Opéra sacré
en un prologue et cinq actes, sur un livret de l'abbé
Simon-Joseph Pellegrin (1663 - 1745), créé à
l'Académie royale de Paris le 28 février 1732. La
distribution réunissait Dun (Apollon), Mlle Mignier
(Polymnie), Mlle Dun (Terpsichore), Mlle Petitpas (Vénus) et
Mlle Eremans (La Vérité) pour le prologue,
Chassé (Jephté), Dun (Phinée,
Grand-Prêtre), Tribou (Ammon, Prince Ammonite), Mlle Antier
(Almasie, femme de Jephté), Mlle Lemaure (Iphise, fille de
Jephté), Mlle Petitpas (Elise, confidente d'Iphise).
L'ouvrage fut édité
en 1732 par Boivin.
Reprises dans une nouvelle
version le 4 mars 1732. Le 13 avril, la représentation eut
parmi les spectateurs le roi Stanislas. Le Mercure de France
d'avril 1732 notait : Cette
pièce est toujors honorée des mêmes
applaudissements.
Nouvelles reprises le 26
février 1733, puis le 28 mars 1734.
Le 10 mars 1735, pour remplacer Achille et
Déidamie, on reprit en catastrophe Jephté.
Ce soir là, Catherine Lemaure, celle dont on disait qu'elle
était bête comme un pot, mais qu'elle avait la voix la
plus belle et la plus surprenante du monde, quitta la
scène et refusa d'y revenir. On raconte qu'elle simula un
évanouissement, mais aussi qu'elle avait décidé
d'aller souper en ville. Le comte de Maurepas, ministre de la Maison
du roi, la fit mener sur-le-champ au For-l'Évêque. En
costume de scène, accompagnée d'amis et d'admirateurs
aux premier rang desquels l'intendant de Paris, Louis-Achille de
Harlay, Catherine Lemaure fut incarcérée durant...moins
d'une heure, le directeur de l'Opéra ayant couru la
délivrer. Piquée au vif, Mlle Lemaure se retira au
couvent du Précieux-Sang, restant sourde aux supplications de
Maurepas lui-même. Elle ne devait revenir à
l'Opéra que cinq ans plus tard, après la retraite de la
Pélissier.
Des modifications furent
apportées au cinquième acte pour la reprise du 1er
avril 1737.
Nouvelles reprises :
le 4 avril 1738,
le 17 mars 1740, avec Dun
(Apollon), Mlle Mignier (Polymnie), Mlle Antier (Terpsichore) pour
le prologue, Le Page (Jephté), Dun (Phinée),
Jélyotte (Ammon) ; Mlle Antier (Almasie), Mlle Le Maure
(Iphise), Mlle Fel (Elise), Albert (Abner),
le 3 mars 1744, avec
Chassé (Jephté), Le Page (Phinée),
Jélyotte (Ammon), Mlle Chevalier (Almasie), Mlle Le Maure
(Iphise), Mlle Fel (Elise), Albert (Abmer) ;
le 6 février 1761,
avec Sophie Arnould dans le rôle d'Iphise.
L'oeuvre fut
représentée cent trois fois jusqu'en 1761.
Laborde note : Le choeur« Tout tremble devant le Seigneur
» eut un succès prodigieux et a conservé longtemps
sa réputation.
Jephté fut joué à Lyon, pour la
réouverture du théâtre aménagé dans
la salle du Jeu de Paume de la Raquette Royale, le 19 avril 1739,
à l'initiative de Nicolas Bergiron.
Ce fut le premier opéra
français dont le sujet fût tiré de l'Ecriture
sainte, en l'occurrence le Livre des Juges de l'Ancien Testament.
C'est la raison pour laquelle le cardinal de Noailles en fit
interrompre les représentations, l'histoire sainte ne devant
pas être assimilée à la mythologie et fournir des
sujets à des divertissements profanes.
Montéclair composa
trois versions successives de l'oeuvre. L'enregistrement de William
Christie est fondé sur la première version (sauf le
choeur final).
