COMPOSITEUR
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Leonardo VINCI
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LIBRETTISTE
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Silvio Stampiglia
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ENREGISTREMENT
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ÉDITION
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DIRECTION
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ÉDITEUR
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NOMBRE
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LANGUE
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FICHE
DÉTAILLÉE
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2011
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2012
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Antonio Florio
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Dynamic
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2
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italien
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DVD
ENREGISTREMENT
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ÉDITION
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DIRECTION
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ÉDITEUR
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FICHE
DÉTAILLÉE
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2011
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2013
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Antonio Florio
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Dynamic
|
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Dramma per musica en trois actes, sur un livret de
Silvio Stampiglia, représenté au teatro S. Giovanni
Grisostomo de Venise, durant le Carnaval de 1725.
Silvio Stampiglia, établi à Naples de
1694 à 1704, s'inspira de la légende de Parthénope, rapportée par l'historien
G. A. Summonte, pour écrire un livret pour une
représentation au théâtre San Bartolomeo en 1699,
qu'il dédia à la vice-reine la
duchesse Marie de Medinaceli : Parthénope, fille d\92Eumelo, roi
de Thessalie, quitta l\92île d\92Eubée \96 aujourd\92hui
Négrepont \96 pour suivre l\92augure d\92une blanche colombe, et fit
construire sur les bords de la mer Tyrrhénienne une
cité qui fut d\92abord appelée Parthénope, puis
Naples.
Il fut repris par Antonio Caldara
en 1701, par Domenico Sarro à Naples en 1722, puis par
Leonardo Vinci à Rome en 1724 (dont la partition autographe de
Londres inclut des récitatifs de Sarro). Vinci fut
chargé d'écrire un opéra pour le teatro San
Giovanni Grisostomo de Venise en 1725, et reprit, sour le nom de
Rosmira fedele, le livret de Stampiglia qui venait de
mourir.
Faustina Bordoni participa
à la représentation de Venise.
La représentation de
Partenope au S. Giovanni Grisostomo marque l'arrivée de
la vague napolitaine à Venise : sur trente-et-un opéras
représentés dans ce théâtre entre 1725 et
1735, quinze émanaient de compositeurs napolitains.
Le livret fut édité chez Marino
Rossetti, in Merceria.
Personnages : Rosmira, princesse de Chypre, en habit
arménien, sous le nom d'Eurimene ; Partenope, reine de
Partenope maintenant Naples ; Arsace, prince de Corinthe ; Armindod,
prince de Rhodes ; Emilio, prince de Cumes ; Ormonte, capiatine de la
garde de Partenope
Argument
Partenope, légendaire fondatrice et Reine de
Naples, est courtisée par trois prétendants : Emilio,
prince de Cumes qu'elle vainc et fait prisonnier ; Arsace, prince
corinthien qui a sa préférence mais qui est
déjà fiancé à Rosmira, princesse de
Chypre, qui se déguisera en prince arménien pour le
défier et le reconquérir ; et Armindo, prince de
Rhodes, qui finalement sortira vainqueur de ce combat galant.
Synopsis
Acte I
Eurimene, Arménien
naufragé, demande assistance à Partenope. Ormonte, le
capitaine des gardes, arrive à son tour pour annoncer
l\92invasion du pays par le prince de Cumes, Emilio ; Partenope propose
une entrevue à l\92envahisseur. Pendant ce temps, Armindo avoue
à Eurimene son amour secret pour la reine et lui confie que
Partenope et Arsace s\92aiment d\92un amour partagé. Arsace, quant
à lui, ne tarde pas à découvrir qu\92Eurimene et
Rosmira, sa fiancée abandonnée, ne sont qu\92une seule et
même personne. Mais la jeune fille exige de lui
qu\92il
garde le secret sur sa
véritable identité. Arsace, repentant, est prêt
à revenir à elle, mais Partenope lui déclare
à nouveau sa flamme et il en oublie encore son ancienne
fiancée. Arrivant à l\92improviste, celle-ci surprend
leurs déclarations enfiévrées et cache sa
détresse en feignant à son tour une passion pour
Partenope. Sur ces entrefaites, Emilio arrive pour les
négociations et déclare d\92emblée qu\92il n\92accepte
la paix qu\92en échange de son mariage avec Partenope. La reine
refuse cet indigne marchandage et prend le commandement des
armées.
