano (?)
- RAI -
Milan - 4 novembre 1958 - Orchestra Sinfonica di Milano
della RAI - dir. Alfredo Simonetto- avec Clara Petrella (Didone),
Londi, Italo Tajo, Francesco Albanese (Enea), Giulia
Tavolacini
- Florence - Maggio Musicale - 1952 - dir. Carlo Maria
Giulini - avec Clara Petrella (Didone), Teresa Stich-Randall
(Venere) - première exécution moderne d'un
opéra de Cavalli - version reconstituée par Riccardo
Nielsen (compositeur italien - 1908 - 1982)
Retour à
la page d'accueil