Le compositeur
COMPOSITEUR
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Georg Friedrich HAENDEL
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LIBRETTISTE
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Cardinal Vincenzo Grimani
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ENREGISTREMENT
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ÉDITION
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DIRECTION
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EDITEUR
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NOMBRE
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LANGUE
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FICHE
DÉTAILLÉE
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1983
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1983
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Christopher Hogwood
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Mondo Musica
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3
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italien
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1991
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1992
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Nicholas McGegan
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Harmonia Mundi
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3
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italien
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1991
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2007
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John Eliot Gardiner
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Philips
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3
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italien
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1991
|
1998
|
John Eliot Gardiner
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Philips
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1 (extraits)
|
italien
|
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2003
|
2004
|
Jean-Claude Malgoire
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Dynamic
|
3
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italien
|
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2010
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2011
|
René Jacobs
|
Harmonia Mundi
|
3
|
italien
|
|
DVD
ENREGISTREMENT
|
ÉDITION
|
DIRECTION
|
ÉDITEUR
|
FICHE
DÉTAILLÉE
|
2003
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2004
|
Jean-Claude Malgoire
|
Dynamic
|
|
2004
|
2005
|
Jan Willem de Vriend
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Challenge Classics
|
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1985
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2005
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Arnold Östman
|
EuroArts
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Dramma per musica en trois actes (HWV 6), sur un livret
en trois actes du cardinal Vincenzo Grimani (1655 - 1710),
ecclésiastique et diplomate érudit, ambassadeur
impérial au Vatican, vice-roi de Naples. Cette attribution est
toutefois aujourd'hui contestée.
Haendel était revenu à Rome au printemps
1709, où il était l'hôte du marquis Francesco
Maria Ruspoli. Ce dernier habitait le Palazzo Bonelli, aujourd'hui
Palazzo Valentino, sur la piazza Santi Apostoli, où il avait
fait aménager un petit théâtre privé. Il
fréquentait également les soirées de
l'Académie d'Arcadie, fondée en 1690, et du cardinal
Ottoboni, neveu du pape Alexandre VIII.
Il est admis que l'opéra fut créé
au Teatro San Giovanni Grisostomo, à Venise, le 26
décembre 1709, date inscrite sur le livret. Toutefois, selon
la musicologue Ursula Kirkendale, il pourrait avoir été
créé dès novembre 1706, les
représentations de 1709 ne constituant qu'une reprise. Il eut
un tel succès qu'il fut représenté vingt-sept
fois consécutives.
Haendel dirigeait lui-même. Le rôle
d'Agrippina était tenu par la célèbre soprano
Margherita Durastanti, en alternance avec Elena Croce, Poppea par la
soprano Diamante Maria Scarabelli, dite la Diamantina, Nerone
par le castrat soprano Valeriano Pellegrini, Claudio par la basse
Antonio Francesco Carli, Ottone et Giunone par la contralto Francesca
Maria Vanini-Boschi, Narciso par le castrat alto Giuliano Albertini,
Pallante par la basse Giuseppe Maria Boschi, Lesbo par Nicola Pasini,
basse, prêtre de la Capella di San Marco.

L'oeuvre eut un énorme succès, mais
Haendel quitta Venise peu après pour Hanovre.
Outre des réemplois, notamment de motets et
oratorios, et d'opéras, Almira, Rodrigo, Aci,
Galatea e Polifemo, elle comporte de nombreux emprunts à
d'autres compositeurs : Reinhard Keiser (Claudius,
Octavia), et Johann Mattheson (Cleopatra,
Porsenna), et Cesti
Elle fut reprise à Naples, le 15 favrier 1713,
dans un version remaniée par l'imprésario Andrea Del Po
et le compositeur Francesco Mancini, ainsi qu'à Hambourg en
1718, à Vienne en 1719, avec des ajouts de Caldara et Fux.
Le livret situe l'action dans la Rome impériale,
miroir de la Rome papale ; ainsi l'empereur Claude serait la
caricature du pape Clément XI.
Personnages : Claudio, empereur romain (basse),
Agrippina, son épouse (soprano),Nerone, son fils (castrat
soprano), Pallante, suivant d'Agrippina (basse), Narciso, suivant
d'Agrippina (castrat alto), Lesbo suivant de Claudio (basse), Ottone
(castrat alto), Poppea, courtisane (soprano), Giunone
(contralto)
"L'impératrice Agrippine apprend la mort de
son époux Claude, et s'occupe de faire monter son fils
Néron sur le trône. Néron gagne la faveur du
peuple en distribuant de l'argent et est proclamé empereur,
avec l'aide de Pallas et Narcisse, soupirants d'Agrippine. Lesbos,
serviteur de Claude, annonce que ce dernier a survécu à
une tempête, sauvé par Ottone, et revient à Rome.
Othon, à qui Claude a promis le trône en
récompense, est épris de Poppée, tout comme
Claude. Poppée, trompée par Agrippine, obtient de
Claude qui lui a rendu visite, qu'il prive Othon de ses faveurs.
Celui-ci persuade Poppée de sa fidélite, qui se rend
compte qu'elle a été trompée. Agrippine obtient
de Claude qu'il désigne Néron comme son successeur.
Poppée invite Néron et persuade Claude que Néron
convoite son trône. Claude pardonne à tous, accorde le
trône à Néron et la main de Poppée
à Othon.
Livret de Vincenzo
Grimani, cardinal de Naples, protecteur de Haendel,
propriétaire du théâtre San Crisostomo. Les faits
historiques sinistres deviennent sur la scène une
comédie licencieuse dans laquelle le souverain et des deux
jeunes rivaux, Néron et Ottone, se disputent, outre le
pouvoir, l'amour de la belle Poppée. L'attirante jeune femme,
assiégée de toutes parts, fait de son mieux pour tenir
en respect ses soupirants, les enfermant à tour de rôle
dans des placards. Agrippine, de son côté, manoeuvre ses
propres amants pour mettre son fils sur le trône et suppprimer
les concurrents. En fin de compte, ses intrigues seront
dévoilées, mais dans un dernier sursaut, elle
réussira à redresser la siytuation : Néron aura
la couronne, Otton sa chère Poppée, tandis que Claude
restera les mains vides.