Intermède
I
Beltramme, un des faux
Arméniens serviteurs d\92Eurimene, rencontre la servante
Eurilla, qu\92il aime. Mais, déguisée en guerrier,
l\92épée à la main, elle le terrorise en le
défiant en duel. Après ce mauvais tour, Beltramme
déclare qu\92il la veut pour épouse, mais il n\92est
récompensé que par une ironie mordante et des
réponses contradictoires.
Acte II
La bataille fait rage. Partenope
est sauvée de la mort par Armindo. Arsace arrache Eurimene des
mains d\92Emilio qu\92il fait prisonnier. L\92armée de Partenope est
victorieuse. Lors du triomphe, Eurimene revendique
effrontément la capture d\92Emilio. À la grande stupeur
de Partenope, Arsace reste silencieux devant une telle provocation.
La reine fait arrêter Eurimene et réaffirme avec ferveur
son amour pour Arsace. Emilio et Armindo jugent l\92attitude d\92Arsace
totalement lâche et le critiquent ouvertement devant Rosmira.
Mais ils sont tout déconcertés quand celle-ci se
déclare prête à le défendre s\92ils
continuent. Arsace se rend auprès de Partenope pour obtenir la
remise en liberté d\92Eurimène. La reine la lui accorde,
mais bannit de sa vue le faux prince. Peu après, Armindo avoue
à la reine le feu secret dont il brûle pour elle, mais
en vain. De son côté Eurimene demande à Armindo
de lui obtenir une entrevue avec Partenope. Arsace retrouve Rosmira
et lui jure son amour. Celle-ci le repousse et l\92abandonne à
ses tourments.
Intermède
II
Beltramme demande de nouveau
à Eurilla de l\92aimer et de partir avec lui pour
l\92Arménie, ce à quoi elle répond par des phrases
contradictoires et incohérentes, au point d\92être
comparée à la chauve-souris qui va de haut en bas dans
une aria qui parodie l\92aria du rossignol de l\92opera seria.
Après un dernier déni, les deux serviteurs montrent
dans le duo final qu\92ils sont dévorés par la chaleur
d\92une passion réciproque.
Acte III
Partenope accepte de recevoir
Eurimene. Arsace est en plein désarroi ; ni Partenope, ni
Armindo, ni Emilio ne comprennent son attitude. Eurimene veut
révéler un secret à Partenope, mais elle pose
comme condition que la reine oblige Arsace à accepter le
défi qu\92il lui lance au nom de la princesse de Chypre Rosmira.
Eurimene révèle alors que la princesse fut jadis
fiancée à Arsace et abandonnée par
l\92infidèle. Scandalisée, Partenope rejette
aussitôt Arsace pour Armindo et autorise un duel entre Eurimene
et Arsace.
Intermède
III
Eurilla avoue avoir
été peu à peu conquise par les peines d\92amour de
Beltramme. Ils s\92embrassent et la chaleur de leur passion les consume
dans le tendre duo final qui met fin à toutes les souffrances.
Scène
finale
Arsace propose à son
adversaire un combat torse nu. Acculé par cette ruse d\92Arsace,
Eurimene est obligé de révéler sa
véritable identité à Partenope. D\92Eurimene elle
est redevenue Rosmira. Dans la liesse générale, la
reine unit Rosmira à Arsace, demande à Armindo
d\92être son époux et libère Emilio, le roi de
Cumes, en lui offrant son amitié.
