COMPOSITEUR
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Jean-Baptiste LULLY
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LIBRETTISTE
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Molière, Philippe Quinault, Pierre
Corneille
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Tragi-comédie et ballet en un prologue et
cinq actes (LWV 45), en vers libres, par Molière, Philippe
Quinault et Pierre Corneille, représentée au
théâtre des Tuileries ou Salle des Machines, le 17
janvier 1671.
Le Roi avait décidé de rouvrir pour le
carnaval de 1671 la Salle des machines des Tuileries (*), qui
avait été construite pour l'Ercole amante de
Cavalli en 1662, et n'avait pas été
réutilisée depuis. Il avait demandé en
particulier que soit réutilisé l'extraordinaire
décor d'enfer conçu par les Vigarani, dispositif
scénique montrant une mer toute de feu, dont les flots sont
dans une perpétuelle agitation, bornée par des ruines
enflammées, et au milieu de laquelle paraissait au
travers d'une gueule affreuse, le palais infernal de Pluton.
La dernière représentation eut lieu en
présence du roi le 9 février 1671.
Le sujet, à la mode depuis les Amours de
Psyché et Cupidon de La Fontaine (1669), avait
été choisi par le Roi de préférence
à l'Enlèvement de Proserpine, proposé par
Quinault, et à un Orphée proposé par
Racine. Il est inspiré d'Amour et Psyché,
d'Apulée, poète berbère du IIe siècle ap.
J.-C., et de La Psiche de Francesco Di Poggio
(1654).
On a reconnu Madame de Montespan dans Psyché, et
Louis XIV dans Cupidon, et le château de Clagny que ce dernier
lui faisait construire, comme le palais de l'Amour.
Molière écrivit le prologue, l'acte I et
la première scène des actes II et III. Pressé
par le temps, il demanda à Pierre Corneille de rédiger,
selon son plan, le reste, ce qu'il fit en quinze jours. Philippe
Quinault fut chargé d'écrire les parties
chantées, notamment le Ballet final, sauf la plainte
italienne qui aurait été écrite par Lully
lui-même.
Cet ouvrage n'est pas tout d'une main. M. Quinault a
fait les paroles qui s'y chantent en musique, à la
réserve de la plainte italienne. M. de Molière a
dressé le plan de la pièce, et réglé sa
disposition, où il s'est plus attaché aux
beautés et la pompe du spectacle qu'à l'exacte
régularité. Quant à la versification il n'a pas
eu le loisir de la faire entière. Le carnaval approchait, et
les ordres pressants du roi, qui se voulait donner ce magnifique
divertissement plusieurs fois avant le carème l'ont mis dans
la nécessité de souffrir un peu de secours. Ainsi il
n'y a que le prologue le premier acte, la première
scène du second et la première du troisième dont
les vers soient de lui. M. De Corneille a employé une
quinzaine au reste ; et par ce moyen Sa Majesté s'est
trouvée servie dans le temps qu'elle avait
ordonné.
Selon les Annales dramatiques ou Dictionnaire
général des théâtres (1811) :
Molière ne put faire que le premier acte, la première
scène du second , la première du troisième , et
les vers . qui se récitent dans le prologue. Le tems pressait
: Corneille se chargea du reste de la pièce ; il voulut bien
s'assujettir au plan d'un autre ;, et ce génie mâle, que
l'âge rendait sec et sévère , s'amollit pour
plaire à Louis XIV. L'auteur de Cinna fit , à
soixante-cinq ans, cette déclaration de Psyché à
l'Amour, qui passe encore pour l'un des morceaux les plus tendres et
les plus naturels qui soient au théâtre. Toutes les
paroles qui se chantent , sont de Quinault.
Carlo Vigarani supervisa la
remise en état des machines et la réfection des
décors (notamment ceux des Enfers, où le roi avait paru
sous les traits de Pluton) qu'il avait construits pour
Ercole amante. Seule l'apothéose du dernier
intermède constitua une création entièrement
originale : on y vit "paraître
plus de trois cents personnes supendues dans des machines ou dans une
gloire".
Germain Gissey (*) dessina les
costumes, qui furent réalisés par Jean Baraillon,
tailleur ordinaire des ballets du Roi, et Claude Fortier,
maître tailleur du Roi. Beauchamps et Dolivet
créèrent la chorégraphie.
(*) Germain Gissey (1621 - 1673), fils
d'un sculpteur de la Chambre du Roi, concierge de la salle des
Tuileries puis dessinateur du Cabinet du Roi en 1660, membre de
l'Académie de peinture en 1662, attaché aux Menus
Plaisirs où il fut remplacé par Jean Berain. Il apporta
notamment son concours pour les costumes des comédies-ballets
de Molière et Lully.
Il y eut jusqu'à
trois-cent-quarante artistes - acteurs, chanteurs, musiciens,
danseurs, figurants - réunis pour les
répétitions.
Psyché fut une des productions les plus coûteuses de
l'époque. Les états rassemblés par Louis-Marie
d'Aumont de Rochebaron, premier gentilhomme de la chambre,
parviennent à un total de 334 645 livres.
Le rôle de Psyché
fut tenu par Armande Béjart, dite mademoiselle Molière
(*)
(1642 - 1700), puis par Mlle Beauval, celui
d'Amour par le jeune Baron, dit Boiron (1653 - 1729), celui de
Vénus par Mlle de Brie,
Molière ne tenant que le rôle de Zéphire. Mlles
Marotte et Beauval étaient les deux soeurs de Psyché,
La Thorillière le père de Psyché,
Châteauneuf le capitaine des gardes, Hubert et La Grange les
deux amants de Psyché, Mlles La Thorillière et du
Croisy les deux Grâces, Thorillon et Barillonnet deux petits
Amours, Du Croisy Jupiter.
(*) Mme Molière y
représentait le personnage principal à ravir ; elle
chantait de la manière la plus séduisante.
(Castil-Blaze)
La distribution des chanteurs
était la suivante (orthographe d'origine) :
- au Prologue : Mlle Hilaire
(*) (Flore), Vertumne (La Grille), Mlle Desfronteaux,
Gingan cadet, Langeais, Gillet, Oudot et Jannot (Nymphes de
Flore), Gaye (Palémon), Le Gros, Hédouin, Beaumont,
Fernon l'aîné, Fernon le cadet, Rebel,
Sérignan, Lemaire (Sylvains de la Suite de Vertumn et
Palémone), Bony, Estival, Don, Gingan l'aîné,
Morel, Deschamps, Bernard, Rossignol, Bomaviel, Miracle (Fleuves
de la Suite de Vertumne et Palémon), Thierry, La Montagne,
Mathieu, Perchot, Pierrot, Renier (Naïades de la Suite de
Vertumne et Palémon).
