Premier opéra
composé par Pergolèse, entre 1731 et 1732, sur un
livret en trois actes de S. Morelli, d'après Alessandro Severo
d'Apostolo Zeno. Il fut créé, sans beaucoup de
succès, au teatro San Bartolomeo de Naples, en janvier 1732.
Le castrat soprano Nicoli
Grimaldi, dit Nicolino, avait été pressenti mais mourut
de maladie pendant les répétitions, le
1er décembre 1732. Il fut remplacé par
Gioacchino Conti, dit Giziello.
Argument
Sallustia, épouse
d'Alexandre Sévère, est calomniée par sa
belle-mère, la jalouse Julie. Celle-ci cherche à
convaincre son fils de la répudier. Adrien, père de
Sallustia, tente de tuer Julie. Il est condamné à
être jeté aux fauves, mais parvient à tuer le
léopard qui s'apprêtait à le dévorer.
Julie lui pardonne et les époux se réunissent.
(Dictionnaire chronologique de l'Opéra - Le Livre de
Poche)
Montpellier, Opéra
Comédie - 27, 28 juillet 2008 - Festival de
Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon - Jesi, Teatro Pergolesi - 5, 7 septembre
2008 - La Cappella della Pietà de' Turchini - dir. Antonio
Florio - mise en scène Jean-Paul Scarpitta - avec Maria
Ercolano (Salustia), José Maria Lo Monaco (Alessandro),
Marina de Liso (Marziano), Raffaella Milanesi (Giulia), Cyril
Auvity (Claudio), Valentina Varriale (Albina) - coproduction
Festival Radio France et Montpellier Languedoc Roussillon -
Fondazione Pergolesi Spontini - Opéra National de
Montpellier Languedoc Roussillon
"Salustia aime sans mesure.
Elle semble solliciter toute sa mémoire, sa finesse et son
imagination devant la destinée et en particulier devant son
rôle au côté de son époux, l’empereur
Alessandro. Jamais elle ne juge, toujours comprend, parfois
s’émerveille. Elle est en quelque sorte la clairvoyance,
l’égalité d’âme, le don des larmes, la
générosité, le dévouement, le sacrifice,
le silence, le courage jusqu’à la mort. Sa
détermination est d’empoigner tout ensemble ces regrets, ces
remords et ces questions.
Une mise en scène qui
s’inspire des manifestations du cœur, une mise en scène qui
doit le réjouir afin de restituer la lumière d’une
présence que l’on rencontre si rarement dans la vie et en
rendre grâce. Connaître quelqu’un est une tâche
infinie, si limitée. Les actes, les paroles, les silences
peuvent être racontés, interprétés… les
pensées sont inaccessibles. Ce qui est le plus important n’est
pas ce que pense Salustia mais ce qu’elle donne à penser. La
connaître c’est l’aimer bien sûr, mais aussi s’aimer
soi-même d’une humanité capable de tant de bonté.
Une bonté souvent mise à l’épreuve tout au long
de l’opéra dans une Rome, presque énigmatique, remplie
de vanité, de pouvoir, de duplicité.
L’Histoire, les femmes le
savent toutes, reste l’apanage officiel des hommes ; pour se glisser
dans ses rouages sans être broyée il faut feindre,
ruser, se créer des alliés puissants, distribuer des
faveurs, séduire, corrompre, punir et savoir, quand il le
faut, sortir de scène. En cela, Salustia est une femme
d’aujourd’hui. De nos jours, l’ignorance n’est-elle pas grandissante
? La vulgarité n’est-elle pas envahissante ? Tout
présuppose le vide, la faiblesse masculine… les mâles
sont au plus bas, leur bassesse animale remonte. Salustia est-elle
une victoire ? Oui, car il n’y a pas de calcul en elle. Seule la
pensée compte. Elle nous dit de ne pas nier ni rejeter ce que
nous sommes : des êtres pensants…
Autour d’elle les personnages
s’animent et se confrontent : l’impératrice Giulia, Albina,
Claudio et son père Marziano. Ils ont tous des
caractères forts, et sont tantôt esclaves de
l’apparence, du conformisme et de leur ego… Ils ne sont pas
inanimés. L’intrigue se crée sous nos yeux et nous
révèle l’ambiguïté de ce que nous sommes.
C’est le premier opéra que Pergolese a composé. Sa
musique d’une grande force d’expression, annonciatrice de beaux
moments, nous guide : la musique d’un tout jeune homme qui exprime la
poésie qui pense et se déploie... une manière de
tenir en éveil sa pensée et sa réflexion."
(Présentation du metteur en scène)
Classique.news
"Giovanni Battista Pergolesi
compose son premier opéra Salustia en 1731. Le castrat
Nicolino, star du chant napolitain d’alors qui devait créer le
rôle-titre décéda peu de temps avant la
création et l’ouvrage ne fut probablement jamais joué
du vivant du compositeur italien. Première et
résurrection annoncée comme un événement
par le Festival de Montpellier, l’œuvre dans sa forme
dépouillée scénographiée par Jean-Paul
Scarpita, bien peu inspiré par l’opéra baroque du
Settecento, se révèle néanmoins, malgré
des coupes maladroites qui affectent surtout les superbes arias,
moins le tunnel des récitatifs souvent longs et ennuyeux
(faute aux interprètes qui manquent souvent d’intelligence
théâtrale et d’articulation ciselée) ?). Caprice
du metteur en scène, en décalage avec l’action
originelle et sa pureté tragique, la pluie qui corrompt la
lisibilité du troisième acte (voix et orchestre
couverts par le crépitement de la matière liquide) ;
mais l’aspect visuel ne manque pas de piquant, en permettant aux
danseurs, en second plan, de dévoiler leur nudité
antique, rappelant la poésie des peintres classiques dont les
corps peints, sculptés dans la lumière,
réactivent le canon de l’idéal de la Renaissance.