(Cité de la
Musique)
"En 1699 fut
représenté sur la scène napolitaine le premier
opéra consacré au mythe musical de la fondation de
Parthénope, devenu par la suite Palepolis, avant de prendre le
nom de « Ville nouvelle », Neapolis. À cent ans
exactement de la fondation de l\92opéra à Florence, de
nombreux mythes, héros et héroïnes, humains ou
divins, furent mis en musique, mais aucun titre d\92opéra ne
pouvait s\92identifier à ce point au symbole musical d\92une
ville. Durant les deux siècles de la domination espagnole,
Parthénope était pour les Napolitains la sirène
au corps d\92oiseau qui, vaincue par Orphée, puis par Ulysse, se
laissa mourir en mer Tyrrhénienne. Sur son corps
échoué à Pausillipe, fut construite la ville qui
porte son nom. Sur la côte napolitaine en effet, de nombreux
temples furent érigés à partir du Ve
siècle av. J.-C., attestant le culte de la sirène
Parthénope, représentée sous la forme d\92une
enchanteresse ailée dans de nombreuses pièces
archéologiques et décrite systématiquement par
les premiers historiens de Naples comme fondatrice de la ville. Un
second personnage mythique vient se superposer au premier :
Parthénope, vierge grecque, fille du Roi de Thessalie, serait
parvenue sur la côte de Pausillipe à la tête d\92une
colonie grecque par la volonté des Dieux et aurait
fondé la ville qui porte son nom, après avoir combattu
leurs ennemis de Cumes et imposé le culte de la
virginité typique du monde italogrec : en grec, «
parthénope » signifie précisément vierge.
Cette étymologie justifie la superposition ultérieure
du culte de la Vierge Marie sur les sanctuaires païens de
Parthénope (reine ou sirène). (\85)
Le mythe de la fondation de
Naples fut plutôt délaissé pendant le Moyen
Âge, mais trouva une nouvelle vigueur à l\92époque
de la domination espagnole, après 1503. Ayant perdu son rang
de capitale du royaume d\92Aragon, Naples devait trouver un symbole qui
perpétuât son orgueil de cité blessée par
la nouvelle situation politique. (\85) L\92historien G. C. Capuccio
publia en 1592 L\92Emblème de la Cité de Naples
représenté par le corps d\92une sirène-oiseau,
dont les seins nus font jaillir du lait (symbole de l\92inspiration
artistique) sur un instrument à cordes à ses pieds
(symbole de l\92harmonie politique de la ville) et éteignent en
même temps l\92incendie provoqué par le Vésuve.
C\92est donc la fille du Roi de Thessalie qui est au centre de la
Partenope, représentée au théâtre de San
Bartolomeo en 1699. Dans sa dédicace à la vice-reine la
duchesse Marie de Medinaceli, le librettiste Stampiglia
déclare soumettre « aux yeux de cette noble Cité
l\92ombre de sa Royale Fondatrice » (\85).
Stampiglia, qui appartient
à l\92Académie de l\92Arcadie, fut une personnalité
de premier plan dans la production de livrets d\92opéra à
cheval entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. II fut le
prédécesseur direct de Zeno et de Métastase, qui
portèrent ensuite l\92art de l\92écriture de livrets
d\92opéras à son point culminant. Il partagea d\92ailleurs
avec Métastase le titre de « Poeta Cesareo »,
poète de la Cour impériale. Entre 1694 et 1704,
Stampiglia, qui était originaire de Rome, s\92établit
à Naples, fournissant des dizaines de livrets aux compositeurs
pour le théâtre de San Bartolomeo. Dans l\92Argument,
l\92auteur précise qu\92il s\92est inspiré d\92un des plus
importants historiens napolitains de la Renaissance, G. A. Summonte :
« Parthénope fut la fille d\92Eumelo, roi de Thessalie.
Elle quitta l\92île d\92Eubée \96 aujourd\92hui Négrepont
\96 pour suivre l\92augure d\92une blanche colombe, et fit construire sur
les bords de la mer Tyrrhénienne une cité qui fut
d\92abord appelée Parthénope, puis Naples. Tu trouveras
ceci dans le chapitre II du Premier Livre de L\92Histoire de la Ville
et du Royaume de Naples de G. A. Summonte. Le reste n\92est que fiction
».
