COMPOSITEUR
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Jean-Philippe RAMEAU
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LIBRETTISTE
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Louis de Cahusac
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DATE
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DIRECTION
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EDITEUR
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NOMBRE
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LANGUE
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FICHE
DETAILLEE
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1995
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Nicholas McGegan
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Harmonia Mundi
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2
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français
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Pastorale
héroïque en trois actes, dit "Opéra pour la Paix",
commandé par l'Académie royale à Rameau pour
célébrer la paix d'Aix-la-Chapelle, qui avait mis fin
à la guerre de Succession d'Autriche. Il ne fut terminé
qu'un an après la signature du traité, et
représenté à l'Académie royale de
musique, le 22 avril 1749.
La distribution (quatre dessus,
trois heutes-contre, cinq basses) réunissait : Le Page
(Jupiter), La Tour (Neptune), Person (Pluton) et Mlle Coupée
(Flore) pour le prologue, Mlle Fel (Naïs), Jélyotte
(Neptune), Person (Palémon), Chassé
(Télénus), Poirier (Astérion), Le Page
(Tirésie), Mlle Coupée (Une Bergère), Mlle
Puvignée (Une Bergère chantante eet
dansante).
Le prologue, intitulé
l'Accord des dieux, représente l'assaut de l'Olympe par des
Titans et des Géants, leur défaite et le partage de
l'empire par Jupiter magnanime, avec Neptune et Pluton. Jupiter
personnifie Louis XV, Neptune George II. La mise en scène de
la bataille fut particulièrement spectaculaire. Elle contribua
au succès de l'oeuvre qui connut soixante-dix
représentations.
Le livret lui-même a pour
sujet l'amour de Neptune pour la nymphe Naïs, fille du devin
aveugle Tirésie. Le dieu lui fait la cour incognito et
triomphe d'un roi et d'un berger. Il emmène Naïs sous
l'onde, où dans le palais sous-marin, les divinités
fêtent le retour de noces.
Reprise le 7 août 1764. A
cette occasion, Bachaumont note que l'ouverture et le prologue ont paru de la plus grande
beauté. La décoration est magnifique et les vastes
travaux des Géants qui entassent des rochers, sont
exprimés de façon sublime. On atrouvé mesquine
la petite fusée avec laquelle Jupiter foudroie ces audacieux.
Il fallait déployer tout le terrible d'un tonnerre majestueux.
Quant au ballet, les paroles en ont toujours passé pour
misérables ; elles sont égayés par une multitude
de danses, dans lesquelles paraît successivement tout ce que
l'opéra a de plus brillant en ce genre. Le Sieur Le Gros fait
le rôle de Neptune déguisé en amoureux de
Naïs. Sa belle s'y soutient avec la plus grande admiration, il
continue à donner de très beaux sons ; attendons
patiemment que son âme puisse animer son organe
délicieux.
Opéra pour la Paix.
C'est le 156me des Opéra François. Les paroles sont de
Cahusac, & la musique de M. Rameau. Il fut
représenté pour la premiere fois le 22 Avril 1749,
& est gravé partition in-4°. Le Prologue,
intitulé l'Accord des Dieux, est relatif à la Paix qui
venoit de calmer l'Europe, & représente les Titans vaincus
par Jupiter & les autres Dieux. Le sujet de la piece, qui est un
Ball. en 3 Ac. est l'amour de Neptune pour Naïs, dont la voix
& les traits enchanteurs sont célébrés dans
la Fable, & qui a donné le jour à ces Nymphes des
eaux qui ont été appellées Nayades : les Jeux
Isthmiques, qu'on célébroit auprès de Corinthe
en l'honneur de Neptune, font une partie du spectacle de cet ouvrage,
qui eut du succès. (de Léris - Dictionnaire des
Théâtres)
"Naïs semble être exactement fait pour
proroger à l'envi les lieux communs sur les ouvrages lyriques
de Rameau : la musique est passionnante - et souvent même
géniale - mais sur des livrets impossibles, l'écriture
instrumentale est captivante mais souvent trop décorative.