Synopsis
détaillé
Prologue
Un lieu destiné pour
des spectacles, où sont réunies toutes les
Divinités fabuleuses
(1) Le choeur des
divinités, Apollon, Polhymnie et Vénus exaltent leur
pouvoir de régner sur les mortels en les flattant par des
chants et des jeux. (2) Les Peuples s'assemblent pour voir le nouveau
spectacle :Terpsichore et sa suite qui dansent. Vénus chante
les ris et les plaisirs de l'amour. On entend une douce symphonie. Le
théâtre s'obscurcit à mesure que le cintre
s'éclaire. La Vérité et les Vertus descendent du
ciel, au bruit d'une symphonie harmonieuse. (3) La
Vérité chasse les dieux de l'illusion, et leur ordonne
de rentrer dans les enfers. Les divinités s'abîment. (4)
La Vérité rappelle que la seule lumière des
hommes doit provenir de Dieu et évoque le voeu tragique de
Jephté. Puis elle célèbre le roi qui "marche sur
ses pas".
Acte I
Le camp des Israélites
en deça du Jourdain et au pied des murs de Maspha. Au
delà, on découvre les terres des
Ammonites
(1) Jephté retrouve sa
terre natale après un long exil imposé par ses
frères. Il découvre, sur l'autre rive, les troupes de
la tribu d'Ephraïm dirigées par Ammon qui menacent son
peuple. (2) Abdon, son confident, s'étonne que Jephté
ait refusé de voir son épouse Almasie et sa fille
Iphise. Jephté répond qu'il s'interdit de les revoir
tant qu'il n'aura pas achevé sa mission. (3) Le grand
prêtre, Phinée, confirme à Jephté que le
Seigneur a confirmé sa nomination comme chef des
Hébreux. Il lui apprend que le chef des ennemis est Ammon,
captif épargné par les Hébreux. (4)
Phinée annonce aux guerriers l'apparition de l'Arche sainte.
On entend un bruit de trompettes. On voit descendre un nuage
lumineux, qui dérobe l'Arche sainte aux yeux des
Israléites, comme au temps de Moïse. (5) Phinée
promet la victoire aux soldats. (6) Abdon presse Jephté, car
l'ennemi a attaqué le camp. (7) Jephté invoque le Dieu
d'Israël, et fait le voeu d'immoler la première personne
qu'il rencontrera à son retour du combat. A peine a-t-il
prononcé sa promesse que le Jourdain se sépare
miraculeusement en deux, faisant comme deux remparts. L'armée
se rassemble auprès de Jephté au son des trompettes,
ete passe le Jourdain pour aller combattre les Ammonites.
Acte II
Le palais de
Jephté
(1) Abner, confident d'Ammon,
exhorte ce dernier - qui a été épargné
par les Israélites - à fuir le palais de Jephté
où il est retenu. Mais Ammon refuse car il est épris
d'Iphise, la fille de Jephté. (2) Iphise arrive, qui cherche
à éviter Ammon. Celui-ci lui avoue sa flamme. Iphise le
repousse et le menace de la vengeance céleste s'il livre
guerre au Dieu d'Israël. (3) Demeurée seule, Iphise
pleure car elle aime également Ammon. (4) Sa mère
Almasie vient raconter à Iphise qu'elle l'a vue
foudroyée dans un songe et que Phinée prévoit un
affreux châtiment pour le peuple d'Israël par la faute de
leur propre famille. Iphise se sent coupable et avoue à sa
mère son amour impossible. (5) Mais Abdon vient annoncer la
victoire de Jephté. Almasie demande à sa fille de
présider aux réjouissances. (6) Les habitants de Maspha
arrivent en dansant au son des tambourins. Iphise court à la
rencontre de son père victorieux.
Acte III
Une place publique,
ornée d'arcs de triomphe et d'obélisques. Un tribunal
entouré de gradins
(1) Jephté a seulement
entrevu sa victime, sans la reconnaître et sans lui avouer son
sort. Il regrette amèrement les conséquences de son
serment, imaginant que la victime pourrait être son
épouse ou sa fille. (2) Almasie vient l'accueillir en son
palais puis Iphise apparaît. (3) Jephté découvre
avec effroi que c'est sa fille qu'il devra immoler. Il demande
à Iphise - qui ne comprend pas son attitude - de quitter les
lieux. (4) Jephté explique à son épouse le sort
réservé à Iphise à la suite de sson
serment. Almasie réagit vivement, et, déchirés
entre parjure et parricide, les deux époux décident de
s'en remettre à la justice divine. (5) Sous la conduite de
Phinée. les tribus d'Israël viennent assister au
couronnement de Jephté. Celui-ci est manifeste un trouble que
Phinée ne comprend pas. (6) Abdon vient interrompre la
cérémonie : Ammon, à la tête de la tribu
d'Ephraïm, prépare une nouvelle offensive. Jephté
jure que cette fois, il ne l'épargnera pas.