Dans le livret de Stampiglia,
certains faits historiques \96 l\92opposition entre Palepolis et Cumes,
le culte de Parthénope \96 sont habilement mêlés
aux composantes principales du dramma per musica sérieux de la
fin du XVIIe siècle : amours, duels, batailles,
travestissements et vision morale. La dédicace à la
vice-reine n\92est qu\92un prétexte lié au
mécénat : le vrai destinataire de l\92oeuvre est la ville
de Naples tout entière à laquelle le poète rend
le plus captivant des hommages, en exaltant le mythe de sa fondation.
(\85)
Dans sa remarquable
étude, The Travels of Partenope, Robert Freeman se
réfère à deux partitions manuscrites, l\92une de
Sarro (Vienne), l\92autre de Vinci (autographe de Londres), qu\92il
rattache respectivement aux deux productions de Naples en 1722 et
Rome en 1724. Freeman ne connaissait pas la représentation
vénitienne de la Partenope de Vinci qui eut lieu en 1725,
probablement parce que le titre fut changé en Rosmira fedele,
et ceci l\92amène à considérer la
représentation de Rome comme étant une sorte
d\92arrangement de l\92opéra de Sarro de 1722 de la part de Vinci.
(\85)
Il est possible qu\92il y ait eu
entre Sarro et Vinci une collaboration artistique dès les
débuts du musicien calabrais sur les scènes de Naples.
En 1724, Sarro mit en musique le premier mélodrame de
Métastase, destiné à une fortune exceptionnelle,
Didone abbandonata, et Vinci en tira deux ans plus tard sa propre
version considérée comme l\92un des chefs-d\92oeuvre du
siècle. Mis à part Didone, Vinci fut le premier
à mettre en musique les premiers grands succès de
Métastase : Alessandro nelle Indie, Catone in Utica, Siroe et
Artaserse. Après la mort du compositeur calabrais, le nouveau
collaborateur privilégié de Métastase devint
Hasse, qui avait à son tour étudié à
Naples et qui avait épousé Faustina Bordoni,
protagoniste de la Partenope de Sarro de 1722 et de nombreux autres
opéras métastasiens.
L\92année 1725 marqua
à plus d\92un titre l\92histoire de l\92opéra par une
incroyable convergence d\92événements : en janvier meurt
Silvio Stampiglia, et la nouvelle eut un écho retentissant,
supérieur à ce qu\92on pourrait attendre d\92un
poète aujourd\92hui bien sous-estimé. Quelques temps
après, Leonardo Vinci eut la charge de composer le premier
opéra de la saison de carnaval à Venise, et il
s\92agissait du premier compositeur « napolitain » choisi
pour un tel honneur. L\92oeuvre choisie fut Ifigenia in Tauride, un
livret vénitien écrit par le noble poète
Benedetto Pasqualigo et dédié à un jeune membre
de la famille Grimani. Tandis que Vinci se trouvait
déjà à Venise, il fut chargé de composer
également le troisième opéra de la saison (le
deuxième fut Berenice de Orlandini), et cette fois ce fut
Partenope, sans doute un hommage à son auteur Stampiglia qui
venait de disparaître. Pourquoi alors le titre en fut-il
changé en Rosmira ? Au fond, le public avait
déjà connu et apprécié le vieux livret
original dans la version de Caldara de 1708. Sans doute le
dédicataire du livret de 1725, lié à
l\92aristocratie napolitaine, joua-t-il un rôle à ce
sujet. Enfin, en octobre 1725, Alessandro Scarlatti meurt à
Naples et Sarro, et surtout Vinci, deviennent les plus importants
compositeurs d\92opéra en Italie. La partition autographe de
Londres de la Partenope de Vinci a sans doute réutilisé
une grande partie des récitatifs de l\92original de Sarro, ainsi
que les choeurs et l\92ouverture de l\92acte II, tandis que les arias ont
été totalement réécrites, et sont de bien
meilleure qualité. La symphonie d\92ouverture de la Partenope
est sans aucun doute de Vinci, puisque celui-ci la réemploya
pour son oratorio Maria addolorata, avec quelques rares mais
significatives variantes.