Même un ramiste invétéré est
obligé, pour une fois, de se rendre par-tiellement à
ces arguments. "Opéra pour la paix" (celle d'Aix-la-Chapelle,
qui mit fin à la guerre de Succession d'Espagne), Naïs
est affublé d'un livret bien faible de Louis de Cahusac,
lequel fournit pourtant àRameau ceux, excellents, de
Zo-roastre et des Boréades. Mais peut-être une
représentation idoine - c'est-à-dire avec toute la
spectaculaire machinerie nécessaire - de ce pur divertissement
ferait-elle changer d'avis sur ce livret. Pourtant, quelle admirable
musique ! Une ouverture, qui - chose nouvelle - est
déjà dans le Prologue de l'ouvrage, puisqu'elle y
intègre le choeur des Titans et des Géants, et qui
offre de stupéfiants accords des danses génialement
caractérisées ; une sonorité orchestrale
dominée par les bassons pépiant dans l'aigu ; enfin,
des airs enchanteurs, tour à tour mélancoliquement
tendres et puissamment majestueux." (Opéra International -
juillet/août 1995)
Personnages : Naïs, Nymphe du Sang de Tirésie ;
Neptune ; Palémon ; Télénus, Chef des Peuples de
Corinthe, amant de Naïs ; Astérion, Chef des Pasteurs de
l'Isthme, amant de Naïs ; Tirésie ; une Bergère ;
Bergère chantante et dansante
Synopsis
Prologue - L'Accord des Dieux
Les Airs. On voit sur la terre
les Titans et les Géants quqi entassent les monts pour
escalader les cieux. Ils sont conduits par la Discorde et la Guerre.
Dans les airs, on découvre Jupiter armé du foudre, et
entouré des dieux du ciel.
L'Ouverture est un bruit de
guerre qui peint les cris et les mouvements tumultueux des Titans et
des Géants.
Sc. 1 - Escomptant vaincre
Jupiter et les autres dieux, les Titans et les Géants
commencent à prendre les cieux d\92assaut. Les dieux du ciel
prie Jupiter de faire éclater la foudre dont il est
armé pour terrasser les envahisseurs.
Le théâtre
paroît en feu. Le tonnerre gronde, la foudre éclate,
elle terrasse les Titans, et renverse sur les Géants les monts
qu\92ils avaient entassés. Neptune, Pluton, et les Dieux de leur
suite viennent en foule sur le théâtre, et
achèvent de renverser cette troupe rebelle.
Sc. 2 - Pluton se saisit de la
Discorde et de la Guerre. et les enchaîne. Jupiter
déclare ne pas s\92être battu uniquement pour soumettre
les dieux qui l\92entourent sous son joug. Magnanime, il décide
de partager l\92Univers avec Neptune et Pluton : Neptune prendra
possession de "l\92Empire des Mers".
Sc. 3 - Pluton règnera, et
tiendra enchaînées la Discorde et la Guerre, au centre
de la Terre.
Sc. 4 - Jupiter étendra
son hégémonie sur l\92Espace, le Ciel et la Terre.
Sc. 5 - Au cours d\92un
divertissement organisé en l\92honneur de Jupiter, la
déesse Flore, assistée de Zéphyre et de ses
nymphes, annonce le retour de la paix. Sous ses pas, on voit
renaître les fleurs et la verdure. Sarabande - Gavotte -
Rigaudons.
Ballets : Pan, Pomone, Vertumne,
Zéphyre, Quadrilles des Peuples de la Terre
Acte I
Au lever du jour, sur le
rivage de l\92isthme de Corinthe, où les Jeux de l\92Isthme
doivent prochainement avoir lieu.
Sc. 1 - Neptune, paré d\92un
habit grec, accompagné de son compagnon Palémon
déguisé comme lui, confie son trident à
Protée.