A Venise, en 1709, tout le
monde reconnaissait, sous les vêtements de l'orgueilleux
empereur Claude, le pape Clément XI, ennemi du cardinal
Grimani et compromis dans la querelle pour la succession
impériale entre les Habsbourg et les Bourbon." (Opéra
International - décembre 1983)
"Créé à Venise à la fin
de 1709 ou durant le carnaval de 1710 (avec la Durastanti dans le
rôle-titre), Agrippina est un drôle de chef-d'oeuvre qui
se propose d'explorer aussi bien les arcanes du pouvoir que celles de
l'opera seria. Avec cette intrigue complexe, où les courtisans
influencent les têtes couronnées et où sexe et
pouvoir marchent main dans la main, le jeune Haendel (il a
l'âge de Néron dans la pièce, c'est-à-dire
même pas vingt-cinq ans !) trouve un livret en or à
mettre en musique. Particulièrement inspiré, il
vêtit ses personnages, déjà croqués au
vitriol par Grimani (qui écorche avec une vicieuse gourmandise
la société telle qu'il la voit), de costumes chatoyants
et hauts en couleurs, brossant à coups de recitativi
accompagnati et d'arie un opéra riche, tant sur le plan formel
(37 arie, deux ensembles, deux cori, ainsi qu'ariette, ariosi et
même un magnifique duo d'amour remplacé à la
création par deux airs) que stylistique, d'une rare
incandescence théâtrale, et dont le ton corrosif ne peut
que réjouir les audiences modernes." (Forum
Opéra)
Personnages : Agrippina (soprano), Poppea
(soprano), Nerone (soprano), Claudio (basse), Ottone (contralto),
Pallante (basse), Narciso (alto), Lesbo (basse), Giunone
(contralto)
Synopsis
détaillé
Acte I
Dans le cabinet
d'Agrippine
(1) Agrippine vient d'apprendre
que son époux, l'empereur Claude, est mort dans une
tempête. Elle fait part à son fils Néron,
âgé de vingt-cinq ans, de son intention de l'asseoir sur
le trône. Elle lui conseille de se faire valoir auprès
du peuple, en lui distribuant de l'or. Néron est plein de
reconnaissance pour sa mère (air Con saggio tuo consiglio). (2) Agrippine, restée seule, pense mettre
à profit les espoirs amoureux de Narcisse et Pallas, et fait
chercher ce dernier. (3) Agrippine éprouve la
fidélité de Pallas, qui avoue son inclination pour
elle. Elle lui apprend la mort de Claude, et lui demande de
rassembler les sénateurs au Capitole pour faire proclamer
Néron empereur. Pallas chante son destin favorable (air
La mia sorte
fortunata). (4) Après Pallas,
Agrippine fait appeler Narcisse. (5) Agrippine fait avouer à
Narcisse qu'il l'aime, et lui demande de rassembler le peuple et
l'armée en faveur de Néron. Narcisse chante sa joie
(air Volo pronto, e lieto il
core). (6) Agrippine, restée
seule, chante sa détermination (air L'alma mia fra le tempeste).
Place du Capitole, avec un
trône. Néron est entouré par la foule à
laquelle il distribue des cadeaux
(7) Néron compatit au
malheur du peuple. (8) Pallas et Narcisse recherchent les faveurs de
Néron. (9) Agrippine, suivie du peuple, prend place sur le
trône. Elle informe les peuple de la mort de Claude, et lui
demande de choisir Néron comme empereur. Agrippine et
Néron montent sur le trône. Des trompettes retentissent.
(10) Lesbos, le serviteur de Claude, annonce l'arrivée de
Claude à Antium, sauvé par Othon. Après avoir
accusé le coup, Agrippine feint de se réjouir. Tout le
monde acclame Claude. (11) Othon arrive pour raconter comment il a
sauvé Claude de la noyade, et comment Claude l'a choisi pour
lui succéder. (12) Othon reste seul avec Agrippine pour lui
confier qu'il aime Poppée plus que le trône. Agrippine
lui promet de l'aider. (air Tu ben
degno) (13) Othon se réjouit
(air Lusinghiera mia
speranza).
La chambre de Poppée.
Poppée devant son miroir
(14) Poppée chante sa
beauté (air Vagne perle,
eletti fiori) et s'amuse
d'être aimée par Othon, Claude et Néron. (15)
Lesbos vante l'amour que Claude lui porte ; Poppée feint qu'il
soit partagé. (16) Alors qu'Agrippine est cachée,
Lesbos confie à Poppée que Claude va lui rendre visite
durant la nuit. Poppée répond qu'elle est prête
à l'accueillir, mais comme souverain et non comme amant.
Poppée chante l'amour qu'elle sent naître en elle (air
E un foco d'amore). (18) Agrippine se montre à Poppée,
et lui demande si elle aime Othon. Elle lui fait croire qu'Othon l'a
trahie en la laissant à Claude, et lui conseille de susciter
la jalousie de Claude (air Ho un non
so che nel cor). (19) Poppée
restée seule, se lamente qu'Othon lui préfère le
trône et n'est pas décidée à se laisser
faire (air Fa quanto
vuoi). (20) Lesbos annonce
l'arrivée de Claude. (21) Claude s'aperçoit vite que
Poppée est préoccupée. Celle-ci lui fait croire
qu'elle l'aime, mais qu'Othon, depuis qu'il sait qu'il va
régner, le lui interdit. Elle fait promettre à Claude
de revenir sur sa décision de laisser le trône à
Othon. Claude se fait pressant et Poppée espère
qu'Agrippine va venir la sauver. Claude croit que son attitude est
dictée par la chasteté. (22) Lesbos annonce
l'arrivée d'Agrippine, et presse Claude de partir. (23)
Poppée remercie Agrippine qui lui clame son amitié (air
Non ho cor che per
amarti). (24) Poppée se
justifie (air Se giunge un
dispetto).