Si l\92on considère que
Faustina Bordoni faisait partie de la distribution aussi bien de la
première napolitaine de la Partenope de Sarro de 1722 que de
la Rosmira de Venise de 1725, et même de la Partenope
londonienne de Haendel de 1730, nous ne pouvons pas ne pas voir en
elle un lien intéressant entre les trois opéras. En
réalité, il y a des changements importants entre les
deux partitions de Sarro et de Vinci, par rapport aux tessitures
employées, sans parler des différentes orientations
stylistiques. Si Vinci reçut la commande de son opéra
alors qu\92il se trouvait déjà à Venise, il dut
composer ou adapter la musique de Rosmira à la distribution
déjà disponible sur place. En effet, les chanteurs sont
les mêmes que pour les deux précédents
opéras de la saison vénitienne. Ainsi, l\92organisation
vocale de la Partenope de Naples (1722) fut complètement
bouleversée (et ce sera encore le cas pour la version
londonienne de Haendel).
Comme l\92a
démontré R. Strohm, le succès de Vinci à
Venise fut tel que sa carrière internationale fut
lancée, permettant pour la première fois la diffusion
européenne d\92un produit théâtral
méridional (mis à part le cas particulier de
Scarlatti), au point que l\92illustre critique s\92est demandé :
« peut-être que l\92histoire de la musique se serait
développée différemment si Sarro [au lieu de
Vinci] avait été choisi en 1725, mais même un
succès [de Sarro] n\92aurait en fin de compte pas changé
le fait que des compositeurs comme Hasse ou Pergolèse auraient
peu de temps après suivi le style de Vinci, et non celui de
Sarro ».
On sait que Haendel, le plus
grand compositeur d\92opéras de la première moitié
du XVIIIe siècle, était toujours à l\92affût
de nouveautés et d\92idées musicales qu\92il recyclait dans
son immense production, au point que ses « emprunts », qui
apparaissaient tout à fait naturels en son temps, pourraient
aujourd\92hui être considérés comme des plagiats
évidents. Venise étant le centre
privilégié de l\92opéra italien, Haendel avait ses
fidèles informateurs qui lui envoyaient des comptes-rendus
détaillés sur les nouveautés
théâtrales de chaque saison, accompagnés d\92une
bonne anthologie musicale réunissant les plus grands
succès de l\92opéra. En 1725, un de ses informateurs
à Venise, Owen Swiney, prit soin d\92envoyer à Londres
les plus beaux airs des trois opéras représentés
durant le carnaval. Ceux des deux opéras de Vinci
attirèrent immédiatement l\92oeil expert du grand Saxon.
Quelques mois après, Haendel fut déjà en mesure
de monter à Londres un « pasticcio » en
réarrangeant les airs qu\92on lui avait envoyés et en
composant le reste de la musique sous le titre de Elpidia
(tiré de I Rivali generosi sur un livret d\92Apostolo Zeno) :
trois airs seulement étaient du compositeur Orlandini, tandis
que Haendel réutilisa quatorze airs des deux opéras de
Vinci, surtout de Partenope/Rosmira fedele. Ce fut le début
d\92une réhabilitation systématique de la production de
Vinci de la part du géant allemand, qui montra sa
préférence absolue pour le musicien calabrais en
transformant en « pasticci » presque tous les opéras
successifs que Vinci composa jusqu\92à sa mort précoce
survenue en 1730. Une nouvelle coïncidence se produisit
précisément cette année-là, durant
laquelle Haendel, comme s\92il présageait un hommage à
son collègue, composa sa propre Partenope, l\92année
même de la disparition de Vinci. Mais cette fois, aucune note
du compositeur italien ne fut
réemployée.