(*) Hilaire Le Puis, dite mademoiselle
Hilaire. Selon Castil-Blaze : Cette madame ne fut jamais en puissance
de mari. Le nom d'Hilaire est celui qu'elle avait reçu de son
parrain, de sa marraine sur les fonts baptismaux. Fille de Le Puis,
qui tenait le cabaret de Bel-Air dans la rue de Vaugirard,
près du Luxembourg, MIle Hilaire Le Puis brilla comme
cantatrice aux ballets de Louis XIV, aux divertissements des
comédies de Molière, et devint tante de Lulli, quand ce
musicien épousa Madeleine Lambert.
Robinet dit d'elle :
Cette Flore qui fait
flores
Est représentée
(à peu près)
Par l'illustre sirène
Hilaire
Qui toujours a le don de
plaire
Avec son angélique
voix...
Les danseurs étaient :
Delorge, Bonard, Chaveau, Favre (Dryades), Chicanneau, La Pierre,
Favier, Magny (Sylvains), Beauchamp, Mayeu, Desbrosses,
Saint-André le cadet (Fleuves), Mlle Debrie (Vénus), La
Thorillière le fils (*),
âgé de quatorze ans (Amour), Thorillon, Baraillon,
Pierre Lionnois, Maugé, Dauphin, Duchesne (Amours), Mlles de
Thorillière, du Croisy (Grâces).
(*) Ce fils de La Thorillière
figurait Amour enfant. Robinet dit de lui qu'il s'acquitta à
miracle du rôle. Il devait poursuivre une carrière
d'acteur et mourir en 1731
- pour le Premier
intermède : Mlle Hilaire (Femme affligée), Morel et
Langeais (Hommes affligés).
Dolivet, Le Chantre,
Saint-André l'aîné, Saint-André le cadet,
La Montagne et Foignard l'aîné, figuraient les
Hommes
affligés, Bonard, Joubert,
Dolivet le fils, Isaac, Vaignard l'aîné et Girard les
Femmes
désolées.
- pour le Deuxième
intermède : Beauchamp, Chicanneau, Mayeu, La Pierre,
Favier, Dessbrosses, Joubert et Saint-André le cadet
figuraient les Huit
Cyclopes, Noblet, Magny, Delorge,
Lestang, La Montagne, Foignard l'aîné, Foignard le
cadet et Vaignard l'aîné les Huit Fées.
- pour le Troisième
intermède : Jannot (Zéphir), Renier et Pierrot
(Amours chantants), Bouteville, Des-Airs, Artus, Vaignard le cadet,
Germain, Pécourt, Demirail et Lestang le jeune
(Huit Zéphyrs
chantants).
Le chevalier Pol, Bouilland,
Thibaut, La Montagne, Dolivet fils, Daluseau, Vitrou et La
Thorillière figuraient Huit
Amours dansants.
- pour le Quatrième
intermède : Beauchamp, Hidieux, Chicanneau, Mayeu,
Desbrosses, Magny, Foignard l'aîné, Foignard le
cadet, Joubert, Lestang, Favier l'aîné et
Saint-André le cadet figuraient Douze Furies,
Cobus, Maurice, Polet et Petit-Jean Quatre Lutins faisant des sauts
périlleux.
- pour le Cinquième
intermède : Langeais (Récit d'Apollon), Estival
(Récit et Chanson de Mars), Mlle Hilaire et Mlle
desfronteaux (Chanson des Muses), Gaye (Chanson de Bacchus),
Blondel (Chanson de Silène), La Grille et Bernard (deux
Satyres), Morel (Chanson de Mome),
Mlles Hilaire, Desfronteaux,
Piesche soeurs, Gillet, Oudot, Henry Hilaire, Descouteaux et Piesche
le cadet étaient les Neuf
Muses formant la Suite d'Apollon.
Beauchamp, Chicanneau, La Pierre, Favier l'aîné, Magny,
Noblet, Desbrosses, Lestang, Foignard l'aîné et Foignard
le cadet figuraient les Arts
travestis en bergers galants, Isaac,
Paysan, Joubert, Dolivet fils, Breteau et Desforges Six Ménades,
Dolivet, Hidieu, Le Chantre, Royer, Saint-André
l'aîné et Saint-André le cadet Six Égipans,
Delorge, Bonard, Arnal, favier le cadete, Goyer et Bureau
Six Matassins
dansants, Manceau, Girard,
Lavallée, Favre, Lefébure et La Montagne
Six Polichinelles, Beauchamp, Mayeu, La Pierre et Favier
Quatre Enseignes, Noblet, Chicanneau, Magny et Lestang
Quatre Piquiers, Camet, La Haye, Leduc et Dubuisson Quatre Porte-masses et rondaches.
Pour la première fois, les
musiciens acceptèrent de chanter sur scène, à
visage découvert, au lieu de se tenir dans des loges
grillées et treillissées : Mlle de Rieux, Mlle Turpin,
Forestier, Mosnier, Champenon, Granapré, Ribou, Poussin. La
Grange précise : avec quelque
légère dépense, on trouva des personnes qui
chantèrent sur le théâtre à visage
découvert, habillées comme les
comédiens.
Parmi les dépenses
relatives à la musique, on relève 330 livres
payées à un chaudronnier pour les trompettes ; 200
livres à Jacques-Martin Hotteterre (*) pour des
instruments à vent ; 1400 livres aux copistes de Lully ; 90
livres au luthiste et joueur de basse de viole Léonard Itier ;
150 livres au flûtiste Philbert Rebillé (1667 - 1717) ;
80 livres à Jean-Henry d'Angleberet poiur l'accord des
clavecins.
(*) Jacques-Martin Hotteterre, dit
« Le Romain » (Paris, 29 septembre 1673 - Paris, 16 juillet
1763)
Les trois maîtres de
ballet, Pierre Beauchamp, Nicolas Delorge et Antoine Desbrosses
(*)
reçurent respectivement 300, 200 et 150 livres.
