Opéra-ballet en cinq actes, sur un livret de
Pierre Charles Roy, représenté le 5 juin 1732. Lors de
la création, les entrées étaient au nombre de
trois : l'Odorat, le Toucher, la Vue.
La distribution réunissait :
dans le Prologue : Mlle Eremans (Vénus),
Chassé (Jupiter) ;
dans L'Odorat : Mlle Le Maure
(Leucotoë), Mlle Antier (Clytie), Tribou (Le Soleil) ;
dans Le Toucher : Mlle Pélissier
(Laodamie), Mlle Julie (Proserpine), Tribou (Protésilas),
Chassé (Diomède) ;
dans La Vue : Mlle Le Maure (L'Amour), Mlle
Petitpas (Zéphire), Mlle Eremans (Iris), Dun (Aquilon).
Ballet ; Mlle Camargo, Mlle Mariette, Laval, Dumoulin,
dans une chorégraphie de Michel Blondy.
L'entrée la Vue obtint le succès
le plus marqué, comme l'indiqua le Mercure de juin :
Cet acte a paru un des plus piquants qu'on ait vu dans ce genre ;
on aurait souhaité que tous ceux qui forment ce nouveau Ballet
fussent sur le même ton.
Mlles Le Maure et Petitpas, qui personnifiaient l'Amour
et Zéphire soulevèrent l'enthousiasme : Jamais
exposition de Pièce n'a été si
généralement applaudie : les deux voix qui la font sont
des plus belles qu'on puisse entendre ; la première n'eut
jamais tant d'éclat, et l'autre a l'avantage de se soutenir
à côté de son inimitable concurrente et de
partager les suffrages avec elle. c'est surtout dans l'air
Enchantez mes regards, objets délicieux, que Mlle Le Maure eut
le plus grand succès : Le triomphe (de Mlle Le Maure)
est complet ; il semble que le Public n'ait des yeux et des
oreilles que pour elle.
Le 8 juillet 1732, une nouvelle Entrée,
L'Ouïe, remplaça Le Toucher, et fut
favorablement accueillie par le public. La distribution
réunissait : Mlle Pélissier (la Reine des
Sirènes), Mlle Eremans (Leucosie), Mlle Minier
(Parthénope), Dumast (Orphée), Chassé (Ulysse).
Ballet : Mlle Sallé.
Mlle Pélissier, dans le rôle de la Reine,
se précipitait dans les flots, à la fin de
l'entrée, avec une grâce qui inspira un madrigal :
Pélissier, flatteuse Sirène,
Non, jamais au Théâtre on n'a mieux
exxprimé
Le plasir, la douleur, la tendresse et la haine
;
En toi, jusqu'à la mort, tout paraît
animé ;
On dirait à te voir, dans les flots de
Neptune,
T'élancer, voler au trépas,
Qu'un Triton, à bonne fortune,
Va te recevoir dans ses bras.
On remarqua aussi Chassé dans le rôle
d'Ulysse.
Le 14 août 1732, une nouvelle Entrée,
Le Goût remplaça La Vue, avec Mlle Antier
(Erigone), Mlle Petitpas (Céphise), Tribou (Bacchus). Ballet :
Mlle Camargo, Mlle Mariettee, Dupré, Maltayre, Javilliers.
Les 24 et 29 septembre 1732, le Prologue et les trois
premières Entrées du Ballet des Sens furent
exécutés au Concert de la Reine à Fontainebleau.
Le 4 octobre, on donna les deux dernières Entrées du
Ballet qui fit autant de plaisir à la Cour qu’il en avait
fait sur le Théâtre de Paris. Les principaux
rôles furent chantés par les Demoiselles Courvasier,
Duhamel et Pitron, de la Musique du Roi, et par la Demoiselle
Petitpas qui chanta le rôle de l’Amour avec
applaudissements.
Le 13 mai 1734, l’acte de La Vue fut joué
avec Omphale, lors d’une représentation extraordinaire,
donnée pour la capitation des acteurs. Les Demoiselles Le
Maure et Petitpas y triomphèrent à nouveau dans les
rôles de l’Amour et de Zéphire.
En 1735, Le Triomphe des Sens fut
exécutée au concert de l'Académie des Beaux Arts
de Lyon. L'Opéra de Lyon le reprit en 1739.
Une reprise à l'Opéra eut lieu 17 mai
1740, avec Mlles Julie, Fel et Bourbonnais, et Le Page et
Bérard. Le Mercure écrivit : La Demoiselle Le
Maure chante toujours le rôle de l’Amour d’une manière
aussi inimitable que ravissante: ravissement que M. de Boissi a
exprimé en ces termes, en sortant de l’Opéra :
Je viens d’entendre enfin cette chanteuse
unique,
Qui pousse jusqu’aux cieux sa voix sans la forcer,
Qui ne connaît d’autre art que l’art de
prononcer,
Et qui n’a que le coeur pour Maître de
Musique.