Acte II
Une rue de Rome près du
palais impérial, parée pour le triomphe de
Claude
(1) Narcisse et Pallas
s'aperçoivent qu'ils ont été dupés par
Agrippine. Ils décident d'être désormais francs
l'un avec l'autre. (2) Othon arrive qui confirme qu'il tient plus
à Poppée qu'au trône (air Coronato il crin
d'alloro). (3) Agrippine, Poppée et Néron descendent du
palais impérial avec leur suite. Ils décident de
feindre vis à vis d'Othon. Othon adresse des mots d'amour
à Poppée qui s'en indigne. Claude arrive, applaudi par
le peuple. (choeur Di timpani e trombe). (4) Claude sur un char
triomphal. Il annonce avoir vaincu la Bretagne et raffermi l'empire
romain (air Cade il mondo
soggiogato). Claude reçoit
l'hommage d'Agrippine, Néron, Poppée, Narcisse et
Pallas. Par contre il repousse Othon. Il le condamne à mort
pour trahison. Othon recherche l'aide successivement d'Agrippine (air
Nulla sperar da me), de Néron (air Sotto il lauro ch'ai sul crine) et de Poppée (air Tuo ben e'l trono),
puis de Narcisse, Pallas et Lesbos. Tous le repoussent. (5) Othon,
resté seul, se lamente sur son sort (air Voi che udite il mio lamento).
Jardin avec
fontaine
(6) Poppée a des remords.
(7) Othon arrivant, elle va s'asseoir près d'une fontaine, et
feint de dormir. Il entend Poppée le traiter de traître
dans son sommeil, et se cache alors qu'elle feint de se
réveiller. Poppée fait semblant de se parler seule, et
Othon comprend ce qu'on lui reproche. Il insiste pour s'expliquer, et
affirme que le trône l'intéresse moins que son amour
pour elle et lui fait comprendre qu'elle a été
abusée par Agrippine. Poppée est prête à
le croire. Othon clame à nouveau son innocence (air
Ti vo giusta e non
pietosa). (8) Poppée comprend
la maneouvre d'Agrippine et décide de se venger (air
Per punir chi m'ha
ingannata). (9) Lesbos vient
annoncer à Poppée que Claude souhaite venir lui parler.
Poppée accepte. (10) Poppée est inspirée par le
désir de vengeance. (11) Néron arrive et Poppée
l'entraîne dans ses apprtements (air Col peso del tuo amor). (12) Néron se réjouit à
l'avance de l'invitation de Poppée (air Quando invita la donna l'amante) (13) Agrippine forme des voeux en faveur de son
fils (air Pensieri, voi mi
tormentate). Elle se reproche d'en
avoir trop dit à Narcisse et Pallas, et craint que son plan
échoue. (14) Pallas renouvelle à Agrippine son
dévouement, quoique Agrippine lui demande de tuer Narcisse et
Othon, et chante son espoir (air Col
raggio placido). (15) Agrippine
reprend espoir. (16) Agrippine demande à Narcisse de tuer
Pallas et Othon. Narcisse chante à son tour son espoir (air
Sperero, poiche mel
dice). (17) Agrippine se
prépare à accueillir Claude. (18) Agrippine fait part
à Claude de son inquiétude à son sujet, et de la
menace que constitue Othon. Elle lui propose de désigner
Néron comme son successeur. Claude demande à
réfléchir. (20) lsbos vient prévenir Claude que
Poppée l'attend. Pressé par Agrippine, Claude promet de
faire couronner Néron. (21) Agrippine se réjouit que
Néron devienne empereur (air Ogni vento ch'al porto lo spinga).
Acte III
Chambre de Poppée, avec
une porte de face et deux autres de chaque
côté
(1) Poppée prépare
sa vengeance contre Agrippine. (2) Othon assure Poppée de sa
fidélité. Poppée le fait se cacher
derrière une porte. (3) Poppée attend Néron et
Claude. (4) Néron arrive, mais Poppée lui reproche son
retard. Elle feint de craindre l'arrivée d'Agrippine, et fait
cacher à son tour Néron derrière la porte face
à celle où se trouve Othon. (5) Poppée
espère le succès de sa mise en scène, mais si
elle doit susciter la colère d'Othon. (6) Claude arrive.
Poppée lui fait des reproches et Claude pense que c'est
à cause d'Othon. Poppée le détrompe et lui
révèle que Néron lui interdit de le voir. Claude
ne comprend plus, et Poppée arrive à lui faire croire
qu'il s'est trompé quand elle avait parlé d'Othon.
Claude jure de la venger. Poppée le fait se cacher
derrière la porte qui est située en face, puis va
chercher Néron. (7) Claude sort de sa cachette. Il apostrophe
et chasse Néron. Au moment où il sort, Poppée
fait comprendre à Néron qu'elle s'est vengée.
(8) Poppée fait part à Claude de sa crainte de la
réaction d'Agrippine, et lui demande, avant tout, d'intervenir
pour qu'elle n'ait pas en pâtir. Claude la rassure (air
Io di Roma il Giove
sono). (9) Poppée,
restée seule, savoure sa vengeance (air Esci, o mia vita, esci dal duolo). (10) Othon clame à nouveau sa
fidélité à Poppée qui se donne à
lui (duo Non, no, ch'io non
apprezzo).
Salon
impérial
Néron raconte à
Agrippine comment il a été traité par
Poppée et Claude. Agrippine lui conseille de renoncer à
Poppée (air Come nube che fugge dal vento). Pallas et Narcisse
décident de dévoiler les manigances d'Agrippine
à Claude. (13) Ils révèlent à Claude
qu'Agrippine a fait couronner Néron pendant son absence. (14)
Agrippine arrive et rappelle à Claude sa promesse. Claude lui
reproche d'avoir mis Néron sur le trône pendant son
absence. Agrippine se justifie par l'annonce de la mort de Claude, et
convainc ce dernier qu'elle n'a fait que défendre le
trône de Claude, ce que Narciss et Pallas ne peuvent que
confirmer. Profitant de son avantage, Claude accuse Poppée
d'être courtisée par Othon. Pour en avoir le coeur net,
Claude fait venir Othon, Poppée et Néron. Agrippine
assure Claude de sa fidélité (air Se vuoi pace, oh volto amato). Claude accuse Néron de l'avoir
trouvé caché chez Néron, et décide qu'il
doit épouser Poppée. Othon, lui, sera sacré
empereur. Othon répond préférer Poppée au
trône. Poppée se dit également prête
à abandonner le trône pour rester avec Othon.
Néron, en revanche, dit préférer le trône.
En fin de compte, à la satisfaction générale,
Claude attribue le trône à Néron, et renonce
à Poppée en faveur d'Othon. Agrippine chante le dernier
air (V'accendano le
tede). Choeur final en l'honneur du
Tibre et de l'Amour (Lieto il Tebro
increspi l'onda).
http://www.dlib.indiana.edu/variations/scores/abw5366/index.html
- Crescendo - février/mars 2005 - La Femme et le Pouvoir - Agrippine, une
figure machiavélique
- Forum Opera - 11 octobre 2009
"...