(*) Antoine Desbrosses, danseur et
chorégraphe, mort à Bruxelles le 27 décembre
1700. Premier directeur de l'Académie de danse fondée
en 1661, jusqu'en 1669, date à laquelle il fut remplacé
par Pierre Beauchamp. Il reparut dans "Psyché" en 1671, puis
dans les "Fêtes de l'amour et de Bacchus" en 1672. A partir de
1682, il dansa surtout à Bruxelles, mais aussi dans toutes
l'Europe, appartenant à diverses troupes itinérantes.
Son fils François s'établit à Bruxelles.
En 1690? Philidor effectua
une copie de la partition.
Au printemps 1671, Louis XIV
avait prévu une représentation avec les machines,
à Lille, alors qu'il se rendait en Flandre. A cet effet,
Vigarani était du voyage, ainsi que cent-cinquante ouvriers,
notamment charpentiers. Au passage, il s'arrêta à
Chantilly chez le Grand Condé. Le 25 avril (*), un banquet fut
accompagné d'extraits du Second intermède, dans le
Cabinet des Peintres.
(*) c'est à l'occasion de cette
visite royale que le chef François Vatel, de son vrai nom
Fritz Karl Watel, se donna la mort dans la matinée du 24
avril, en raison de l'arrivée tardive de la
marée
La représentation
prévue à Lille fut abandonnée, mais Louis XIV
fit reprendre des extraits - le Prologue et le Dernier
Intermède - de Psyché le 18
mai 1671, dans le Bastion Royal des fortifications de Dunkerque que
Vauban venait d'achever. Les Petits Violons étaient
accompagnés par des trompettes, des fifres, des hautbois, des
cromornes et des tambours (sept cents !), et quatre-vingt
canons.
Molière voulut reprendre
l'oeuvre sur la scène du Palais Royal à son compte, et
entreprit des travaux de réfection de la salle du Palais
Royal.
La Grange nota dans son registre
: Ledit jour, mercredi
quinzième avril (1671), après une
délibération de la compagnie de représenter
Psyché, qui avait été faite pour le roi l\92hiver
dernier et représentée sur le grand
théâtre du palais des Tuileries, on commença
à faire travailler tant aux machines, décorations,
musique, ballets, et généralement tous les ornements
nécessaires pour ce grand spectacle. Jusques ici 1es musiciens
et musiciennes n\92avaient point voulu paraître en public; ils
chantaient à la comédie dans des loges grillées
et treillissées ; mais on surmonta cet obstacle, et, avec
quelque légère dépense, on trouva des personnes
qui chantèrent sur le théâtre à visage
découvert, habillées comme les comédiens... Tous
lesdits frais et dépenses pour la préparation de
Psyché se sont montés à la somme de 4,359 livres
15 sols. Dans le cours de la pièce, M. de Beauchamp a
reçu de récompense, pour avoir fait les ballets et
conduit la musique, 1,100 livres, non compris les 11 livres par jour
que la troupe lui a données tant pour battre la mesure
à la musique que pour entretenir les ballets.
Molière engagea huit
chanteurs, seize danseurs, deux acrobates, un orchestre de douze
violons, et Pierre Beauchamp (*) pour la
chorégraphie. Il y eut trente-neuf représentations du
21 juillet au 25 octobre 1671, puis quinze (treize ?) autres du 15
janvier au 6 mars 1672.
(*) Pierre Beauchamp (ou Beauchamps).
Beauchamps, qui avait eu l\92honneur de montrer à danser au feu
roi (Louis XIV), et qui depuis vingt et un ans faisait tous les
ballets de la cour, entra à l\92Opéra (celui de Perrin et
de Cambert) en 1671 pour la composition des ballets. En 1673, Lully
lui donna le même emploi dans son Opéra, dont Beauchamps
s\92acquitta supérieurement. Il se retira en 1687, et sa place
fut donnée à Pécourt. Beauchamps disait qu\92il
avait appris à composer les figures de ses ballets par des
pigeons qu\92il avait dans son grenier. Il allait lui-même leur
porter du grain et le leur jetait. Ces pigeons couraient à ce
grain, et les différentes formes, les groupes variés
que composaient ces pigeons, lui donnaient les idées de ses
danses. (Histoire de l'Académie royale)
Au Palais Royal, le rôle de
Flore fut tenu par Mlle de Rieux. Robinet dit d'elle :
Une assez grande
damoiselle
Blondine, gracieuse et
belle,
Et d'assez bon air
s'agitant
Représente Flore en
chantant ;
Et, n'ayant guère de
pareilles,
Charme les yeux et les
oreilles
Par sa voix, et par des appas
Que toutes chanteuses n'ont
pas.
Dans une Lettre à Monsieur, Robinet parlait en janvier d'un ballet pompeux, grand et auguste, et la beauté de la salle lui donne le
sentiment d'être en quelque
canton des Cieux.
Il ajoutait en août
1671:
Qu'il est vrai que ce grand
spectacle
Qui faisait là crier :
Miracle !
Ce beau spectacle tout
royal
Est encore ici sans
égal.
La première édition
du texte parut en octobre 1671 chez Pierre Le Monnier.
Molière s'opposa au
privilège obtenu le 16 mars 1672 par Lully, qui limitait le
nombre de chanteurs à deux et celui des instrumentistes
à six. Le 12 août 1672, il obtint du roi de porter le
nombre de chanteurs à six et celui des instrumentistes
à douze.
Il reprit à nouveau
Psyché le 11 novembre 1672, engageant, d'après La
Grange, des frais extraordinaires qui
se sont montez à cent louis d'or. Il y eut trente-et-une représentations
jusqu'au 22 janvier 1673.
Robinet disait du Psyché
présenté au Palais Royal :
Il a les mêmes
ornements
Même éclat,
mêmes agrémens...
Les mers, les jardins, les
déserts,
Les Palais, les Cieux, les
Enfers
Les mêmes Dieux, les
mêmes Déesses...
On y voit aussi tous les
vols
Les aériens
caracols,
Les machines et les
entrées
Qui furent là tant
admirées.
Psyché fut un
grand succès, le plus grand de toute la carrière de
Molière, avec quatre-vingt-trois représentations de son
vivant.