Sc. 2 - Il révèle
à Palémon être amoureux, et avoir changé :
ce dieu, jadis des plus volages, avoue être devenu d\92une
fidélité infaillible.
Sc. 3 - On entend Naïs, sans
la voir, exhortant la foule à s\92assembler en prévision
des jeux.
Sc. 4 - Neptune explique à
Palémon comment la voix mélodieuse de la jeune fille
l\92a attiré pour la première fois et comment cette
rencontre antérieure a éveillé en elle les
premiers élans amoureux. Palémon lui suggère
d'apparaître durant les Jeux dans sa divinité, mais
Neptune préfère courtiser la nymphe en masquant sa
véritable identité.
Sc. 5 - Naïs, qui se croit
seule, chante aux oiseaux.
Sc. 6 - Apparaît Telenus,
le chef des guerriers corinthiens, qui exhale son amour. Naïs
repousse ses avances, en lui demandant de ne pas troubler les Jeux.
Sc. 7 - Naïs ne prête
non plus aucune attention aux flatteries de son autre soupirant,
Astérion, chef des bergers de l\92Isthme. S\92étant
entre-temps rassemblés, les spectateurs et les concurrents
vantent en choeur les mérites du Dieu des Mers, car les jeux
sont offerts en l\92honneur de Neptune. Naïs, placée sur un
trône, les préside.
Ballet - Dispute du Prix du
Ceste, de la Lutte, et de la Course. Ce ballet commence par six
Athlètes qui viennent disputer le prix de la Lutte. Ce pas est
coupé par deux nouveaux Athlètes, qui disputent le prix
du Ceste. Il en survient un troisième qui défie au
combat tous les autres. Ceux-ci le refusent : il danse
fièrement son entrée. Une quadrille de jeunes Grecques
paraît et dispute le prix de la Course. La Lutte reprend
ensuite. Le premier Athlète se présente une seconde
fois ; personne n\92ose le combattre il danse une seconde
Entrée, et Naïs le couronne.
Ballet : Athlètes pour la
lutte, Athlètes pour le Ceste, Pour le Jeu de la
Course
Une symphonie brillante se
fait entendre. On voit sur la Mer des Barques légères
et galantes, leurs voiles de plusieurs couleurs volent au gré
des Zéphirs. Les Divinités de la Mer, deguisées
en Matelots de diverses Nations, paraissent sur ces Barques.
Protée et Palemon déguisés, sont à leur
tête. Tous ces Peuples portent des rameaux d\92or, des perles,
etc.
Sc. 8 - Les divinités
débarquent, Neptune déguisé à leur
tête. Naïs cache son trouble et interroge les nouveaux
arrivants. Neptune répond par des compliments galants qui
mortifient son rival, Telenus.
Ballet - Les Divinités des
Mers déguisées, distribuent les richesses dont elles
sont chargées aux Peuples qui sont en scène. Puis elles
disputent le prix de la Danse. Telenus, excédé, sort.
Sc. 9 - Le ballet de la dispute
de la Danse reprend : il peint par un pas de trois, les jeux badins
et légers que l\92amour inspire dans le bel âge. L\92acte
s\92achève sur un nouveau choeur donné en hommage au Dieu
des Mers.
Divertissement : Divinités
des Mers, déguisées en Matelots
Acte II
Le fond du
théâtre représente une montagne coupée de
bois, de cascades naturelles, de routes fleuries, etc. Au pied on
voit l\92entrée d\92une Grotte : les deux côtés sont
des arbres sans symétrie dont les branches touffues forment
des berceaux de feuillage.
Sc. 1 - Face à la grotte
de Tirésias, le devin aveugle (et père de Naïs),
Neptune déclare à la nymphe l\92amour qu\92il lui porte,
sans toutefois révéler son identité. Elle le
repousse avec brusquerie, et le prie de la laisser.