Opéra au sujet historique, il s\92insère bien dans la
tradition vénitienne qui avait comme précédent
la Poppée de Busanello-Monteverdi, dont le texte pourrait bien
s\92inspirer. Bien des critiques ont voulu voir dans le cadre classique
romain une satire féroce de la décadence de la Rome du
Pape Clément XI. Il semble toutefois plus probable \96 comme le
soutient Carlo Vitali \96 que la clef de lecture de ce drame soit
anti-française, la cour de Claude reflétant les vices
du Versailles de Louis XIV. Effectivement, il y avait eu par le
passé des dissonances entre Vincenzo Grimani (exerçant
comme diplomate) et la cour française, notamment pendant et
après la guerre de succession d\92Espagne. Il y a plus d\92une
ressemblance (et pas seulement historiographique) entre Claude et
Louis XIV, entre Néron et Philippe d\92Anjou, entre Othon et
Charles de Habsbourg et surtout entre Agrippine (dont le
grand-père était le général de
César, Agrippa) et Françoise d\92Aubigné, plus
connue comme marquise de Maintenon, dont le grand-père
n\92était autre que le huguenot Agrippa d\92Aubigné,
conseiller de Henri IV. L\92opéra avait tout ce qu\92il fallait
pour être l\92événement exceptionnel du Carnaval de
1710 et aujourd\92hui encore, le texte autant que la musique en font un
véritable chef-d\92\9Cuvre de la musique baroque. Musicalement,
Haendel s\92insère parfaitement dans la solide tradition
vénitienne, offrant un opéra riche en
récitatifs, et rendant magnifiquement l\92ironie du texte avec
des airs de très haut vol. La distribution était de
tout premier ordre, avec notamment dans le rôle d\92Agrippine
Margherita Durastanti, qui avait déjà travaillé
à Rome avec Haendel et les époux Boschi, qui devaient
travailler plus tard avec lui à Londres. L\92opéra
pourrait aujourd\92hui être à bon droit
considéré comme un « pasticcio », puisque
quatre-vingts pour cent de son matériel est repris (pour ne
pas dire recyclé ou revisité) d\92\9Cuvres
précédentes. Des réélaborationsdes airs
du Trionfo del Tempo, de la Resurrezione, de Aci, Galatea e Polifemo,
des cantates romaines, font de cet opéra un chef-d\92\9Cuvre dans
l\92art de la recomposition. Bien que cette composition soit de nature
dramatique, on peut dire qu\92Agrippine présente certaines
caractéristiques de l\92opéra-bouffe, ou du moins
présente des traits humoristiques, parodiant l\92opéra
arcadien. Mais il serait peut-être plus juste de la
définir comme une comédie à intrigue qui finit
bien."
Représentations :
- San Francisco, Legion of
Honor - 2 avril 2014 - San
Francisco - Berkeley Hillside Club - 4 mai 2014 -
Pocket Opera - avec Marcelle Dronkers (Agrippina), Maya Kherani
(Poppea), Daniel Yoder (Claudio), Sonia Gariaeff (Ottone), Deborah
Rosengaus (Nerone)
- Omaha, Orpheum Theater -
Nebraska - États-Unis - 14, 16 février
2014 - dir. Stephen Stubbs - mise en scène James Darrah -
décors Emily MacDonald - costumes Sarah Schuessler - video
Adam Larsen - lumières Cameron Mock - avec, Peabody
Southwell (Agrippina), Hadleigh Adams (Claudio), Nathan Medley
(Ottone), Zachary Wilder (Narciso), Jennifer Rivera (Nerone),
Jamie-Rose Guarine (Poppea), Doug Williams (Pallante)
- Barcelone - Grand
Théâtre del Liceu - 16, 18, 21, 24, 26, 29
novembre 2013 - dir. Harry Bicket - mise en scène David
McVicar - décors, costumes John Macfarlane -
lumières Paule Constable - chorégraphie Andrew
George - avec Sarah Connolly (Agrippina), Malena Ernman (Nerone),
Danielle de Niese (Poppea), Franz-Josef Selig (Claudio), David
Daniels (Ottone), Henry Waddington (Pallante), Dominique Visse
(Narciso), Enric Martínez-Castignani (Lesbo) - production
de Théâtre Royal de la Monnaie, Bruxelles;
Théâtre des Champs-Elysées, Paris

- WebThéâtre - Une soirée
catastrophique !
"David McVicar s\92appuie trop
souvent sur le côté comique et donc il transforme la
tragicomédie en une sorte de vaudeville un peu trash, piquant,
toujours léger : quelques pas de danse en arrière-plan
nous ont même fait penser aux chorégraphies de Gene
Kelly !
Outre que l\92orchestre
était souvent en déphasage avec les chanteurs, il s\92est
montré pesant, monotone et sans vivacité aucune.
Même la basse continue semblait lasse de devoir accompagner les
chanteurs dans les récitatifs. Il s\92agissait certainement de
la dernière représentation de la série et la
fatigue se faisait sentir, mais ce soir-là l\92orchestre
symphonique du Liceu sous la direction d\92Harry Bicket, pourtant un
chef expérimenté, n\92avançait pas.
Aux défauts de la mise
en scène, démodée, et à la pesanteur de
l\92orchestre sont venues s\92additionner les contreperformances de la
plupart des artistes sur la scène. Sarah Connoly \96Agrippina -
n\92a pas mis en valeur ni dramatiquement ni vocalement la perfidie de
son superbe personnage et donc elle est restée gentille et
sympathique, grotesque cependant face aux personnages de Pallante -
Henry Waddington - et de Narciso - Dominique Visse - ses soupirants.
Si Dominique Visse en a fait des kilos, comme à son habitude,
dans son modeste rôle, Malena Ernman en a fait des tonnes dans
le rôle travesti de Nerone, contribuant ainsi à gommer
le côté dramatique et truculent de l\92histoire. Danielle
de Niese a chanté, et surtout joué, une Poppée
aguicheuse et sensuelle ; un changement de robe en direct de grand
effet, l\92a transformée instantanément de courtisane
élégante en péripatéticienne vulgaire.
Elle a été très applaudie car elle a
réussi des morceaux de bravoure mais ses ornements vocaux
étaient souvent approximatifs et forcés, artificiels.