On peut voir un hommage tout
aussi significatif dans la Rosmira (l\92adjectif « fedele »
n\92apparaît pas dans la partition) représentée
à Venise en 1738, une des dernières créations de
Vivaldi, musicien dont le style s\92entrecroise souvent avec celui des
airs de Vinci, dans une série de citations réciproques.
(\85) À son tour, l\92opéra de Vivaldi fut joué
plusieurs fois en Allemagne, tandis que le livret \96 Rosmira fedele \96
fut encore mis en musique à Milan par Pietro Pellegrini,
à Venise par Gioacchino Cocchi en 1753 et à Londres par
Felice Giardini en 1757. Quant à la Partenope de Sarro, elle
continuait sa carrière et ses métamorphoses (reprise
à Pesaro en 1729, à Rome en 1734). (\85) Plus tard,
Métastase écrivit une « festa teatrale »
Partenope, mise en musique par l\92époux de la grande Bordoni,
Johann Adolph Hasse, en 1767, pour célébrer le mariage
du roi Ferdinand IV avec Marie-Josèphe d\92Autriche. Ce
spectacle connut un énorme succès dans toute l\92Italie
et en Europe, et fut transformé en « pasticcio »
avec des éléments repris du livret de
Stampiglia.
Une des
caractéristiques \96 déjà présente dans la
partition de Sarro en 1722 \96 par rapport aux
précédentes versions est la position des personnages
comiques, qui dans le livret original de Stampiglia faisaient partie
intégrante de l\92intrigue principale : dans le livret de 1699,
Beltramme est le serviteur de Rosmira (Arménien
supposé, mais Napolitain authentique dans le caractère)
qui courtise de façon improbable la vieille nourrice de
Partenope, Anfrisa, interprétée par un acteur-chanteur
masculin, selon une tradition qui remonte au Couronnement de
Poppée de Monteverdi. Pour l\92édition napolitaine de
1722, les personnages comiques ont quitté l\92intrigue
principale et ont été relégués dans trois
« intermezzi » placés entre les actes et à la
fin de la scène finale. Les protagonistes sont encore le faux
Arménien Beltramme (personnage tiré de la Commedia
dell\92arte) et la servante de Partenope Eurilla
(interprétés au San Bartolomeo par un couple de stars
de la comédie bouffe napolitaine, Gioacchino Corrado et Santa
Marchesini), qui commentent de façon parodique les
événements relatés dans le drame sérieux.
Eurilla se déguise en guerrière, en menaçant son
fiancé, puis le rend complètement fou par ses
changements constants d\92opinion ; à la fin elle s\92habille en
Arménienne et consent à l\92épouser. Quant
à Beltramme, ce n\92est pas par des armes de séduction
qu\92il conquiert sa promise, mais par le secret de la
préparation d\92un bon café qui l\92a rendu roi dans son
pays. La parodie d\92un air de rossignol dans l\92opera seria est
magistralement menée à travers la comparaison avec une
chauve-souris, tandis que le poète ne perd aucune occasion
d\92ironiser sur le monde théâtral de son temps, et sur la
stupidité des critiques qui croient pouvoir influer sur la
structure des drames modernes. Dans le médiocre panorama que
nous offrent les intermèdes comiques napolitains ayant
survécu \96 y compris ceux de Pergolèse
considérés comme les modèles du genre \96 ces
intermèdes de Sarro brillent par leur qualité musicale.
À la lumière de ce que nous avons pu écrire sur
la possible collaboration entre Sarro et Vinci pour la reprise de la
Partenope à Rome en 1724, nous avons jugé
intéressant, avec le chef Antonio Florio, de
réinsérer les intermèdes comiques de Sarro dans
l\92opéra de Vinci, et de garder en même temps le titre de
l\92autographe londonien, plutôt que celui de la version
vénitienne (Rosmira), qui risquait d\92effacer le
caractère d\92auto-célébration de Partenope. De la
sorte, la présence de la musique de Sarro dans la partition
finale pour Venise est une manière, à travers notre
production, de lui rendre un nouvel hommage. Certes, nous ne pouvons
considérer cette reprise moderne de la Partenope de Vinci
comme une reconstitution « philologique » de la
représentation vénitienne de 1725. Ce n\92est pas notre
intention et nous ne croyons pas que ce soit une méthode
réaliste pour faire revivre l\92opéra du passé.