Sc. 2 - Restée seule,
Naïs savoure les sensations nouvelles que Neptune a
déclenchées en elle.
Sc. 3 - Venu s\92excuser de
l\92accès de jalousie dont il a fait montre
précédemment, Telenus constate que Naïs s\92est
déridée. Celle-ci le laisse et pénètre
dans la grotte de Tiresias.
Sc. 4 - Telenus s'interroge sur
les sentiments de Naïs à son égard, et voit des
présages flatteurs dans son changement d'attitude.
Sc. 5 - Astérion,
escorté des bergers de l\92Isthme, survient sur ces entrefaites,
en vue de demander à Tirésie de prédire quel
homme épousera plus tard Naïs.
Sc. 6 - Tiresie sort de la grotte
s'appuyant sur le bras de Naïs. Les bergers acclament le
vieillard par des chants et des danses, et lui offrent des fruits et
des fleurs. Une jeune bergère consulte le devin sur le berger
qu'elle adore.
Ballet - Une seconde
Bergère veut s\92approcher de Tirésie, elle en est
écartée par deux Pastres, qui lui coupent le chemin, et
qui veulent se faire écouter avant elle ; les Bergers les
éloignent, elle approche, et elle interroge à son tour
le devin. Astérion, enfin, s\92inquiète de savoir si
Naïs, dont le coeur reste de glace, s\92éprendra un jour de
lui. Lorsque les oiseaux juchés dans les arbres voisins
s\92éveillent, Tirésie (qui a l\92art d\92interpréter
leur chant) répond qu\92un étranger conquerra le coeur de
la nymphe et que les deux prétendants devraient plutôt
se méfier du Dieu des Mers.
Sc. 7 - le Choeur s'effraie de la
prédiction du devin.
Sc. 8 - Telenus et
Astérion s\92apprêtent à implorer Neptune, et
affronter leur rival inconnu.
Ballet : Bergers et
Bergères
Acte III
Le devant du
théâtre représente un promontoire, dont la mer
baigne le pied. Les deux côtés sont couverts d\92orangers,
de mirthes et de citronniers. La perspective du fond, est la mer et
l\92horizon. On y voit à la rade les barques brillantes qui ont
paru aux Jeux Isthmiques. L\92acte commence sur la fin de la nuit, et
le théâtre s\92éclaire d\92une manière
insensible pendant la première scène.
Sc. 1 - Neptune - seul et
toujours déguisé - contemple l\92apparition imminente de
l\92aube tout en méditant sur son amour pour Naïs.
Sc. 2 - Inquiète, la
nymphe rejoint celui qu'lle prend pour un étranger pour
l\92avertir du complot ourdi par ses adversaires. On entend des cris
affreux.
On découvre sur la mer
des vaisseaux qui voguent à pleines voiles vers les barques
légères qui ont paru aux Jeux Isthmiques, et qui sont
à la rade. Telenus et Asterion avec leurs suites, y
paraîssent armés et avec des torches
ardentes.
Sc. 3 - Mais lorsque Telenus et
Astérion abordent les vaisseaux de Neptune pour y mettre le
feu, Neptune soulève les flots, et les deux hommes sont
engloutis par des vagues gigantesques avec leurs vaisseaux.
Sc. 4 - Affolée, Naïs
rapporte l\92oracle au « jeune étranger » et lui
conseille de se prémunir contre le Dieu des Mers. Neptune
attendait cet instant pour se démasquer. La terre s'ouvre : le
jeune couple, escorté de divinités marines, rejoint le
palais sous-marin du dieu.
Sc. 5 - Après que Nais et
Neptune se soient déclarés leur amour
réciproque, les divinités acclament leur nouvelle
déesse et organisent un divertissement en l\92honneur des deux
amants comblés, conduit par Protée. Tambourins -
Contredanse.
