Louise-Geneviève Gillot de Saintonge,
d'après Virgile
Tragédie lyrique en un prologue et cinq actes,
sur un livret de Mme Gillot de Saintonge (1650 - 1718, auteur de
recueils de poésies), d'après
l'Énéide de Virgile.
Elle fut représentée, avec succès,
à l'Académie royale de musique le 5 juin 1693, avec une
distribution réunissant Mlle le Rochois (Didon), Mlle Moreau
(Anne), Mlle Maupin (La Magicienne), Dumesny (Enée), Dun
(Iarbe), Moreau (Achate), Desvoyes (Une Furie). Le Dauphin assista
à la représentation du 15 septembre.
Mme de Saintonge, épouse d'un avocat au
Parlement de Paris, raconte dans ses Poésies galantes,
qu'elle vint elle-même présenter l'oeuvre au Roi
à Versailles.
L'oeuvre fut reprise le 18 juillet 1704, avec Hardouin
(Mars), Mlle Poussin (la Renommée), Mlle Dujardin
(Vénus) dans le prologue, Mlle Desmatins (Didon), Mlle Armand
(Anne), Cochereau (Énée), Dun (Iarbe), Poussin (Arcas,
confident d'Iarbe), Hardouin (Achate), Mlle Dujardidn (Barcé,
confidente de Didon), Labbé (Jupiter), Boutelou (un Faune, un
Plaisir), Mlle Maupin (une Magicienne), Desvoyes (une Furie),
L'oeuvre fut, avec Les Amours de Momus, la
première d'un compositeur autre que Lully jouée
à Lyon, en 1695, dans la salle de la Place Bellecour.
Personnages : Didon, veuve de Siphée,
reine de Carthage ; Anne, soeur de Didon ; Barcé, confidente
de Didon ; Énée, fils de Vénus, prince troyen,
amant de Didon ; Acate, confident d'Énée ; Iarbe, fils
de Jupiter, roi de Gétulie, épris de Didon ; Arcas,
confident de Iarbe ; Jupiter, Vénus, Mercure
Synopsis
détaillé
Prologue
Le palais de Mars
Mars fait l'éloge du "Vainqueur de la terre",
grâce à qui règne la paix. La Renommée et
Vénus se joignent à lui pour appeler à chanter
la victoire et l'amour.
Acte I
Le palais de Didon à Carthage
(1) Didon va épouser Énée, le plus
grand des héros, mais craint la colère de Iarbe. (2)
Elle confie à sa soeur Anne que son bonheur est troublé
par l'image de l'Ombre de Sichée, à qui elle avait
juré fidélité. Anne la rassure. (3)
Énée arrive, impatient de procéder à la
cérémonie. Ils échangent des serments d'amour.
Duo. (4) Anne vient leur rappeler qu'ils sont attendus. (5) Le peuple
de Carthage vient rendre hommage au héros, grâce
à qui Carthage connaîtra la paix. (6) Barcé
annonce la présence de Iarbe au port. Didon se rend au temple
de Junon, Énée la quitte pour éviter que Iarbe
provoque des désordres.
Acte II
Un bois, des rochers d'où tombe un
torrent
Iarbe cconfie à Arcas qu'il craint d'arriver
trop tard pour empêcher la mariage de Didon, et envoie Arcas se
renseigner. (2) Iarbe, seul, rumine sa vengeance. Il appelle son
père Jupiter. (3) Celui-ci apparaît sur un nuage,
armé de la foudre. Il promet à Iarbe de le venger si
Didon le dédaigne, et commande aux Faunes et Dryades de calmer
la jalousie de Iarbe. Ceux-ci chantent l'inconstance et
l'infidélité. Iarbe les chasse. (5) Arcas revient et
annonce que le mariage ne se fera pas, car Énée, sur
ordre des dieux, a décidé de partir en secret. (6)
Iarbe veut s'en assurer et rencontre Énée. Celui-ci lui
confirme qu'il part, même accablé de douleur. Iarbe
s'apprête à frapper Énée. (7) Il en est
empêché par l'intervention de Vénus, qui
conseille à Iarbe d'utiliser d'autres armes pour cconvaincre
Didon. (8) Arcas calme Iarbe qui décide d'aller affronter
Didon pour jouir de sa douleur.
Acte III
Une allée d'arbres formant un berceau ; au
fond, une grotte
(1) Didon, inquiète, est venue demander l'aide
d'une Magicienne. Mais celle-ci est sans pouvoir. Didon insiste. La
Magicienne se décide à invoquer Pluton. La terre
s'ouvre, il en sort des Démons et des Furies. (2) Une Furie
prédit à Didon qu'après avoir souffert, elle
jouira d'une vie paisible qui ne finira pas. (3) Didon reste
inquiète. La Magicienne convie les Démons des airs
à rassurer Didon. Des petits Amours viennent danser autour de
Didon en tenant des guirlandes de fleurs. (4) Les Démons des
airs déguisés en amours tentent de rassurer Didon. (5)
Anne vient annoncer à Didon le départ
d'Énée. Didon veut voir une dernière fois
Énée, et annonce que si elle ne peut le reteneir, elle
mourra. (6) Survient Iarbe qui fait des reproches à Didon.
celle-ci ne peut que le plaindre et lui demander de la laisser. (7)
Didon est désespérée. (8) Barcé l'avertit
qu'Énée l'attend au palais. Didon reprend espoir.