La Comédie de PSICHE
est en 5 Ac. en vers libres, avec un Prol. elle fut
représentée devant le Roi, dans la salle des machines
du Palais des Thuilleries, durant le Carnaval de l'année 1670,
& donnée au Public, sur le Thé. du Palais Royal, le
24 Juillet 1671, ou, selon d'autres Auteurs, le 11 Nov. 1672. Moliere
avoit été chargé seul du plan & de la
disposition de cette Com. Ball. mais le tems le pressant trop, il ne
put faire que le Prologue, le premier Acte, la premiere scene du
second & la premiere du troisieme ; Corneille l'aîné
se chargea du reste, & le fit en quinze jours. Toutes les paroles
qui se chantent sont de Quinault, à la réserve de la
plainte Italienne, qui est de Lully, ainsi que la musique de la
piece. Cette Comédie fut remise au Théatre, &
donnée au Public, avec tous ses agrémens & toutes
ses décorations, le premier Juin 1703. Baron fils y
représenta l'Amour, & la Dlle Desmares Psiché. Elle
se trouve dans le tome sixieme des OEuvres de Moliere. (de
Léris - Dictionnaire des Théâtres)
"Une oeuvre unique en son
genre, qui se situe véritablement aux portes de la
tragédie lyrique. Le texte en est de Molière, mais
c'est Corneille qui l'a terminé, tandis que Lully et Quinault
ont élaboré ensemble l'intermède. Sous
l'appellation de "pièce en machines", cette Psyché se
présente comme une grande tragédie à la
française, en un prologue et cinq actes, les intermèdes
musicaux, insérés entre les différents actes,
comptent parmi les plus belles pages de Lully." (Jean-Claude Malgoire dans Opéra International - mai 1987).
Voltaire raconte à sa
façon : Le spectacle de
l\92Opéra, connu en France sous le ministère du cardinal
Mazarin, était tombé par sa mort... On ne croyait pas
alors que les Français pussent jamais soutenir trois heures de
musique, et qu\92une tragédie toute chantée pût
réussir. On pensait que le comble de la perfection est une
tragédie déclamée, avec des chants et des danses
dans les intermèdes. On ne songeait pas que si une
tragédie est belle et intéressante, les entr\92actes de
musique doivent en devenir froids ; et que si les intermèdes
sont brillants, l\92oreille a peine à revenir tout d\92un coup du
charme de la musique à la simple déclamation. Un ballet
peut délasser dans les entr\92actes d\92une pièce ennuyeuse;
mais une bonne pièce n\92en a pas besoin, et l'on joue Athalie
sans les choeurs et sans la musique. Ce ne fut que quelques
années après que LuIli et Quinault nous apprirent qu\92on
pouvait chanter une tragédie, comme on faisait en Italie, et
qu'on la pouvait même rendre intéressante, perfectiou
que l\92Italie ne connaissait pas. Depuis la mort du cardinal Mazarin,
on n\92avait donc donné que des pièces à machines
avec des divertissements en musique, telles qu\92Andromède et la
Toison d'or. On voulut donner au roi et à la cour, pour
l\92hiver de 1670, un divertissement dans ce goût, et y ajouter
des danses. Molière fut chargé du sujet de la Fable le
plus ingénieux et le plus galant, et qui était alors en
vogue par le roman trop allongé que La Fontaine venait de
donner en 1669. Il ne put faire que le premier acte, la
première scène du second, et la première du
troisième le temps pressait : Pierre Corneille se chargea du
reste de la pièce; il voulut bien s\92assujettir au plan d'un
autre; et ce génie mâle, que l\92âge rendait sec et
sévère, s\92amollit pour plaire à Louis XIV.
L\92auteur de Cinna fit, à l\92âge de soixante-cinq ans,
cette déclaration de Psyché à l\92Amour, qui passe
encore pour un des morceaux les plus tendres et les plus naturels qui
soient au théâtre. Toutes les paroles qui se chantent
sont de Quinault ; LulIi composa les airs. Il ne manquait à
cette société de grands hommes que le seul Racine, afin
que tout ce qu\92il y eut jamais de plus excellent au
théâtre se fût réuni pour servir un roi qui
méritait d\92être servi par de tels hommes. Psyché
n\92est pas une excellente pièce, et les derniers actes en sont
très-languissants; mais la beauté du sujet, les
ornements dont elle fut embellie, et la dépense royale qu\92on
fit pour ce spectacle, firent pardonner ses
défauts.
Synopsis
détaillé
Prologue
Un lieu champêtre. Au
loin, la mer dans l'enfoncement d'un rocher
percé. Flore, entourée
de Vertumne, dieu des arbres et des fruits, et de Palaemon, dieu des
eaux, invite Vénus à descendre sur la terre, où
la paix est revenue. Ballet des Dryades, Sylvains, Fleuves et
Naïades. Vénus descend du ciel avec Amour, et deux
Grâces, Aegiale et Phaène. Vénus demande que les
chants d'allégresse ne s'adressent plus à elle, mais
à une beauté supérieure, celle de Psyché.
Pleine de dépit, elle se lamente qu'on lui
préfère une mortelle. Elle demande à Amour de la
venger, en faisant en sorte que Psyché aime sans être
aimée.
Acte I
(1) Aglaure et Cidippe, les
soeurs de Psyché, se plaignent que Psyché attirent tous
les amants. Elles se rendent compte que son pouvoir tient à ce
qu'elle n'hésite pas à faire des avances, et
décident d'éprouver elles-mêmes cette
méthode avec deux princes nouvellement arrivés. (2)
Ceux-ci, Cléomène et Agénor, arrivent
précisément, à la recherche de Psyché.
Ils s'avouent tous deux épris de Psyché, quoique amis.
(3) Psyché se joint à eux. Cléomène et
Agénor lui proposent de choisir l'un d'eux pour époux.
Psyché répond qu'elle ne saurait choisir, de peur de
faire un malheureux, et leur propose de se retourner vers ses soeurs.
(4) Lycas survient, et annonce à Psyché que le roi, son
père, la demande, et laisse entendre qu'un malheur est
survenu. (5) Psyché partie, il révèle aux deux
soeurs que l'oracle exige que l'on mène Psyché au
sommet d'une montagne et qu'elle soit livrée à un
monstre-serpent. (6) Les deux soeurs ne sont pas mécontentes
de ce destin.
Premier
intermède
Une grotte et des rochers
affreux, où Psyché doit être exposée. Une
femme et deux hommes, affligés, déplorent sa
disgrâce, en italien. D'autres expriment leur
déssolation par une danse pleine de
désespoir.