Ce sont finalement Franz-Josef Selig \96Claudio hilarant face à
Poppée- et surtout David Daniels \96Ottone- les deux voix qui
par respect pour la partition et par leurs jeux
tempérés auront sauvé cette \9Cuvre de jeunesse de
Georg Friedrich Händel."
- Londres - Royal College of
Music - Britten Theatre - 8, 11, 12 octobre 2013 -
Aldeburgh, Snape Maltings Concert Hall
- 19 octobre 2013 - Malvern,
Malvern Festival Theatre - 24 octobre 2013 - Harrogate,
Harrogate Theatre - 2 novembre 2013 - Durham, Gala Theatre - 4 novembre 2013
- Buxton, Buxton Opera House -
9 novembre 2013 - Cambridge, Cambridge
Arts Theatre - 15, 16 novembre 2013 - Exeter, Exeter Northcott - 22, 23
novembre 2013 - English Touring Opera - dir. Jonathan Peter Kenny
- mise en scène James Conway - décors, costumes
Samal Blak - lumières Ace McCarron - traduction James
Conway - avec Gillian Webster (Agrippina), Andrew Slater
(Claudius), Clint van der Linde (Ottone), Luke D Williams (Lesbo),
Jake Arditti (Nero), Nicholas Merryweather (Pallante), Paula Sides
(Poppea), Russell Harcourt (Narciso) - nouvelle production


- Izmir, Elhamra Sahnesi
- 27, 30 mai 2013 - 16, 18 novembre, 3 décembre
2013 - dir. Zdravkov Dimitrov - mise en scène Mehmet
Ergüven - décors, costumes Gülden Sayil Senlikli
- lumières Müfit Özbek - chorégraphie
Neslihan Öztürk - avec Linet Saul (Agrippina), Kenan
Dagasan (Claudio), Erdem Erdogan (Nerone), Sevinç Demirag
(Poppea), Cengiz Sayin (Ottone), Alaaddin Ataseven (Pallante),
Cenk Karaferya (Narciso), Murat Duyan (Lesbo)


- Théâtre des
Champs Élysées - 15 mai 2013 - version de
concert - Al Ayre Español - dir. Eduardo López Banzo
- avec Ann Hallenberg (Agrippina), Vivica Genaux (Nerone),
María Espada (Poppea), Carlos Mena (Ottone), Luigi Di
Donato (Claudio), Enrique Sánchez Ramos (Pallante),
Elías Benito (Lesbo), José Hernández Pastor
(Narciso)

https://www.youtube.com/watch?v=R_FSL6TFeow
https://www.youtube.com/watch?v=36ZpecAeyoA
https://www.youtube.com/watch?v=ilw4UOT1TqQ
"Magistrale comédie de
m\9Curs et premier grand succès lyrique de Haendel, Agrippina
peut fort bien se passer de mise en scène si elle se voit
confier à des interprètes qui l\92ont déjà
joué ou, à défaut, qui ont assez
d\92expérience et de personnalité pour s\92approprier leurs
rôles. Malgré quelques faiblesses, la version de concert
donnée au Théâtre des Champs-Elysées
mercredi dernier en apporte une brillante démonstration,
réussissant même à éclairer certains
protagonistes sous un jour nouveau. Il faut préciser que les
coupes sombres pratiquées par Eduardo López Banzo dans
une trame dense et serrée en ont toutefois
préservé la cohérence et la fluidité. En
outre, à la tête de son ensemble Al Ayre Espanol, le
chef veille au grain et souffle sur les braises pour maintenir le
rythme de l\92action en parfaite intelligence avec les solistes du
chant.
A en croire les historiens,
l\92empereur Claude ne semble pas avoir été une
lumière et certains commentateurs se persuadent que le
cardinal Grimani a chargé le portrait pour mieux brocarder
à travers lui le pape Clément XI, son ennemi
juré. Mais le personnage dessiné par le librettiste et
coloré par Haendel est-il vraiment ce balourd pitoyable
volontiers incarné par les titulaires du rôle ? Luigi de
Donato impose d\92emblée une prestance, tant physique que
vocale, qui n\92entre pas en contradiction avec le livret alors que les
premières pages dévoilent la sensibilité et la
douceur d\92un homme simple, faible et lascif, mais sans malice («
Vieni o cara », joyau de la partition où le chanteur
déploie des trésors de délicatesse). Certes, ses
rodomontades prêtent à sourire (savoureux « Cade il
mondo »), mais le sourire se fait complice lorsque la basse
italienne décoche les traits avec juste ce qu\92il faut de
distanciation pour suggérer l\92autodérision de Claude
qui, par contre, se révèle trop entier pour subodorer
la duplicité d\92Agrippine ou de ses féaux. En revanche,
s\92il se montre naïf, il n\92est pas pour autant stupide. Au
contraire, il sait comment s\92y prendre pour gagner du temps avec
Agrippine, confondre Othon et Poppée ou renvoyer Néron
dans les jupes de sa mère. Nous savons gré à
Luigi de Donato de nous rappeler ces nuances parfois
escamotées par des compositions caricaturales.
Bien plus que cet empereur
débonnaire, ce sont Pallas et Narcisse que l\92opéra
frappe de ridicule et fustige, vils et lâches courtisans qui
vendraient leur âme au diable pour une parcelle de pouvoir.
Cependant, nos deux comparses sont les premières victimes de
la réduction de l\92opéra : ils y perdent notamment leur
second air, ce dont, à dire vrai, nous ne nous plaindrons pas.
Le Pallas générique et terne d\92Enrique Sánchez
(baryton) souffre du voisinage de Luigi De Donato, mais retrouverait
presque des couleurs et une consistance à côté du
Narcisse de José Hernández Pastor
(contre-ténor), très probablement malade et dont la
charité nous interdit de commenter la prestation. L\92alto de
Carlos Mena a perdu de son velours et manque d\92assises pour une
partie aussi grave que celle d\92Othon (créée par
Francesca Vanini-Boschi). Son émission
hétérogène le fatigue et dessert plusieurs airs
(« Coronato al crin » manque d\92éclat), mais
l\92artiste excelle toujours dans l\92élégie (« Voi
che udite ») et se révèle sublime dans la
confession amoureuse (« Tacerò, tacerò »,
caressant et rêveur).