Antonio Florio et sa Cappella de’Turchini savent exprimer la
rhétorique expressive du premier théâtre musical
de Pergolèse, avec une attention aux mots, à la
puissance invocatoire du texte, ce que n’offre pas l’opéra
suivant du compositeur, Adriano in Siria, qui s’inscrit davantage
dans le moule des opéras napolitains, où la performance
vocale concurrence Haendel à Londres et Vivaldi à
Venise. Déjà mise en avant dans la Statira de Cavalli,
Maria Ercolano égratigne en permanence la pure vocalità
du rôle-titre en particulier à cause de son vibrato
envahissant et une ligne musicale en déséquilibre. A
suivre, les sopranos Valentina Variale (Albina) et Raffaella Milanesi
(Giulia), surtout la mezzo Marina De Liso (Marziano) :
tempérament, ardeur, fougue musicale et solidité
technique. Tout n’est guère convaincant dans cette production
défricheuse mais en faisant son tri, le spectateur amateur
d’opéra baroque, y détectera quelques perles qui
rendent le spectacle finalement captivant."
Opéra Magazine - 28 juillet 2008
"Pergolèse a 21 ans lorsqu’en 1731, il compose
Salustia pour le Teatro di San Bartolomeo de Naples. Un oratorio, La
Fevice sul rogo, et un drame sacré en trois actes ont
déjà attiré l’attention sur son jeune talent.
Pour son premier opera seria, il dispose d’un sujet adapté
d’un drame d’Apostolo Zeno. Alessandro Severo, qui, aux temps
agités de la décadence romaine, relate la
rivalité entre Giulia, la mère de l’empereur, et
Salustia. son épouse. Rien de très original dans cette
histoire de complots autour du pouvoir mais l’opportunité,
pour le musicien, de démontrer l’originalité de son
talent et l’orientation de ses recherches. La distribution vocale
qui, à l’origine, devait reposer surtout sur le
célèbre castrat Nicolino (Nicola Grimaldi),
réserve une place de choix à la redoutable Giulia. Mais
c’est à Salustia, héroïne exemplaire, parée
de toutes les vertus de dignité et de sacrifice, que
Pergolèse destine ses plus belles pages. Des airs tels que
« Sento un acerbo duolo » ou « Per queste amare
lagrime » annoncent ainsi les moments les plus
pathétiques du Stabat Mater.
Antonio Florio et on Cappella
della Pietà de’ Turchini sont suffisamment familiers de ce
type de répertoire pour dégager immédiatement ce
qui en fait la séduction. A ce qui pourrait apparaître
comme une architecture trop pompeuse et sans grande fantaisie, ils
savent apporter une vie de tous les instants, un frémissement
et une passion qui, aussitôt, illuminent le marbre d’une
construction monumentale. On ne s’ennuie pas, bien au contraire, et
cela tient également à la qualité des
interprètes, formés eux aussi à une telle
discipline. On remarque en particulier Maria Ercolano qui
réussit à traduire la grandeur touchante de Salustia
grâce à un chant d’une tenue exemplaire, où
l’émotion la plus pure vient teinter agréablement la
rigueur des lignes.
A un même niveau
d’excellence, José Maria Lo Monaco et Marina De Liso apportent
leurs sombres couleurs et leur invention belcantiste aux rôles
travestis d’Alessandro et de Marziano. Raffaella Milanesi n’a pas
tout à fait l’ampleur et les éclats terribles que l’on
pourrait attendre pour Giulia mais, scéniquement autant que
vocalement, son personnage n en existe pas moins avec force.
Valentina Varriale traduit avec justesse le dépit amoureux
d’Albina. Au sein de cette distribution entièrement italienne,
il n’y a guère que Cyril Auvity pour nous décevoir
quelque peu, avec une émission sans souplesse et un registre
aigu plutôt terne.
La mise en scène
deJean-Paul Scarpitta s’en tient à un prudent classicisme, en
évitant avec raison tout ce qui pourrait couper trop nettement
la Salustia de Pergolèse de l’époque qui l’a vue
naître. C’est à peine si quelques allusions laissent
deviner une lecture plus libre de ce que pouvaient être
certaines affinités sexuelles dans la Rome antique. De beaux
jeunes hommes en jupette complètent ainsi la décoration
de ces tableaux vaguement inspirés de Poussin, qui se
succèdent sur fond de collines doucement mamelonnées ou
de mer démontée. Il pleut beaucoup sur le plateau, en
particulier pendant toute la seconde partie de l’ouvrage. Le
troisième acte s’ouvre d’ailleurs dans une ambiance visuelle
évoquant les thermes de Rome. Hommes entre eux et femmes entre
elles, à peine vêtus de maillots couleur chair, se
frôlent ou se caressent sous une douche commune. La
décadence romaine se résume ainsi à des images
bien sages et l’on ne s’offusque guère de voir Claudio
abandonner son amante au bénéfice d’un solide
giton."