Acte II
(1) Psyché demande
à son père de ne pas se révolter contre le
destin. celui-ci finit pas se résoudre et quitte
Psyché. (2) Psyché demande à ses soeurs
d'entourer leur père. Celles-ci se proposent de partager le
sort de Psyché. Celle-ci refuse. (3) Restée seule,
Psyché se prépare à son sort. (4)
Cléomène et Agénor surviennent, qui se disent
décidés à combattre le serpent. Psyché
refuse et leur renouvelle sa recommandation vis à vis de se
soeurs. Elle est enlevée par deux Zéphyrs.
Agénor et Cléomène décident de la suivre.
(5) Amour demande à Vulcain de construire un palais magnifique
pour Psyché.
Second
intermède
Une cour magnifique,
ornée de colonnnes de lapis enrichies de figures d'or, qui
forment un palais pompeux et brillant, que Amour destine pour
Psyché. Six Cyclopes achèvent en dansant quatre vases
d'argent que quatre Fées leur ont apportés. Vulcain les
presse de préparer le palais demandé par
Amour.
Acte III
(1) Zéphire vient rendre
compte à Amour qu'il a conduit Psyché dans le palais
enchanté. Amour lui montre le déguisement qu'il entend
revêtir pour déclarer son amour à Psyché.
(2) Psyché, seule, ne comprend pas pourquoi elle se retrouve
dans un palais aussi magnifique. Elle pense qu'il s'agit d'une ruse
du serpent et appelle le monstre à en finir. (3) Amour se
présente comme le monstre-serpent. Psyché, surprise,
sent monter en elle un nouveau sentiment qu'elle pense être
l'amour. Amour lui reproche de ne pas avoir aimé jusque
là, et lui révèle que c'est lui qui a
inspiré l'oracle. Psyché lui demande de pouvoir
rassurer son père et ses soeurs. Amour accepte. Zéphyr
s'envole.
Troisième
intermède
Quatre Amours et quatre
Zéphyrs dansent, sur un dialogue chanté entre un Amour
et un Zéphyr.
Acte IV
(1) Aglaure et Cidippe laissent
éclater leur jalousie vis-à-vis de Psyché pour
avoir su conquérir un amant aussi parfait. Elles
méditent une vengeance consistant à les séparer.
(2) Psyché leur annonce que son amant ne supporte pas de ne
pas la voir, et qu'elles doivent maintenant repartir sur terre.
Aglaure lui fait observer qu'elle ne sait même pas qui il est
et réussit à inquiéter Psyché. Le
Zéphire emporte les deux soeurs sur un nuage vers la terre.
(3) Amour renouvelle son amour à Psyché, mais
s'étonne de son attitude. Amour lui en demande la raison.
Psyché lui avoue qu'elle aimerait savoir qui il est. Amour
refuse de livret son secret. Psyché insiste. Amour finit par
dévoiler qui il est, mais lui révèle que le
palais et lui-même vont maintenant disparaître. Amour
disparaît en s'envolant, le superbe jardin s'évanouit.
Psyché se retrouve au milieu d'une vaste campagne et au bord
d'un fleuve où elle veut se précipiter. Le Dieu du
Fleuve apparaît assis sur un amas de joncs et de roseaux et
appuyé sur une grande urne d'où sort une grosse source
d'eau. (4) Psyché se lamente d'avoir tout perdu, et veut se
jeter dans le fleuve. Le Dieu du Fleuve lui indique que le ciel le
lui défend, et qu'elle doit craindre la colère de
Vénus, irritée contre Amour. (5) Vénus reproche
à Psyché d'avoir séduit tous les mortels, et
même un dieu, qui est son fils.
Quatrième
intermède
Les Enfers. Une mer
agitée, toute de feu, bornée par des ruines
enflammées. Au milieu des flots apparaît le palais
infernal de Pluton. Huit Furies dansent, tout en se félicitant
de la colère de Vénus. Psyché, qui vient des
Enfers sur commandement de Vénus, repasse dans la barque de
Charon, avec la boite qu'elle a reçue de Proserpine pour
Vénus.
Acte V
(1) Psyché espère
revoir Amour et inspirer sa pitié. (2) Cléomène
et Agénor surviennent et expliquent qu'ils se sont
précipités du rocher pour pouvoir la suivre, et qu'ils
sont heureux, même dans la mort. Ils racontent qu'Amour s'est
vengé des soeurs de Psyché en les suppliciant. (3)
Psyché se reproche d'avoir été trop dure, et se
lamente d'avoir perdu sa beauté. Désireuse de la
retrouver pour séduitre Amour, elle ouvre la boite de
Proserpine. Elle s'évanouit, et Amour descend auprès
d'elle en volant. (4) Amour renouvelle son amour à
Psyché évanouie, et s'emporte contre Vénus. (5)
Amour et Vénus se disputent, Vénus reproche à
Amour d'être tombé amoureux de Psyché, et lui
indique qu'il va la perdre. Vénus se laisse toutefois
fléchir et accepte de faire retrouver à Psyché
la vie et la beauté, à condition qu'il renonce à
elle. Amour en appelle à Jupiter. (6) Amour implore Jupiter,
et menace de lancer ses flèches sur les dieux. Jupiter
intercède auprès de Vénus. Vénus
pardonne, mais ne peut accepter qu'Amour se lie à une
mortelle. Jupiter décide de rendre Psyché immortelle.
Psyché se réveille. Jupiter appelle Amour et
Psyché à célébrer leur union chez les
dieux.
Cinquième
intermède
Vénus et sa suite d'un
côté, Amour et Psyché d'un autre, montent au
ciel. les dieux, par des concerts, chants et danses,
célèbrent les noces. Apollon chante et invite les
autres dieux à se réjouir. Deux Muses conseillent aux
belles qui n'ont encore pas aimé de continuer à refuser
l'amour. Bacchus chante qu'il est moins dangereux que l'amour. Ballet
de deux ménades et de deux Aegipans qui suivent Bacchus. Mome
vante la médisance. Ballet de quatre polichinelles et de deux
matassins. Bacchus chante à la louange du vin, Mome la
raillerie. Mars invite sa troupe guerrière à prendre
part aux divertissements. Ballet des suivants de Mars. Ballet des
troupes d'Apollon, Bacchus, Mome et Mars. Choeur
final.