Le mezzo corsé de
Vivica Genaux a presque trop de caractère pour un Néron
à peine pubère, mais c\92est en même temps un luxe
dont nous savourons chaque intervention, dans l\92attente des
coloratures spectaculaires du troisième acte (« Come nube
che fugge dal vento ») qui fusent telles les balles d\92une
mitrailleuse. Le soprano de Maria Espada affiche un aplomb et une
fraîcheur éclatante en Poppée, mais l\92intrigante,
moins Sémélé que Cléopâtre,
n\92assume guère sa coquetterie (« Vaghe perle »
déroutant de sobriété) et surprend, en revanche,
par sa détermination et une autorité qui en feraient
presque la fille spirituelle d\92Agrippine, dont elle retient et
applique la leçon avec une habileté remarquable. «
Celui qui cherche à tromper sera trompé »
fait-elle dire à l\92impératrice lorsque Claude chasse
Néron de sa chambre, mais celle-ci aura le dernier
mot.
L\92Agrippine d\92Ann Hallenberg
consacre la rencontre, inestimable, d\92un grand rôle et d\92une
interprète totalement habitée. Cela fait des
années qu\92elle le travaille, à la scène et en
concert, et elle l\92aborde avec un naturel renversant : notes, mots,
inflexions semblent couler de source et renouvellent cette enivrante
illusion de la spontanéité qui nous suspend à
ses lèvres, au moindre cillement de paupière. Sa
proposition ne fera pas l\92unanimité et d\92aucuns jugeront cette
Agrippine trop avenante, sensuelle et radieuse \96 plaisir d\92Ann
Hallenberg ou douce jubilation de son personnage ? Les deux semblent
se confondre \96 comme si le monstre, cette mère
obnubilée par l\92avènement de sa progéniture et
prête à tout pour arriver à ses fins, devait
nécessairement affleurer en lézardant le masque de la
comédienne d\92un rictus inquiétant. La concentration et
la précision de ses attaques, qui ont la netteté du
laser, dans « Pensieri voi mi tormentate » trahissent
à suffisance l\92inflexible volonté qui habite cette
manipulatrice hors pair dont la séduction, et non la menace,
constitue l\92arme principale (« Se vuoi pace, o volto amato
», au III, atteint des sommets de sophistication et de
raffinement). Vocalement, comme le soulignait Christophe Rizoud
l\92automne dernier, rien ne lui résiste, « rien ni
personne » ajouterons-nous, en espérant que sa
performance soit un jour immortalisée au disque ou en DVD.
Elle aurait justifié à elle seule les applaudissements
nourris et les rappels du public du Théâtre des
Champs-Elysées manifestement ravi d\92avoir fait le
déplacement. "
- Berlin, Schiller Theater
- 2, 5, 9 mai 2013 - Akademie für Alte Musik
Berlin - dir. René Jacobs - mise en scène Vincent
Boussard - décors Vincent Lemaire - costumes Christian
Lacroix - lumières Guido Levi - avec Alex Penda
(Agrippina), Marcos Fink (Claudio), Jennifer Rivera (Nerone),
Bejun Mehta (Ottone), Sunhae Im (Poppea), Christian Senn
(Pallante), Dominique Visse (Narciso), Gyula Orendt (Lesbo)


- Musicologie - Une « Agrippina » de
Georg Friedrich Haendel vénéneuse à souhait
au Staatsoper de Berlin
Preuve que les
employés du Staatsoper im Schiller Theater de Berlin
travaillent efficacement \97 même le dimanche \97, les imposants
décors du « Fliegende Holländer » de la veille
avaient, le 5 mai, complètement disparu : la place
était nette pour accueillir le plateau épuré du
metteur en scène Vincent Boussard, les filins scintillants du
décorateur Vincent Lemaire et les somptueux costumes
signés Christian Lacroix dans une nouvelle production d\92«
Agrippina ». Opéra en trois actes composé par
Georg Friedrich Haendel, d'après un livret de Vincenzo Grimani
pour la saison 1709-1710 du Carnaval de Venise, « Agrippina
» raconte l\92histoire des complots ourdis par cette mère
vénéneuse, s\9Cur de l\92inoubliable Caligula, contre son
époux l\92Empereur romain Claude afin d\92asseoir son fils
Néron sur le trône de Rome. Ce « Mamas Liebling
» saura bien le lui rendre dans la réalité
historique en faisant assassiner sa génitrice cinq
années après avoir été proclamé
empereur. Haendel n\92ignore d\92ailleurs rien des appréhensions
maternelles puisqu\92il clôt son opera seria sur cette parole
prophétique d\92Agrippine : « Or che regna Neron, moro
contenta ».
Autant dire que cette
pièce, dans l\92esprit du compositeur, se veut aussi un miroir
satirique à peine déformé des m\9Curs sanglantes
d\92une époque antique\85suffisamment modulable pour
dénoncer celles de son temps : d\92où une
scénographique qui n\92hésite pas à multiplier les
instants cocasses ou les comiques de situation concernant le plus
souvent l\92Empereur. Et ce, par le truchement de son bouffon et
confident Lesbo, magnifiquement interprété par Gyula
Orendt. Lorsque le bon peuple rit de ses dirigeants, il ne songe pas
à se révolter. Encore moins à s\92en
débarrasser.
Si Penelope dans « Il
ritorno d\92Ulisse in patria » écrit par Monteverdi en 1640
\97 et qui terminera à la fin de ce mois la saison de
l\92Opéra de Nice \97 demeure le premier rôle de mère
dans l\92histoire de l\92opéra, celui d\92Agrippine, plus jeune et
entièrement dévolu au cynisme de ses ambitions, domine
du début jusqu\92à la fin dans l\92inexorable tissage de
ses sombres intrigues. « Quel sang froid ! » dira d\92elle
l\92affranchi Pallante lorsqu\92elle parvient à retourner en sa
faveur une accusation lancée contre elle par Claudio.
Obsession du pouvoir, enchaînement de conspirations, alliances
sitôt trahies à peine conclues, amours
contrariées, promesses qui n\92engagent que ceux qui veulent
bien y croire, nourrissent les récitatifs et les arias des
différents protagonistes sur cette délicieuse musique
où l\92origine allemande du compositeur subit l\92influence
italienne après ses trois années de périple
péninsulaire.