Ballet : Basques et autres
Habitants des Côtes maritimes
(d'après le livret
Erato)
Représentations :
- Cité de la
Musique - 6 avril, 2 juin 2011 -
Les Lucs sur Boulogne (85) -
Historial de la Vendée -
19 juillet 2011 - Choeur du Marais - La Simphonie du Marais - dir.
Hugo Reyne - avec Mireille Delunsch (Naïs), Mathias Vidal
(Astérion), Matthieu Heim (Palémon), Arnaud
Marzorati (Télénus), Alain Buet (Tirésie),
Jean-Paul Fouchecourt (Neptune), Dorothée Leclair
(Flore)
- Muse baroque - Un Rameau
d'olivier
"Pastorale
héroïque en trois actes, dit "Opéra pour la Paix",
Naïs fut commandé par l'Académie royale de Musique
à Rameau pour célébrer la paix
d'Aix-la-Chapelle, qui mit fin à la guerre de Succession
d'Autriche. L'\9Cuvre fut représentée à
l'Académie royale de musique, le 22 avril 1749, un an
après la signature du Traité avec des décors
grandioses, tout comme lors de la reprise de 1764. Disons-le
d'emblée, le souci de cette \9Cuvre réside dans
l'extrême faiblesse du livret de Cahusac (pourtant ce
même librettiste nettement plus inspiré fournit ceux de
Zoroastre ou des Boréades) et la pauvreté du langage
("Venez tous, venez m'apprendre / Le sort qu'auront vos soupirs. /
Ouvrez-moi votre c\9Cur, le mien à vous entendre / Retrouve
encor le charme des désirs." Tirésie, II,6),
conjuguée à une progression dramatique
quasi-inexistante met à mal l'attention des auditeurs,
d'autant plus que l'\9Cuvre est proposée en version de concert.
Et si le prétexte de l'intrigue est l'amour de Neptune pour la
nymphe Naïs, fille du devin aveugle Tirésie, force est
d'avouer que l'on a tout de même du mal à se figurer
comment Naïs donna lieu au nombre impressionnant de 70
représentations à l'époque.
Il faut clairement disculper
Hugo Reyne du succès mitigé de la représentation
: ce n'est pas la faute du chef si près d'un quart du public
s'est échappé entre l'entracte et la fin de la
pastorale, mais bien celle du coupable auteur, et ce défaut
structurel rend méritoire la tentative de réveiller les
charmes ramistes. Car la musique est belle. Belle à l'instar
de ce Prologue "l'Accord des Dieux" et son Ouverture surprenante,
inventive et colorée, loin des habituelles et majestueuses
notes inégales. Audacieuse avec un usage du basson, un art de
la couleur et du mouvement consommés, auxquels la Simphonie du
Marais rend pleinement justice tout au long de plus de 2h30. Les
danses, opulentes, rythmées, fonctionnelles, sont superbement
rendues, avec un sens de la mélodie et un naturel confondant.
De même, le Choeur du Marais exalte avec jubilation la gloire
du monarque, qu'il s'agisse de la grande page monumentale "Attaquons
les cieux, / Bravons le tonnerre" (I,1) ou du dramatique "Quel Oracle
! O Neptune ! O fatale colère." (II,7) plein d'urgence et de
fureur. Hélas l'écriture de Rameau virevolte, butine,
tourbillonne et ne refuse de s'appesantir sur un climat ou de
bâtir d'amples scènes hypnotiques à la
manière d'un Lully ; le compositeur juxtapose ainsi les
mouvements, fragmente le discours ce qui nuit ultimement à
l'unité de l'\9Cuvre, dont on aura bien du mal à citer
les passages-phares, tant les combats tant attendus sont
démêlés rapidement, dépêché
d'une plume distraite et alerte.
Les récitatifs et
ariosos, nombreux, sont interprétés avec justesse et
souplesse. Toutefois, à l'exception d'un Jean-Paul
Fouchécourt superlatif et totalement impliqué dans son
rôle ( cf. air final "Cessez de ravager la terre"), le reste de
la distribution se révèle nettement moins
théâtral et déclamatoire. Si Mireille Delunsch -
bien échauffée à compter du second acte - a
délivré un touchant monologue "Dois-je le croire ? Ah !