Représentations :
- Grand-Théâtre
de Reims - 9, 10 octobre 2010 -
Ensemble instrumental Les Bijoux indiscrets - Compagnie du Griffon
- dir. Claire Bodin - mise en scène et adaptation Julien
Balajas - scénographie Luc Londiveau - costumes Gabriel
Vacher - lumières Marc-Antoine Vellutini -
chorégraphie et danse Sarah Berreby - avec Eugénie
Warnier, Lina Yang, François-Nicolas Geslot, David Lefort,
Luigi De Donato
- Opéra de Toulon
- 23, 25 octobre 2009 -
Montpellier - Opéra Comédie - 5, 8, 9 novembre 2009 - Ensemble instrumental
Les Bijoux indiscrets - Compagnie du Griffon - dir. Claire Bodin -
mise en scène et adaptation Julien Balajas -
scénographie Luc Londiveau - costumes Gabriel Vacher -
lumières Marc-Antoine Vellutini - chorégraphie Sarah
Berreby - avec Eugénie Warnier, Lina Yang,
François-Nicolas Geslot / Renaud Tripathi, Carl
Ghazarossian, Luigi De Donato - Coproduction Opéra de
Toulon Provence Méditerranée / Opéra National
de Montpellier Languedoc-Roussillon

"L\92Initiation à
l'amour, Psyché, coproduit par Toulon et Montpellier, est une
création à partir de l'\9Cuvre de Lully. Ou plutôt
des \9Cuvres : la pièce de Molière et Pierre Corneille de
1671, avec ses intermèdes de Lully, et la reprise par le
compositeur en 1678, pour une tragédie lyrique sur un livret
de Thomas Corneille.
Le metteur en scène
Julien Balajas a collaboré avec Claire Bodin, et son ensemble
les Bijoux indiscrets pour faire naître cette nouvelle
Psyché. « Il y a 42 choix musicaux, précise la
musicienne. J'ai comparé les partitions et
décidé en fonction de l'action. Ce qui a amené
des questions, surtout pour les voix : chanteurs et comédiens
ne devaient pas être redondants. Le rôle de
Psyché, tenu par deux interprètes, prend de la
densité, car cela crée un effet de miroir, très
poétique. »
L'action se situe dans les
années 20, période charnière
d'émancipation féminine. L'univers du conte est
très présent. « Julien a travaillé sur un
axe intemporel, la découverte de l'amour, explique Claire
Bodin. Moi, sur un axe vertical : ancrer la tragédie lyrique
dans ses racines du XVIIe siècle, avec instruments anciens et
danseuse baroque. Le texte est celui de la pièce, en
alexandrins. »
Cela n'a pas effarouché
les 700 élèves qui ont fait un triomphe à
Toulon. Percussions, bruitages animent l'action : Claire Bodin, qui
touche souvent à la musique contemporaine, et dont l'ensemble
a pour vocation de « mettre en valeur des figures
féminines au travers de l'histoire de la musique »
affirme sans détours : « L'imagination a de quoi
s'accrocher. »
"Dans cette longue
pièce, Julien Balajas, qui en signe la mise en scène, a
taillé un texte judicieusement plus léger, et de ces
musiques, Claire Bodin, a coupé les intermèdes oiseux
pour garder les passages dramatiques, en sorte que cette
Psyché réussit la gageure d\92être à la fois
ancienne et nouvelle, et sans lourde et onéreuse
reconstitution baroquisante, préserve le meilleur de l\92esprit
baroque original. En effet, on craignait, de l\92intention de ramener
l\92action aux années 1900-1925, encore un asservissement de
jeunes créateurs à cette mode de l\92actualisation des
\9Cuvres, déjà vieille, sur toutes les scènes, de
près d\92un demi-siècle. Mais, ici, les costumes (Gabriel
Vacher) pour les dames, de la double esthétique Art Nouveau et
Art Déco renvoient au néo-baroque et rococo 1900 avec
ses robes à falbalas et fanfreluches, et l\92épure
néo-classique 1925 avec ses tuniques pures, à une
Antiquité stylisée : c\92est élégant et
intelligent. Zéphyre (Jean-Jacques Rouvière), serviteur
ailé et zélé de Cupidon, en costume d\92aviateur
pionnier, et Amour (Julien Balajas), en blazer rouge (aussi de
timidité, tout faraud d\92un baiser) de collégien british
ou de Tintin tombé en tentation amoureuse sont fort
drôles. Deux fauteuils néo-Louis XV et un vaste et
solennel tableau de puissante famille situent Psyché et les
siens au premier acte, avec ses deux inénarrables s\9Curs
envieuses, Aurélie Cohen (Aglaure) et Véronique
Dimicoli (Cydippe), la sèche et la boulotte, qui compensent
leurs complexes physiques et leur appétit sexuel
frustré en s\92empiffrant nerveusement, hystériquement,
de friandises.
Le second acte, avec juste une
sorte de petit échafaud pour le sacrifice, avec sombre fond
tourmenté et silhouette de château, est superbe,
picturale mise en valeur de la robe blanche de la victime et de la
magnifique déploration polyphonique menée par la ligne
impeccable d\92Eugénie Warnier, soprano, et d\92un quatuor tout
aussi émouvant de chanteurs. En contraste, le palais
enchanté où Cupidon enlève sa belle, avec une
végétation stylisée à la Douanier
Rousseau et un édifice aux lignes nouilles de Guimard ou
Horta, est lumineux, joyeux, souple et variée
scénographie de Luc Londiveau aussi diversement
éclairée par Marc-Antoine Vellutini en fonction des
tableaux et de la couleur des situations dramatiques. Mais on
n\92aurait garde d\92oublier, magnifique trouvaille humoristique,
d\92entrée, la tirade vengeresse d\92une vraie Vénus de
beauté (Ophélie K\9Cring) dont l\92Olympe ou la
Cythère serait une loge de théâtre, un implacable
miroir pour la femme mûrissante et presque rugissante de se
voir vieillir face à l\92innocente péronnelle, qui est
projetée comme un cinéma balbutiant, à l\92image
tremblotante et crépitante : le mythe et sa divinité,
sa diva, sa déesse d\92aujourd\92hui.