Le 20 juin 1740, le spectacle fut donné à
la Cour avec les artistes de l’Opéra. Le 17 juillet, eut lieu
la dernière représentation à l’Académie
royale.
Une exécution de l'acte la Vue eut lieu
dans le Théâtre des Petits Appartements, à
Versailles, le 28 mars 1748, avec le ballet Érigone, et
le Prologue des Festes Grecques et Romaines. avec une
distribution réunissant Mme de Pompadour (l'Amour), Mme de
Marchais (Zéphire), Mme Trusson (Iris), M. de la Salle
(Aquilon). La marquise, qui avait été soufrante et
n'avait pas chanté depuis le 26 février, brilla dans ce
nouveau rôle. Roy avait ajouté quelques vers à sa
louange.
Une reprise de La Vue eut lieu le 30 mars, pour
la clôture de la seconde saison du Théâtre des
Petits cabinets, avec l'acte Cléopâtre des
Fêtes grecques et romaines de Colin de Blamont, et
Églé, de Lagarde.
Le marquis de Courtanvaux dansait en Berger, et dans
l'orchestre figuraient le prince de Dombes, fils de la duchesse du
Maine, au basson, M. de Dampierre et le marquis de Sourches à
la viole. Les danses étaient de la composition de Dehesse, les
habits faits sur les dessins de Peronnet, et les décorations
peintes par Perot.
Une troisième reprise du Ballet des Sens
à l'Opéra intervint le 27 avril 1751. Il y eut quinze
représentations consécutives jusqu'en juin, avec Mlle
Coupée, Mlle Romainville et Jélyotte dans la
première entrée, Mlle Chevalier, Chassé et
Poirier dans la deuxième, Mlle Fel, Mlle Coupée, Mlle
Romainville, Person dans la troisième.
Le Mercure de France commenta ainsi la reprise :
L'idée générale de ce Ballet a toujours
été trouvée très-ingénieufe ; mais
l'exécution de l'Acte de la Vue est fort fupérieure :
c'est un des morceaux du Théâtre lyrique, le plus
ingénieusement, le le plus agréablement
écrit.
La Musique est de feu Mouret, un des Musiciens les
plus gracieux que nous ayons eu. On a entendu avec un plaisir plus
marqué la sarabande du prologue, le récitatif de l'Acte
de l'Odorat, le divertissement devenu Vaudeville de L'Acte de
l'Ouïe, & l'Acte entier de la Vue.
Dans le premier Acte , le rôle de
Leucotoé est rempli par Mlle Coupée ; celui de
Clytie,par Mlle de Romainville, & celui du Soleil, par M.
Jeliote. Dans le second Acte, Mlle Chevalier fait le rôle de la
Reine des Syrènes, & M. de Chassé celui d'Ulisse.
C'est Mlle Fel qui est l'Amour dans le troisième Acte , Mlle
Coupée y est Zephire, & Mlle Romainviile, Iris. I.e Public
est content de la manière, donc les différens
rôles sont remplis : on les a trouvés bien
distribués, joués & chantés avec goût.
Celui de l'Amour attire la principale attention : Mlle Fel y a mis
tout le goût , toute la précision, tout le brillant dont
elle est susceptible. Mlle Coupée a bien de l'agrément
& des grâces dans le rôle de Zephire.
On a revu avec plaisir Mlle Lyonnois, qui n'avait
pas dansé depuis quinze ou dix-huit mois : elle partage les
applaudissemens du Public avec Mlles Lamy, Puvignée &
Vestris.
Les Connaisseurs sont contents de la manière
dont le Ballet est remis. Les habits & les décorations
sont de fort bon goût."
L'acte La Vue fut représenté le 2
mars 1763 devant le Roi et la Reine, à Versailles., avec Mlle
Larrivée (l'Amour), Mlle Laruette (Zéphire), Mlle
Dubois l'aînée (Iris), Larrivée (Aquilon).
Le 18 octobre 1770, l'acte La Vue fut
joué à Fontainebleau devant le Roi et la Reine, avec
Sophie Arnould, Mlle Rosalie, Mlle Dubois l'aînée. parmi
les danseurs figuraient Vestris et Mlle Guimard.
Le ballet donna lieu à deux parodies : Le
Procès des Sens, de Fuzelier, jouée par les
Comédiens français, le 16 juin 1732, et La
Réconciliation des Sens ou l'Instinct de la nature, d'un
auteur anonyme, jouée par l'Opéra-Comique à la
foire Saint-Laurent, le 28 juillet 1732.