Dieux !" (II,2) de son soprano sensible et nuancé, Alain Buet
vibrant et imposant n'a pas su rendre pleinement l'éclat
tragique de la scène de la prophétie. Le trio Arnaud
Marzorati, Mathias Vidal et Matthieu Heim, stylistiquement impeccable
et au chant élégant peine enfin à
émouvoir en raison d'un certaine distance parfois presque
ironique.
Hugo Reyne dirige l'ensemble
avec équilibre, insistant sur la richesse de
l'écriture, caressant les combinaisons instrumentales,
laissant respirer une \9Cuvre qui sans sa pompe et son apparat visuel
pourrait être damnée. Et malgré les faiblesses
inhérentes ¨la construction de Naïs elle-même,
malgré la coupable médiocrité de Cahusac (oui,
osons vilipender un mort, bien que le principe soit des plus
méprisables), malgré la fébrilité trop
sautillante de Rameau, l'on quitte l'amphithéâtre le
sourire aux lèvres, après un bis endiablé
où le public a scandé en applaudissements la danse du
Grand Calumet de la Paix..."
"Pauvre Naïs ! Cette
\9Cuvre, sous-titrée « Opéra pour la Paix » car
commandée pour célébrer la paix d\92Aix la
Chapelle de 1748, ne fut prête que l\92année suivante
à un moment où les consciences commençaient
à se rendre compte de l\92inanité de ce traité qui
avait mis fin à la guerre de Succession d\92Autriche et à
la double alliance franco prussienne d\92un côté,
austro-anglaise de l\92autre. Les Français, déçus
du peu de résultats matériels obtenus, avaient
forgé l\92expression « s\92être battus pour le roi de
Prusse ». C\92est dire si la paix avait déjà
mauvaise presse ! Néanmoins, l\92opéra de Rameau fut un
franc succès avec trente-quatre représentations en la
seule année 1749, puis trente-trois en 1764 pour une reprise
donnée à l\92occasion d\92une autre paix, elle franchement
désastreuse, signifiée par le traité de Paris
l\92année précédente. Depuis, Naïs est
tombée dans l\92oubli et ce n\92est certes pas le médiocre
enregistrement dirigé par Nicholas McGegan dans les
années 1980 qui pouvait nous satisfaire. On attendait donc
beaucoup de cette nouvelle version due à Hugo Reyne et sa
Simphonie du Marais, solides artistes auxquels nous devons tant de
belles découvertes (Lully, Francoeur, Rebel). Hugo Reyne crut
bon d\92intervenir à deux reprises, en ne faisant que
répéter ce que la note de programme nous disait
déjà fort bien, avant et après le Prologue. Il
est vrai que rarement dans l\92opéra français baroque,
une telle césure de ton entre Prologue et actes aura
été aussi radicale. Si l\92ouverture (une des plus
extraordinaires écrites par Rameau) et le Prologue donnent
dans le style héroïque avec la lutte des Dieux et des
Titans, puis le partage de l\92univers par Jupiter, les trois actes
sont une belle pastorale manquant un peu de sens dramatique mais que
le génie de Rameau transcende par son sens inné de
l\92orchestration et un esprit comique toujours en
éveil.
Malheureusement, la version
qui nous fut donnée à la Cité s\92avéra
extrêmement décevante à de maints égards.