La mise en scène est
souple, inventive donc, avec des silhouettes à la BD, des jeux
de duo, de symétries et dissymétries burlesques entre
les deux s\9Curs et les deux prétendants (Bruno Detante et
Jacques Rouvière), des vers débités à
l\92unisson, jolie façon de gagner du temps, des arrêts
sur image, des gags sonores (René Maurin). Maïa
Guéritte est une délicate et fragile Psyché,
aspirant au sacrifice comme Iphigénie, face à un
père désespéré (Guy Lamarque, Jupiter),
et découvrant l\92amour, comment l\92esprit vient aux filles, avec
une spontanéité et une fraîcheur
délicieuse d\92Agnès de l\92École des femmes.
Il n\92y a pas de solution de
continuité entre la scène et la fosse puisque le beau
quintette vocal monte sur le plateau, ch\9Cur antique saisissant, ou,
individualisé, se substituant en chant aux personnages
parlés, ainsi Lina Yang, fine soprano, et Luigi De Donato,
basse, à la voix bouleversante de père blessé,
avec e dignes partenaires Renaud Tripathi/François-Nicolas
Geslot haute-contre et Carl Ghazarossian, ténor. Du clavecin,
Claire Bodin mène sa troupe avec toute la souplesse baroque
requise et un effectif judicieusement choisi d\92instruments anciens
dont la délicatesse répond à la finesse de cette
versification qui alterne les vers de 12 et de 8 pieds, avec une
fluidité que n\92a pas le bourdon et le ronron souvent monotones
de l\92alexandrin continu.
Une danseuse, Sarah Berreby,
remplit les espaces dévolus aux intermèdes, mais la
chorégraphie mériterait peut-être un peu plus de
détail. Presque un spectacle de tréteaux touché
par la grâce et qui mériterait de
tourner."
"Une compagnie
théâtrale propose à
l\92Opéra-Théâtre de Toulon Provence
Méditerranée d\92accueillir son adaptation de la
Psyché co-écrite par Quinault, Corneille et
Molière en 1671, pimentée d\92un accompagnement musical
de son cru. Claude-Henri Bonnet, le directeur de la maison, saisit le
prétexte : que l\92on accompagne la représentation de la
musique originale de Lully, et il tient ainsi une nouvelle occasion
d\92élargir l\92horizon musical de la ville, conformément
à sa mission. Et de rechercher un ensemble d\92instruments
anciens, de recruter une équipe de chanteurs familiers du
répertoire baroque, et l\92aventure est lancée, avec les
moyens matériels et humains de l\92Opéra. Voilà
pour la genèse de la production.
Venue à son terme, elle
se présente avec beaucoup d\92attraits. Visuellement, elle est
très séduisante ; les jeux de lumières
particulièrement réussis (Marc-Antoine Vellutini)
exaltent les climats et les costumes, la plupart seyants et quelques
uns décalés (pour les dieux). La scénographie
dépouillée de Luc Londiveau bien qu\92un peu
décevante au troisième et au dernier acte - la toile
peinte du séjour enchanté et les lustres de
l\92apothéose \96 est pour le reste en phase avec les situations.
Quant aux évolutions de Sarah Bereby, elles sont gracieuses et
conformes aux codes de la danse baroque mais on regrette souvent sa
solitude.
L\92adaptation conçue par
Julien Balajas, le metteur en scène, procède d\92une
transposition temporelle assez cohérente. En situant l\92action
dans les années 20 du XX° siècle il la rapproche
d\92un public contemporain tout en trouvant des solutions
ingénieuses à certains problèmes comme celui de
l\92absence de machines dans une production qui repousse a priori
l\92idée de la reconstitution. Ainsi l\92enlèvement de
Psyché : elle disparaît en coulisse et grâce
à l\92efficacité du bruitage on entend le
démarrage hoquetant d\92un avion, tandis que Zéphyr
arbore la tenue des pilotes pionniers. Le procédé
fonctionne évidemment pour l\92arrivée des s\9Curs
jalouses. De même la séquence filmée qui fait de
Vénus une vedette de cinéma accompagne efficacement sa
tirade initiale. Attention cependant : le rythme de certaines
scènes est menacé par des silences « dramatiques
».
Une autre qualité du
spectacle tient à la fluidité avec laquelle chant et
théâtre s\92enchaînent, par la succession sur
l\92espace scénique de l\92actrice, puis de la chanteuse, soit que
les lumières fassent disparaître l\92une au profit de
l\92autre, soit qu\92un siège tournant permette de changer dans le
mouvement. On les voit aussi simultanément, sur des plans
différents, dans des ébauches de pantomime où
l\92une semble le reflet de l\92autre, en un bel effet de miroir
éphémère.
A propos du versant
théâtral, signalons la qualité globale de la
diction, respectueuse de la prosodie et qui, sans céder
à la déclamation expressive encore à la mode au
milieu du XX° siècle, fait sentir la musicalité de
cette langue versifiée. A saluer encore l\92abattage des deux
s\9Curs (Aurélie Cohen et Véronique Dimicoli) et des deux
prétendants (Bruno Detante et Jean-jacques Rouvière,
qui charge un peu son Zéphyr). La Vénus
d\92Ophélie Koering a de la prestance mais manque un peu de
mordant (fatigue après la représentation
vespérale ?). Roi digne puis Jupiter salace, Guy Lamarque
soutient les deux emplois. Restent Amour, Julien Balajas, et
Psyché, Maïa Guéritte, pour nous les moins
convaincants. A quoi cela tient-il ? Aux limites des comédiens
? Ou à la conception des personnages ? A vouloir rapprocher
l\92\9Cuvre du public d\92aujourd\92hui, Julien Balajas n\92a-t-il pas
sacrifié l\92essentiel au secondaire ? Définir
Psyché comme une jeune fille qui va quitter le cercle familial
en découvrant l\92amour et Amour comme un adolescent qui
s\92impose en se révoltant est évident, mais faire de
leur rencontre un coup de foudre qui finit en partie de jambes en
l\92air, est-ce bien pertinent ? En se regardant l\92un l\92autre ils font
une expérience majeure qui va bien au-delà de
l\92étreinte montrée. C\92est bien parce que Psyché
est à ses yeux exceptionnelle qu\92Amour ne peut lui infliger la
punition ordonnée par Vénus, c\92est bien parce qu\92Amour
est exceptionnel que Psyché va sortir de son apathie
sentimentale. Et c\92est bien parce que leur attachement n\92est pas de
l\92ordre commun, celui des corps qui se désirent, sur lequel
règne Vénus, que la déesse voudra le
détruire. C\92est que la beauté physique de Psyché
n\92est que le reflet de son âme. On est loin du familier et du
banal. C\92est pourquoi même si la tragédie lyrique
autorise le mélange des genres, c\92est pour nous une erreur de
faire des deux amants, même en passant, des personnages
comiques dans un esprit potache. Psyché n\92est pas nunuche, pas
plus qu\92Amour n\92est un ado maladroit. Certes, cela les rend
sympathiques, et amuse, à en juger par les réactions
des spectateurs, mais cela affaiblit leur côté
exceptionnel, elle par sa vertu rayonnante, lui par son statut divin
et sa sublimation réussie. Ce sont des personnages nobles, non
pas parce qu\92elle est princesse et lui déité, mais par
leur élévation spirituelle. Ni Julien Balajas ni
Maïa Guéritte, on le dit à regret, n\92ont rendu
sensible cette dimension pour nous essentielle, qui fait de ces
amants bien autre chose que les habituels amoureux de Molière.