Prologue
Vénus vient plaider devant l'assemblée
des dieux en faveur des mortels assujettis aux infirmités de
la vie et à la fatalité de la mort. Jupiter se refuse
à leur donner l'immortalité qui les rendrait semblables
aux dieux, mais consent à leur donner un usage agréable
des sens.
L'Odorat
Dans les jardins des rois de Babylone. Clytie, reine de
Babylone, se plaint de l'inconstance du Soleil, qui, après
l'avoir aimée quelque temps, a porté son choix sur
Leucotoë, sa soeur. Enone, sa confidente, lui
révèle que le Soleil a formé le dessein de
rendre sa rivale immortelle. Folle de rage, Clytie décide
d'empoisonner sa soeur.
Leucotoë reproche au Soleil de la quitter si
tôt, mais se console en apprenant que ce dernier va
préparer son immortalité.
La reine Clytie propose à sa soeur de la
rejoindre au temple afin de s'y jurer mutuellement une amitié
éternelle. Puis elle laisse libre cours à sa jalousie
et son désir de vengeance.
Le Soleil descend et éclaire la scène.
Divertissement des Heures. Le Soleil s'aperçoit trop tard de
l'absence de Leucotoë. Celle-ci sort du temple pour mourir dans
ses bras. Elle est immortalisée en l'arbre portant
l'encens.
Le Toucher
Laodamie, femme de Protésilas, se lamente dans
le temple de Proserpine devant la statue qu'elle a fait élever
à la mémoire de son époux, mort à la
guerre. La déesse, touchée de la fidélité
de cette épouse exemplaire, rend la vie à la statue.
Les Ombres heureuses de la suite de Proserpine forment le
divertissement.
La Vue
Une vaste campagne bornée de coteaux fleuris.
L'Amour, en ouvrant les yeux, donne ses premiers regards à
Iris. La cour de Flore fait le divertissement.
L'Ouïe
Dans l'Île des Sirènes. Les Grecs
ont abordé le rivage de l'île enchantée et
Orphée presse Ulysse de fuir afin de s'arracher aux
pièges tenus aux mortels par les Sirènes. Mais Ulysse
tient à vaincre ces monstres dangereux et envoie Orphée
rassurer les Grecs. La voix mélodieuse de la Reine des
Sirènes se fait entendre ; elle aime Ulysse et le supplie de
fuir pour échapper au supplice qui l'attend
inévitablement. Elle consent à le suivre, et s'engage
à préparer leur fuite. Les Sirènes apparaissent
alors pour enchanter et endormir Ulysse et forment le Divertissement.
mais Orphée revient, et après avoir, par ses chants,
rompu le charme des sirènes, il fait enlever et transporter
Ulysse endormi sur son vaisseau ; les Grecs lèvent l'ancre, et
lorsque la Reine reparaît, elle voit s'éloigner leurs
vaisseaux. Désespérée elle se précipite
dans les flots.
Le Goût
Erigone, fille de Jupiter, hésite sur le choix
d'un époux. Secondé par Jupiter, Bacchus obtient la
préférence. La Suite de Bacchus forme le
Divertissement.
115me Opé. Il est composé de
cinq Actes ou entrées, dont les paroles sont de Roy, & la
musique de Mouret, fut représenté pour la premiere fois
le 5 Juin 1732, & est gravé partition in-4°. Le
Prolo. se passe entre Jupiter, Vénus & Mercure. On a
repris cet Opéra en 1740 & 1751. Le sujet de la premiere
entrée est Leucotoé changée, par le Soleil son
Amant, en l'arbre qui produit l'encens, ce qui caractérise
l'ODORAT. Le TOUCHER, seconde entrée, est
caractérisé par la tendresse que Léodamie
conserva pour Protésilas, Roi de Mégare, péri au
siege de Troye, qui l'engagea à ne point quitter sa Statue
& à l'embrasser continuellement, ce qui toucha si fort les
Dieux, que Proserpine ramena des Enfers un Epoux si regretté.
La fable de la troisieme entrée, ou la VUE, est Isis qui
caractérise les couleurs, & l'Amour qui
dépouillé de son bandeau lui donne ses premiers
regards. L'OUIE est peint par les Syrenes, qui attirent Ulysse &
Orphée, La cinquieme entrée enfin est remplie par
Bacchus qui prend la forme d'une grape de raisin pour posséder
Erigone, ce qui caractérise le GOUT. Voici la critique qu'on
fit à ce Ballet à l'Opéra-Comique, dans le
Prologue des Désespérés :
Comment donc, à ce que je vois,
Il est bien mal dans son Harnois ;
Il est sourd comme une Statue ;
Le Goût, le toucher, l'odorat
Chez lui sont en mauvais état ;
Il n'a rien de bon que la vue. (de Léris - Dictionnaire des
Théâtres)