Dès l\92Ouverture, les limites techniques de l\92orchestre se
firent entendre : cordes pas toujours ensemble, trompettes
multipliant les « pains », continuo lourd bien que
relégué complètement sur la droite de la
scène. Tout du long de la représentation, Hugo Reyne se
montra incapable de reprendre les choses en main et c\92est bien
dommage compte tenu de la place primordiale de l\92orchestre dans une
\9Cuvre où les divertissements dansés sont nombreux :
jeux Isthmiques à l\92acte I, fête des bergers au II,
divertissement marin au III. Tout fut dirigé au
métronome, sans poésie aucune et, malheureusement,
pièce après pièce, les lacunes relevées
dans le Prologue se confirmèrent avec des cordes
étiques. Il suffit de comparer ce que Reyne et la Simphonie du
Maris délivrèrent dans la belle Chaconne de la fin de
l\92acte 1 à Frans Brüggen et l\92Orchestre de l\92Age des
Lumières au disque (Glossa) et Jordi Savall avec son Concert
des Nations au concert (en janvier dernier à Pleyel), pour
mesurer l\92écart qualitatif. C\92est sans doute ce que ressentit
une partie du public en exprimant son rejet d\92une
interprétation ennuyeuse qui semblait donner raison aux
détracteurs du baroque.
Si cette vision orchestrale
décevante avait été rachetée par une
grande interprétation vocale, on aurait été
moins dur mais tel ne fut malheureusement pas le cas pour les deux
rôles principaux. Quelle mouche a-t-elle piqué Hugo
Reyne pour aller chercher un Neptune, certes immense chanteur baroque
mais totalement sur le déclin, et une Naïs dont
l\92éloignement du répertoire baroque semble avoir
ruiné les quelques capacités à faire illusion
ici ? On aime trop ce que Jean-Paul Fouchécourt nous a
donné au concert et au disque pour être méchant
ici. Parlons juste d\92une totale erreur de distribution. Si
l\92entrée dans le Prologue fut encore correcte, le
déroulement de la représentation le mit sur un gril
quasi permanent, le professionnalisme et la connaissance de la
technique d\92ornementation ne parvenant plus à masquer les
insuffisances d\92une voix que nous avons tant aimée. Quant
à Mireille Delunsch, nous l\92avons trop défendue
lorsqu\92elle était régulièrement lynchée
par la critique professionnelle, notamment durant l\92ère
Mortier à l\92Opéra de Paris, pour nous permettre de nous
demander par quelle aberration elle a été
sollicitée pour cette Naïs. Même au meilleur de sa
forme dans le répertoire baroque ou pré-classique (la
Folie de Platée, Vénus de Dardanus, Iphigénie en
Tauride), elle n\92eut la voix et la technique pour chanter Naïs.
Depuis, Elsa, Freia, Agathe, Léonore, sont passées par
là, ruinant la technique d\92ornementation, mettant en exergue
les ruptures de registre vocal.
Qu\92il est dommage de ne pas
avoir joué la carte de la jeunesse dans cette distribution et
d\92avoir relégué le très prometteur Mathias Vidal
au rôle d\92Astérion alors qu\92il a ouvertement les
capacités pour être un très bon Neptune. Timbre
agréable, projection du texte, belle technique d\92ornementation
; on suivra avec attention les prochaines prestations de ce jeune
ténor. On aime beaucoup Arnaud Marzorati, ce qu\92il fait au
sein des Lunaisiens ou avec Vincent Dumestre. En
Télénus, il se montra efficace mais ce chanteur
instinctif sembla gêné par la direction trop raide
d\92Hugo Reyne. Alain Buet, en Jupiter, puis en Tirésie, ne fut
que correct et confirma les alarmes ressenties avec William Christie
à Pleyel il y a un mois. La voix est sans couleur et bouge
terriblement dans le grave. Dorothée Leclair fut une Flore,
puis une bergère, agréable mais à la diction
incertaine. Matthieu Heim hurla ses Pluton et Palémon plus
qu\92il ne les chanta.
Au total, une production bien
inutile et terriblement frustrante car il y a peu de chances
d\92entendre Naïs dans des conditions correctes dans un proche
avenir. Un concert qui vient s\92inscrire dans une saison baroque bien
décevante à la Cité, pourtant haut lieu
traditionnel de cette musique."