On le remarque du reste
d\92autant plus que les chanteurs, eux, ne laissaient rien à
désirer de ce point de vue. Leur musicalité, l\92harmonie
née des timbres complémentaires, la maîtrise
stylistique du chant baroque font de leurs interventions des moments
délicieux Lina Yang est tour à tour une Flore et une
nymphe charmantes, Renaud Tripathi est touchant à souhait en
homme affligé, Carl Ghazarossian ôte tout maussaderie
à son Vulcain, et Luigi de Donato, d\92abord second homme
affligé, est un Jupiter impressionnant à souhait. Tour
à tour Vénus, femme désolée et
Psyché, Eugénie Warnier est souveraine de justesse
expressive ; frémissante, digne, noble, elle fait trouver trop
courtes ses interventions, en particulier les airs tirés de la
tragédie lyrique.
Maîtresse d\92\9Cuvre sur le
plan musical, la claveciniste Claire Bodin, directrice artistique de
l\92ensemble Les Bijoux Indiscrets, s\92est astreinte à une
sélection musicale minutieuse \96 pas moins de quarante deux
extraits \96 à partir des deux partitions de 1671 et 1678.
Certes, une large part de la musique de la version dernière
reprend la première composition, mais il a fallu faire des
choix parmi entrées, préludes, airs et ritournelles,
avec la contrainte de la cohérence entre musique et
théâtre. Le résultat de ce travail, confié
aux quatorze musiciens où les vents et le continuo se
distinguent, est délectable. Claire Bodin dirige depuis le
clavecin avec des gestes très précis et obtient une
cohésion sans défaut. Peut-être pourrait-on
souhaiter quelques articulations plus marquées, mais il
s\92agirait plus de goût que de style."
- Opéra Magazine - décembre
2009
"Audacieuse autant qu'hybride,
cette étonnante mouture de Psyché, conçue par le
tandem Bodin/Balajas, se révèle, contre toute attente,
des plus efficaces ! À partir d'une technique narrrative
rythmée - basée à la fois sur la
«tragédie-ballet» de 1671 (Lully composa des
intermèdes chantés et dansés pour cette
pièce co-écrite par Molière, Quinault et Pierre
Corneille) et sur la «tragédie lyrique» de 1678
(signée par le même Lully, cette fois sur un livret de
Thomas Corneille) -, les aménagements opérés sur
les correspondances entre théâtre et musique
s'avèrent tout à fait sagaces.
En simplifiant ainsi la
formule dramaturgique, Julien Balajas ne malmène en rien
l'intrigue mythique. Au contraire, c'est avec délicatesse
qu'il se permet d'élaaguer certaines sections et
d'éclaircir une trame parfois dense, voire alambiquée.
Pour un public actuel non habitué à savourer les codes
esthétiques du Grand Siècle, une telle adaptation peut
légitimement être l'occasion de découvrir
l'\9Cuvre.
Dans ce cas précis,
l'action est on ne peut plus lisible. Les comédiens de la
toute jeune Compagnie du Griffon se montrent tous très
convaincants dans ce qu'ils ont à faire. Portés par la
limpidité des enjeux, ils n'ont, il est vrai, qu'à se
laisser investir par leurs personnages avec le plus de naturel
possible. Il est toutefois notable que chacun montre de la ressource
dans le jeu, du plaisir sur les mots, en somme de l'envie ! Signalons
que, non content d'assumer la mise en scène, Julien Balajas
s'impose, dans ce cadre, en Amour espiègle et objecteur.
Les chanteurs leur
répondent avec une véritable aisance et beaucoup de
style. Eugénie Warnier est indiscutablement celle qui
cristallise le maximum d'émotion. Son chant idéalement
conduit distille une mélancolie à fleur de timbre,
à laquelle il est difficile de résister. La seconde
soprano, Lina Yang, n'a aucun mal à assumer les
délicieuses lignes enrubannées qui lui sont
dévolues. Si les parties de haute-contre, chantées
respectivemem par Renaud Tripathi et François-Nicolas Geslot,
ne sont pas exemptes de petites duretés, l'investissement
scénique des interprètes est, lui,
irréprochable. Enfin, Carl Ghazarossian et Luigi De Donato se
montrent de fins stylistes, constamment en situation.
Chef et claveciniste
attitrée de l'ensemble Les Bijoux Indiscrets, Claire Bodin ne
ménage pas sa peine pour donner corps aux plages musicales
sélectionnées par ses soins. Toujours alerte,
précise et inventive, la formation d'instruments anciens ne
demande qu'à s'épanouir au fil de nouvelles
expériences. Pour finir de saluer cet excellent travail
d'équipe comme il se doit, citons les lumières
judicieuses de Marc-Antoine Vellutini, la scénographie sobre
et efficace de Luc Londiveau, les costumes décalés de
Gabriel Vacher... sans oublier le zèle chorégraphique
de Sarah Berreby.
Un spectacle qu'il faut
assurément encourager dans sa diffusion."
- Opéra de Lyon
- Les Métamorphoses de Psyché - 7 février 1999 - version de concert avec
récitant (Jean-Marie Villégier) - Les Arts
Florissants - dir. William Christie - avec Monique Zanetti,
Stéphanie d'Oustrac et Howard Crook
- Odéon -
avril 1914 - dernière production sous la direction
d'André Antoine qui, ayant accumulé de lourdes
pertes, donne sa démission
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