Saluons d\92emblée
l\92excellente direction musicale du chef René Jacobs sur les
instrumentistes de l\92Akademie für Alte Musik de Berlin et sur
les chanteurs. Attaques énergiques, précision dans les
nuances : l\92âme de Georg Friedrich Haendel tour à tour
surprend ou émeut l\92assistance. La distribution des voix
demeure d\92une inégale valeur. Hors compétition, le
contre-ténor américain Bejun Mehta reçoit
plusieurs ovations pour sa remarquable interprétation d\92Ottone
: une voix claire, puissante, surtout constante, offre notamment,
à la scène 5 de l\92acte II un « Voi che udite il
mio lamento », superbe lamentation sur la solitude. Le
baryton-basse argentin Marcos Fink campe pour sa part un amusant
Claudio impérial, fruit des facéties de son entourage,
à la voix parfois un peu instable dans le vibrato. La basse
Christian Senn réussit sa performance vocale dans le
personnage de l\92affranchi Pallante tout comme Narciso, son acolyte
dans la pièce bien joué par le contre-ténor
français Dominique Visse.
Les voix féminines
sont, hélas, moins bien loties. Malgré de fort beaux
accents, la plupart d\92entre elles donnent le sentiment de chanter
pour elles-mêmes sans tenir compte du public ou de se produire
dans un salon restreint. Pendant la première partie, la
soprano d\92origine bulgare Alex Penda (Agrippina) \97 nonobstant une
surprenante tessiture lui permettant des graves profonds autant que
des aigus pointus \97, la mezzo-soprano américaine Jeniffer
Rivera (Nerone) et la soprano coréenne Sunhae Im (Poppea)
semblent retenir leur voix lesquelles parviennent parfois
difficilement jusqu\92au public. Et ce, malgré la
proximité d\92un plateau avancé au-delà de la
fosse d\92orchestre. C\92est dire. A moins qu\92elles ne subissent la
tendance de plus en plus relevée parmi de nombreux et jeunes
artistes : celle d\92épargner leur instrument vocal pour n\92en
donner que le meilleur au moment le plus propice de leur rôle.
La « performance » au sens économique mais pas
lyrique. Phénomène regrettable. La deuxième
partie modifie cette désagréable impression et,
finalement, les trois caractères féminins se projettent
mieux vocalement avec des aigus puissants, jusqu\92au tomber de rideau.
Une production d\92ensemble qui n\92en reçoit pas moins un accueil
enthousiaste du public. L\92envoûtante musique de Haendel n\92en
est certainement pas la moindre des raisons."
- Giessen, Großes Haus
- 23, 30 mars, 6, 18 avril, 4, 19 mai 2013 - dir.
Michael Hofstetter - mise en scène Balázs Kovalik -
chef de choeur Jan Hoffmann - décors et costumes Lukas Noll
- lumières Manfred Wende - dramaturgie Christian
Schröder - Philharmonisches Orchester Gießen - avec
Hans Christoph Begemann (Claudio), Francesca Lombardi Mazzulli
(Agrippina), Valer Sabadus (Nerone), Naroa Intxausti (Poppea),
Terry Wey (Ottone), Tomi Wendt (Pallante), Sora Korkmaz
(Narciso)


- Kiel - Opernhaus
- 11 janvier, 14, 22 février, 28 mars, 5, 21
avril, 25 mai, 15 juin 2013 - dir. Rubén Dubrovsky - mise
en scène Arila Siegert - décors Hans Dieter Schaal -
costumes Marie-Luise Strandt -
avec Heike Wittlieb (Agrippina), Lesia Mackowycz (Poppea), Amira
Elmadfa (Nerone), Marina Fideli (Narciso), Kyung-Sik Woo
(Claudio), Tomohiro Takada (Pallante), Antonio Giovannini
(Ottone), Ulrich Burdack (Lesbo) - nouvelle production
- Oviedo - Teatro Campoamor
- 16, 18, 20, 22 décembre 2012 - dir. Benjamin
Bayl - mise en scène Mariame Clément -
décors, costumes Julia Hansen - lumières Bernd
Purkrabek - avec Pietro Spagnoli (Claudio), Anna Bonitatibus
(Agrippina), Serena Malfi (Nerone), Elena Tsallagova (Poppea),
Xavier Sabata (Ottone), João Fernandes (Pallante), Flavio
Ferri-Benedetti (Narciso), Valeriano Lanchas (Lesbo), Cristina
Faus (Giunone) - nouvelle coproduction avec De Vlaamse Opera

- Kiel - Opernhaus
- 10, 18 novembre, 8, 29 décembre 2012 - dir.
Rubén Dubrovsky - mise en scène Arila Siegert -
décors Hans Dieter Schaal - costumes Marie-Luise
Strandt - avec Heike Wittlieb
(Agrippina), Lesia Mackowycz (Poppea), Amira Elmadfa (Nerone),
Marina Fideli (Narciso), Kyung-Sik Woo (Claudio), Tomohiro Takada
(Pallante), Antonio Giovannini (Ottone), Ulrich Burdack (Lesbo) -
nouvelle production

- Gand - De Vlaamse Opera
- 21, 24, 26, 28, 30 octobre, 4, 6 novembre 2012 -
Vlaamse Opera Symphony Orchestra - dir. Paul McCreesh - mise en
scène Mariame Clément - décors, costumes
Julia Hansen - lumières Bernd Purkrabek - avec Ann
Hallenberg (Agrippina), Renata Pokupic (Nerone), Elena Tsallagova
(Poppea), Umberto Chiummo (Claudio), Kristina Hammarström
(Ottone), João Fernandes (Pallante), José Lemos
(Narciso), Gevorg Grigoryan (Lesbo), Marija Jokovic (Giunone) -
nouvelle coproduction avec Opera de Oviedo

- Forum Opéra - Ann Hallenberg, Sue Ellen
impériale
"De tous les opéras de
Haendel, Agrippina est sans doute celui qui dispose du livret le plus
engageant : un sujet tiré de l'histoire antique, des
personnages avec une vraie consistance dramatique, des
rebondissements dignes d'une pièce de boulevard, des portes
qui claquent et des amants cachés dans le placard. De quoi
maintenir l'intérêt en éveil d'un bout à
l'autre de l\92ouvrage malgré la longueur et le nombre important
de récitatifs, une caractéristique propre à
l'esthétique vénitienne de l\92\9Cuvre au même titre
que le mélange des genres - comique et tragique -, le
foisonnement des scènes et des personnages, les multiples
retournements de situation. Inversement, la méta-structure
dramatique de l'opéra, plus organisée qu'il n'y
paraît avec ses trois actes et huit tableaux, le rattache au
dramma per musica tel qu'Apostelo Zeno en fixa les codes au
début du XVIIIe siècle. A cheval sur deux écoles
donc, cette histoire de sexe et de pouvoir fera le bonheur d'un
metteur en scène pour peu qu'il soit inspiré.