Acte IV
Un jardin traversé par
des ruisseaux
(1) Iphise, seule, pleure son
désespoir. (2) Elise vient lui annoncer la venue des bergers
et Iphise envie leur sort. (3) Des bergers et bergères entrent
en dansant. Iphise les convie à louer le Seigneur. (4) Almasie
les interrompt. (5) Elle révèle à sa fille qu'il
lui faut mourir, et lui explique la raison. Le Grand Prêtre a
consulté l'Arche redoutable qui a confirmé la sentence.
Iphise se dit prête à son destin. (6) Demeurée
seule avec ses compagnes, Iphise se prépare à quitter
la vie. (7) Ammon la rejoint, et lui annonce qu'il est
décidé à utiliser ses armées pour la
sauver. Mais, bien qu'elle lui ait avoué son amour, Iphise
préfère suivre son devoir. Ammon jure de se venger du
Dieu qui te menace. (8)
Acte V
A l'intérieur du temple
de Maspha. Un autel dressé
(1)
Désespérée, Almasie erre dans le temple de
Maspha et se lamente. (2) Elle est rejointe par Jephté qui
demande à Almasie de le laisser seul. (3) Resté seul,
Jephté est accablé (4) Iphise, résiste au Peuple
qui s'oppose à son passage, et retrouve son père. Elle
lui demande d'accomplir le sacrifice en lui expliquant qu'il n'est
que trop justifié, car un ennemi a fait naître en son
coeur une flamme funeste. On entend un bruit de guerre. A la
tête d'une troupe de rebelles, Ammon tente d'entrer dans le
temple pour empêcher le sacrifice. (5) On voit tomber du ciel
un globe de feu. Les rebelles sont terrassés par la foudre
divine. (6) Phinée reprend alors la cérémonie,
mais au moment où il présente le couteau du scrifice
à Jephté, le tonnerre gronde à nouveau.
Phinée annonce que la colère du Dieu est apaisée
par le repentir d'Iphise. Tous chantent la gloire de
Dieu.
"La partition, située
entre la seconde version de l'Idoménée de Campra et de
l'Hippolyte et Aricie de Rameau, annonce plus la seconde qu'elle
n'évoque la première, et marque un glissement du centre
d'intérêt musical du récitatif tragique à
des strucrures plus complexes, dont l'orchestre est un composant
essentiel. On y trouve notamment un traitement magistral des
scènes d'ensemble. L'emploi alternatif d'airs da capo,
d'ariosos aux lignes amples et d'accompagnamentos
véhéments structurant de puissantes scènes
dramatiques et la grande recherche instrumentale sont d'autres
ressemblances entre les deux maîtres. (Le Monde de la Musique -
novembre 1992)
Représentations :
Varsovie - Warszawska
Opera Kameralna - 18, 19, 20, 21
avril 2007 - Warsaw Chamber Opera Soloists Ensemble -
Zespól Instrumentów Dawnych barokowych -
Musicae Antiquae Collegium Varsoviense - dir. Kai Bumann -
décors Marlena Skoneczko - avec Slawomir Jurczak (Apollon),
Julita Miroslawska (Polymnie), Justyna Reczeniedi (Terpsicore),
Marta Wylomanska (Vénus), Miroslawa Tukalska (La
Vérité ), Justyna Reczeniedi (Les Vertus), Marta
Wylomanska (Tragédie), Jaroslaw Brek (Jephté),
Dorota Lachowicz (Almasie), Marta Boberska (Iphise), Slawomir
Jurczak (Phinée), Zdzislaw Kordyjalik (Ammon), Wojciech
Parchem (Abdon), Dariusz Górski (Abner), Marta Wylomanska,
Miroslawa Tukalska (Deux Israélites), Julita Miroslawska
(Elise), Justyna Reczeniedi (Une bergère) - Court Ballet
"Cracovia Danza"
Opéra de
Montpellier - 10 juin 1992 -
Théâtre du Châtelet - 12 juin 1992 - Théâtre de Caen - 13 juin 1992 - version de concert - dir.
William Christie - avec Jacques Bona (Jephté), Claire Brua
(Almasie), Sophie Daneman (Iphise), Nicolas Rivenq
(Phinée), Mark Padmore (Ammon)