Acte IV
Un grand salon orné de figures
représentant les victoires de l'Amour
(1) Énée explique qu'un ordre des dieux
le contraint à partir pour l'Italie pour en faire un Empire
puissant. Didodn lui rappelle ses serments. Énée finit
par céder et annonce qu'il va rester. Didon commande une
fête pour célébrer la victoire de l'amour. (2)
Acate ne comprend pas la décision d'Énée,
contraire aux ordres de Mercure. Énée tente de se
justifier. (3) Didon a convié les Plaisirs et les Jeux
à la fête avec le peuple des Carthaginois. Tous chantent
l'amour. On entend le tonnerre, le ciel se couvre de nuages
épais. Didon y voit un funeste présage et se retire
avec sa cour. Mercure arrête Énée qui voulait la
suivre. (4) Mercure lui rappelle l'ordre des dieux. (5)
Désespéré, Énée voit tomber un
déluge de feu sur le palais de Didon, et se résoud
à obéir.
Acte V
Les jardins du palais de Didon. Au fond, la
mer.
(1) Le soleil est revenu, mais Énée est
absent, et Didon est inquiète. Barcé tente de la
rassurer. (2) Mortellement inquiète, Didon chasse les Nymphes.
(3) Anne confirme à Didon qu'Énée est
monté sur un vaisseau. Didon court vers le rivage. Anne
cherche à la raisonner. Didon lui demande de préparer
un sacrifice pour tenter de retenir Énée. (4) Didon
maudit Énée. Une tempête se lève. Didon
tombe évanouie. (5) Apparaît l'Ombre de Sichée
qui l'appelle à le rejoindre dans le tombeau. Didon se
réveille, épouvantée. (6) Didon, seule, n'a plus
qu'à mourir. Elle déchire la robe qu'Énée
lui avait offerte, et se poignarde.
"Le jeune Henry Desmarest (1661-1741), compositeur
de 32 ans, ancien page de la chapelle royale de Versailles,
défraye la chronique lorsque sa tragédie-lyrique Didon
est créée : il vient de révéler qu'il
était le véritable auteur de la musique de Nicolas
Goupillet, sous-maître de musique de la chapelle royale de
Louis XIV. La supercherie ridiculise le monarque, sa musique et le
concours qui avait permis en 1683 de renouveler les compositeurs
officiels. Si le succès de l'opéra profita certainement
du scandale, l'échec de la puissante cabale qui fut
montée pour le retirer de la scène confirme que le
public sut immédiatement apprécier la qualité de
l'œuvre. Ce qui permit à l'Académie Royale de Musique,
bien orpheline depuis la mort de Lully et de Quinault, de repartir
d'un nouvel élan.
L'œuvre a une personnalité indéniable.
Si elle s'inspire fortement du modèle d'Armide de Lully, elle
s'en émancipe par un nouveau sens du drame et surtout par une
écriture musicale qui doit beaucoup aux autres grands
modèles du compositeur : Henry Du Mont et Marc-Antoine
Charpentier. Les airs montrent un sens extrême de la conduite
des voix ; beaucoup d'entre eux sont accompagnés par
l'orchestre, devant plus au récitatif accompagné qu'aux
airs à l'italienne. Ils mettent en valeur les moments les plus
importants du drame : instant de vérité, drame intime,
sentiment solitaire. L'orchestre, par ce biais, classe et
hiérarchise les rôles : Didon et Iarbe sont les grands
protagonistes de cette œuvre. Didon ouvre et termine l'opéra,
occupant tout l'espace du drame. La musique réserve à
Iarbe des effets spéciaux, mystérieux, comme lorsqu'il
chante son désespoir accompagné par quatre parties
d'altos.
Madame de Saintonge, librettiste de l'œuvre,
possède un don rare : elle sait écrire pour la musique.
Desmarest collaborera avec elle tout au long de sa vie. Elle utilise
une langue fort élégante, dont la pièce tire une
grande force. Elle s'éloigne de Virgile pour dépeindre
Énée comme un homme : un prince hésitant qui,
s'il est capable de créer Rome, souffre d'amour. Les
pièces d'orchestre montrent une science du contrepoint et un
goût subtil pour une tonalité teinte de formules
modales. L'influence de Charpentier et sa manière directe
acquise auprès des italiens pour dépeindre les passions
et dramatiser le discours musical, la densité de
l'écriture musicale, le mysticisme de ce jeune compositeur qui
préfère les paysages sombres et l'angoisse, le
désarroi, la tension permanente des gestes finiront de
convaincre qu'il s'agit là d'un grand opéra."