Nous voudrions que, comme le public européen de
l\92époque, le public moderne de la musique ancienne ait la
possibilité pour la première fois de redécouvrir
un des plus grands compositeurs de l\92histoire de la musique
européenne à travers une partition riche en
séductions mélodiques et harmoniques, en tous points
digne des charmes d\92une sirène méditerranéenne."
(Cité de la Musique)
Représentations :
- Séville - Teatro de
la Maestranza - 3 février
2010 - Jerez - Teatro
Villamarta - 16 avril 2010 -
Murcie - Auditorio y centro de
Congresos Victor Villegas - 1er
mai 2011 - Capella della Pieta de Turchini - dir. Antonio Florio -
mise en scène Gustavo Tambascio - décors Ricardo
Sánchez Cuerda - costumes Jesús Ruiz -
lumières Rafael Mojas - chorégraphie Yolanda Granado
- avec Sonia Prina (Partenope), Maria Grazia Schiavo (Rosmira),
Maria Ercolano (Arsace), Eufemia Tufano (Emilio), Stefano Ferrari
(Armindo), Charles Dosantos (Ormonte), Pino de Vittorio (Eurilla),
Borja Quiza (Beltramme)

- Naples - Teatro San
Carlo - Festival de
Théâtre de Naples - 27 juin 2009 - Capella
de'Turchini - dir. Antonio Florio - mise en scène Gustavo
Tambascio - coproduction Napoli Teatro Festival Italia, INAEM \96
Istituto Nacional de las Artés Escénica y de la
Musica, Centro di Musica Antica Pietà de\92
Turchini



- Cité de la
Musique - 26 février 2006
- version de concert - avec intermèdes comiques de Domenico
Sarro - La Cappella de'Turchini - dir. Antonio Florio - avec Sonia
Prina, contralto (Partenope), Maria Ercolano, soprano (Arsace),
Maria Grazia Schiavo, soprano (Rosmira), Lucia Cirillo,
mezzo-soprano (Emilio), Makoto Sakurada, ténor (Armindo),
Rosario Totaro, ténor (Ormonte), Giuseppe Naviglio, baryton
basse (Beltramme), Giuseppe de Vittorio, ténor
(Eurilla)
"Flattée par la
tessiture courte et les accents belliqueux de Partenope, Sonia Prina
ne fait qu\92une bouchée de la vierge guerrière,
malgré une justesse approximative et les gargarismes qui lui
tiennent lieu de vocalises. Sans se départir de ses accents de
soubrette, Maria Grazio Schiavo anime sa rivale Rosmira avec style et
musicalité, la voix trémulante et la tessiture hybride
de Maria Ercolano apportant une fragilité bienvenue au
malheureux Arsace." (Altamusica)
- Festival International de
Beaune - 10 juillet 2004 -
Cappella de' Turchini - dir. Antonio Florio - coproduction
Opéra San Carlo de Naples - version de concert - avec Sonia
Prina, contralto (Partenope), Maria Ercolano, soprano (Arsace),
Lucia Cirillo, alto (Emilio), Masaka Sakurada, ténor
(Armindo), Rosario Totaro, ténor (Ormonte), Maria Grazia
Schiavo, soprano (Rosmira)
- Opéra International - septembre 2004
"Cette oeuvre de Leonardo
Vinci, créée à Venise en 1725, a
été brillamment défendue par l'orchestre de
la Cappella de' Turchini et son chef Antonio Florio, qui disposait
d'un plateau de jeunes chanteurs où ont surtout
brillé Sonia Prina dans le rôle-titre et le timbre
généreux de Maria Ercolano en Arsace. Pour une
tessiture de castrat, cette dernière dispose d'une voix
phénoménale, embrassant les aigus d'un soprano et
les notes basses d'un alto. Plus problématique est la
partition. Auteur de sympathiques intermèdes bouffes, Vinci
est de ces artistes qui ont assez d'idées pour en fournir
à de plus talentueux qu'eux mais restent trop
timorés pour les développer vraiment. Après
une ouverture à la grâce très vivaldienne et