- Opéra Magazine - septembre 2011
"En choisissant Naïs pour
l'ouverture du Festival «Musiques à la Chabotterie»,
Hugo Reyne a mis en avant une admirable pierre ramiste. Géant
en ses proportions (trois heures et demie, en un Prologue et trois
actes), cet ouvrage révèle combien Rameau fut un
expérimentateur inquiet. Lui qui fut le seul compositeur
scientifique et philosophe de son temps, hanterait, de nos jours, les
centres de recherche en informatique musicale ! il disposa de
l'orrgue comme d'un ordinateur et en extirpa l'inouï. Naïs
offre des richesses de timbres qui outrepassent les instrumentations
les plus réussies ; toute la texture compositionnelle,
à la façon de Beethoven, y est embrassée. Lors
de ce concert, cet inouï a tant saisi qu'on en aurait volontiers
réentendu des passages pour vérifier que nos oreilles
n'avaient pas été hallucinées...
Créé en 1749,
pour célébrer le traité d'Aix la Chapelle qui
venait de mettre fin à la guerre de la Succession d'Autriche,
Naïs n'est pourtant pas que recherche ; c'est un opéra au
sens plein du terme. Rameau y offre un matériau surabondant.
Non que les rôles soient excessifs, mais parce que les pages
orchestrales sont nombreuses et développées. Sous cet
aspect, telle Roméo et Juliette de Berlioz, Naïs est une
symphonie dramatique. Tout exprime virtuosité et
vivacité collectives, et tous les enjeux de l'écriture
sont pétris : intervalles creusés (y compris au chant),
polystructures et spatialisations (internes comme externes),
frénétique et complexe dessin rythmique.
Assurément, Rameau est un des pères de l'orchestre et
la symphonie !
Écrit par le
fidèle Louis de Cahusac, le livret de cette « pastorale
héroïque » narre l'idylle entre la nymphe Naïs
et Neptune (désirant être aimé pour
lui-même, il dissimule sa nature divine). Autour des deux
amants il dresse un tableau où des humains, avec leurs
sentiments exacerbés, sont assaillis par le merveilleux, le
fracas des armes et les éléments naturels.
Dans une acoustique peu
confortable, la distribution se montre très pertinente.
Mireille Delunsch, Naïs engagée, déploie son art
d'émouvoir avec un texte et d'exprimer les passions ; sa voix
atypique, qui lui a permis tant de remarquables décalages,
trouve ici un terrain où s'épanouir. Pour ce qui est,
dit-il, son dernier grand rôle de haute-contre, Jean-Paul
Fouchécourt apporte à Neptune sa vaste et intelligente
culture de ce répertoire, mêlant l'émotion
à des touches de second degré. Dans les autres emplois,
le trio Mathias Vidal - Alain Buet - Arnaud Marzorati est à
l'unisson.
À la tête de son
talentueux ensemble La Simphonie du Marais, Hugo Reyne mérite
tous les éloges. Arpentant un ouvrage aussi ample, il ne perd
jamais cette limpidité interprétative - tempi justes,
vaste palette dynamique, opportune vivacité de chaque instant
- qui le caractérise.
Coproduit avec la Cité
de la Musique. un enregistrement paraîtra bientôt.
À guetter sans défaut."
- Dijon -
Théâtre Municipal -
Londres - Old Vic
Theatre - Opéra royal de Versailles - 1980 - English Bach Festival Singers, Baroque
Orchestra and Dancers - dir. Nicholas McGegan - mise en
scène Antoine Bourseiller - avec Linda Russell (Naïs),
Ian Caley (Neptune), Ian Caddy (Jupiter, Telenus), John Tomlinson
(Pluton), Richard Jackson (Tiresie), Brian Parsons
(Astérion), Antony Ransome (Palemon)

- Londres - Queen Elizabeth
Hall - 1979 - version
semi-scénique - English Bach Festival - dir. Andrew
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