(CMBV)
Livret :
Tragédies lyriques, vol. 1 - Didon - Édition
scientifique de Géraldine Gaudefroy-Demombynes et Jean
Duron, préface de Michel Antoine - Collection «
Monumentales » -
Edition du
CMBV - 2003
Représentations :
Mezzo -
retransmission de la version de concert au Festival de Beaune de 1999, à la
Cour des Hospices
Livret de Madame de Sainctonge
d’après l’Enéide de Virgile, avec Brigitte Balleys
(Didon), Marc Tucker (Enée), Valérie Gabail
(Barcée), Serge Goubioud (Arcas), Jérôme
Corréas, le Chœur Les Eléments dirigé par
Joël Suhubiette et l’Orchestre Les Talens Lyriques dirigé
par Christophe Rousset. Adaptée du «Chant IV» de
l’Enéide par la poétesse Madame de Sainctonge, cette
tragédie lyrique est l’histoire des amours
désespérées de Didon, veuve de Sichée,
délaissée par Enée, et qui ne trouvera d’issue
que dans la mort. Composé quatre ans après celle de
Purcell et créée le 13 septembre 1693, la Didon d’Henry
Desmarest (1661-1741) connut « un succès prodigieux»
qui se prolongea trois mois durant. Deuxième opéra de
Desmarest après Endymion, il est considérée
comme l’une des œuvres majeures de l’après Lully et se
rapproche par son thème de la mort salvatrice du
Médée de Charpentier. Ce n’est pas la séduction
qui motive Desmarest car nous sommes en présence d’une
nouvelle approche du genre visant la sincérité et
l’efficacité de la musique qui s’inscrivent ici dans le monde
merveilleux des peuples de Carthage. Cette création en
première mondiale s’inscrit dans le cadre de la
17e édition du magnifique Festival International
de Musique Baroque de Beaune. Les Grandes Journées
organisées par le Centre de Musique baroque de Versailles qui
auront lieu en octobre prochain seront consacrées à
l’œuvre d’Henry Desmarest ; Didon y sera également
interprétée dans sa version de concert par Les Talens
Lyriques." (Mezzo)
Automne Musical du
Château - Versailles - Opéra Royal - 9
octobre 1999 - Les Talens Lyriques - dir. Christophe Rousset -
avec Brigitte Balleys (Didon), Valérie Gabail (la
Magicienne, la Renommée) Mark Tucker (Énée),
Serge Goubioud (Arcas, Mercure), Bertrand Chuberre (Faune, Ombre
de Sichée), Jérôme Corréas (Jupiter,
Mars, Iarbe), Salomé Haller (Anne, Vénus)
"La tragédie
lyrique Didon a été créée à
l'Académie royale de musique en 1693, certes après la
mort de Lully, mais dans une institution où l'omnipotence du
Surintendant perdurait. Le cadre formel de Didon est lulliste, mais
le propos et l'expression s'en éloignent no-tablement. Loin du
ton héroique et manichéen de Quinault, le livret de
Madame de Saintonge s'apparente à l'univers du roman l'auteur
dresse le portrait intime d'une héroïne et tient les
autres person-nages à l'arrière-plan. Si ce n'est pas
dans les lieux communs de l'opéra lulliste que Desmarets est
le plus à l'aise (il faut excepter la belle et longue chaconne
qui clôt l'acte 1), là où il nous touche à
tout coup constitue l'essentiel de cette partition la peinture des
personnages et tout ce qui les meut. En ce sens, grâce à
son ton point univoquément véhément, à
son intelligence déclamatoire et à sn vaste palette
d'expression vocale, Bn-gitte Balleys a agi en tragédienne
racinienne et a campé une magnifique Didon. Avec le concours
d'une distribution cohérente (avec ses points forts, le
baryton Jérôme Corréas, la haute-contre Serge
Goubioud et les sopranos Salomé HaIler et Valéne
Gabail, et son maillon faible, le poussif ténor Mark Tucker en
Enée) et du bon ensemble vocal Les Eléments, Christophe
Rousset et ses denses Talens Lyriques ont exemplairement
révélé une oeuvre plus lyrique que
spectaculaire." (Opéra International - décembre
1999)
Arsenal de
Metz - Grandes
journées Henry Desmarest - 6 octobre 1999 - Choeur Les
Eléments - direction Joël Suhubiette - Les Talens
Lyriques - dir. Christophe Rousset - avec Brigitte Balleys
(Didon), Mark Tucker (Enée), Jérôme
Corréas (Iarbe)
Festival International de
Musique Baroque - Beaune - Cour des Hospsices - 10
juillet 1999 - version de concert - Les Talens Lyriques - dir.
Christophe Rousset - avec Brigitte Balleys, Valérie Gabail,
Mark Tucker, Serge Goubioud, Jérôme
Corréas