quelques airs de bravoure stagnant
désespérément dans des tonalités
majeures (jalousie, joie ou mélancolie, même combat),
il faut attendre le milieu du dernier acte pour connaître
enfin quelques minutes dramatiques après d'interminables
récitatifs. Haendel, grand admirateur de Vinci, a
utilisé ce même livret de Silvio Stampiglia à
Londres en 1730. La comparaison avec l'art du Caro Sassone est
donc inévitable. Si cet enchaînement parodique de
quiproquos fumeux et de déguisements improbables,
prêtant au double sens comme aux vapeurs sentimentales, a
inspiré à Haendel toute la gamme des sentiments en
musique, il ne provoque chez Vinci que les platitudes d'une
musique galante pour salles mondaines. Ce (long) concert
était entrecoupé d'intermèdes comiques de
Domenico Sarro menés par Giuseppe Naviglio et un Giuseppe
De Vittorio à qui ne manquait plus qu'une perruque pour
incarner un Vincent McDoom napolitain."
- Diapason - septembre 2004
"Et vogue vers le seria ! L'an
passé en ces mêmes lieux, la Statira de Cava]li laissait
Olivier Rouvière dubitatif quant à la capacité
d'Antonio Florio à se démarquer des qualités qui
ont fait le succès de sa Cappella de'Turchini dans un
répertoire où la fibre populaire est plus sensible :
troupe vocale unie comme les doigts de la main, gouaille poids plume
des instrumentistes. Cette Partenope témoigne d'une
évolution à la fois prometteuse et déroutante.
Voulant rendre un égal hommage aux deux Napolitalns Sarro et
Vinci, Florio a cousu les intermèdes comiques du premier pour
son ouvrage éponyme (1722) aux actes sérieux du second
donnés en 1725 à Venise sous le titre Rosmira fedele.
Résister au génie du verbe et de la mimique d'un Pino
de Vittorio, le Cuénod de la comédie napolitaine, est
un pari perdu d'avance. Un léger malaise s'immisce toutefois :
tant d'apprêts s'accordent mal au détachement presque
excessif de Giuseppe Naviglio et de l'orchestre. Comme si toute
l'énergie devait tendre vers le drame, où la Cappella
dévoile d'insoupçonnées ressources de sostenuto
sans sacrifier la vigueur de l'articulation, et vers une
densité de pâte que peu d'orchestres italiens affichent
aujourd'hui. L'élégante vitalité, la
variété des fureurs et des passions de Vinci y trouvent
leur compte. Librettiste, compositeur, et chef partagent sans doute
la responsabilité de ce que jamais, sous cette royale
effervescence, ne s'ouvre l'abîme du vrai tragique. On
répugne à incriminer les chanteurs, tant l'esprit
d'équipe, vertu rare, s'y incarne en des visages certes
jeunes, mais aux traits bien affirmés. Dans le
rôle-titre, corseté de morale victorienne plutôt
que vésuvienne, Sonia Prima ose la sensualité d'un alto
pourpre et un tempérament qui appelle des emplois mieux
contrastés. Maria Grazia Schiavo irritera les contempteurs de
voix légère, mais son aisance ondoyante ne tardera pas
à les amadouer. L'identité déclarée de
soprano de Maria Ercolano apparaît de plus en plus suspecte,
mais la tension de l'aigu apporte un supplément d'âme
à cette incarnation assise sur un médium rond et doux,
délivrée avec une virtuosité sobre, des
attentions délicates à la dynamique et au
phrasé, une diction vibrante. Que trois heures de spectacle
passent ainsi en un coup d'aile est de toute manière une bonne
indication du succès de l'entreprise."
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