Fille des années 80,
Mariame Clement a choisi d\92en projeter l'argument dans l'univers des
soap operas de sa jeunesse. De Rome à Dallas, la machine
théâtrale tourne à plein régime
grâce à un dispositif scénique ingénieux,
à cheval - lui aussi - sur deux plans : au sol, des
décors que font rouler à vue des machinistes, et en
hauteur, quatre écrans de taille inégale. Les premiers
offrent un cadre à chaque scène - bureau, chambre,
salon, salle de bain ou de restaurant - les seconds achèvent
de camper le décor en y superposant des images. Sans cesse
renouvelé, ce procédé bénéficie de
moyens suffisants pour que chaque tableau - et Dieu sait s'ils sont
nombreux - soit un régal pour l'\9Cil. Tout aussi variés
et sophistiqués, les costumes de Julia Hansen participent
à l'impression de luxe artificiel, en symbiose avec ces
séries américaines qui ont guidé la
transposition. Mais une idée de départ, aussi bonne et
aussi richement réalisée soit-elle, ne tient que si
elle est animée par un propos théâtral. C'est
là où le travail de Mariame Clément trouve son
aboutissement, derrière la recherche de gestes en
adéquation avec la musique et les mots. Aucun air qui ne soit
mis en situation, aucun da capo qui ne soit accompagnée d'un
nouveau jeu de scène, toujours à propos, sans que le
mouvement ne vienne jamais parasiter la musique, au contraire.
On suppose que cette recherche
permanente de sens dramatique a dû inspirer les chanteurs
jusque dans leur manière d'interpréter leur rôle.
Quelles que soient leur adéquation vocale et leur
habileté à maîtriser la virtuosité de
l'écriture, les personnages demeurent d'une
vérité scénique confondante. Qu'ils
détiennent en plus les clés musicales de leur partition
et l\92interprétation devient totale : Kristina
Hammarström, Ottone introverti et sensible ainsi que l\92a voulu
Haendel en lui attribuant les airs les plus élégiaques
; Renata Pokupic, Nerone velléitaire, ingrat parfois mais si
juste dans l\92agitation nerveuse de la ligne et la couleur
indéfinissable de la voix ; Elena Tsallagova, Poppea
peroxydée dont la colorature légère mais
précise participe au sex-appeal et, avant toutes, l\92Agrippina
idéale d\92Ann Hallenberg. La technique n\92est évidemment
pas une contrainte pour la mezzo-soprano. Mieux, les
difficultés d\92écriture ajoutent encore à
l\92intelligence de la composition. Saut d\92octaves, vocalises en
rafale, messe di voce, rien ne lui résiste, tout signifie. La
voix est longue, égale ; le ton souverain. Les
récitatifs forment à eux seuls une leçon de
chant qui voit, selon le sens, la syllabe appuyée ou
esquivée, le mot mordu ou caressé. Les arias
remplissent leur office, quel que soit l\92affect exprimé avec
au sommet un « pensieri, voi mi tormentate »
stupéfiant dont les silences sont encore musique. Dommage que
dans la fosse, Paul McCreesh, en panne d\92imagination dramatique, ne
parvienne pas à hisser le Symfonisch Orkest van de Vlaamse
Opera à la hauteur d\92une telle
impératrice."
- Basilique Notre-Dame de
Beaune - 6 juillet 2012 - version de concert -
Orchestre Modo Antiquo - dir. Federico Maria Sardelli - avec Ann
Hallenberg (Agrippina), Renata Pokupic (Nerone), Roberta
Mameli(Poppea), Luigi De Donato (Claudio), Lawrence Zazzo
(Ottone), Andrea Arrivabene (Narciso), Clemente Antonio Daliotti
(Pallante), Abramo Rosalen (Lesbo)
"Pour l\92ouverture de son
trentième anniversaire, le Festival International
d\92Opéra Baroque de Beaune proposait Agrippina de Haendel (en
version de concert) dans la Basilique Notre-Dame en raison des
conditions météorologiques qui n\92ont pas permis sa
représentation dans la Cour des Hospices.
Sommet de la production
italienne de Haendel, cet opéra, qui valut au compositeur
l\92appellation de « caro Sassone », se caractérise
tout autant par la qualité de son livret qui fait la part
belle à l\92approfondissement psychologique des personnages et
à l\92humour, omniprésent, que par l\92abondance des airs,
souvent courts et très variés, ainsi que par la
synthèse des genres musicaux français et italien, qui
en font un véritable condensé des multiples facettes de
l\92écriture musicale haendélienne.
C\92est cette extraordinaire
diversité des genres, des styles, des affects et des points de
vue que cette représentation, remarquable à tous
égards, a su mettre en évidence. Paradoxalement,
l\92absence de mise en scène fait ressortir avec force la
théâtralité de l\92\9Cuvre : les chanteurs, assis de
part et d\92autre de l\92orchestre, se lèvent à tour de
rôle en adoptant dans leur gestuelle et leurs mimiques les
éléments essentiels à la compréhension de
leur situation, de leurs pensées dissimulées et des
intrigues qui se nouent. Leur proximité et leurs
déplacements dans le petit espace qui les sépare
rendent sensibles la fragilité des alliances et la
rapidité des retournements. En outre, le lien entre la musique
et le chant se fait naturellement et dans un équilibre
permanent, les dialogues entre voix et instruments (comme le hautbois
solo dans le premier air d\92Agrippina, « L\92alma mia ») font
sens, le corps du chef participe aussi de la
dramaturgie.
C\92est donc un spectacle d\92une
qualité exceptionnelle auquel nous avons le bonheur d\92assister
: la direction subtile, précise et pleine d\92humour de Federico
Maria Sardelli \96 qui tient également la partie de flûte
à bec \96 à la tête de l\92Orchestre Modo Antiquo,
déjà entendu à Beaune dans Ariodante en 2009 et
Juditha triumphans en 2011, révèle pleinement la
virtuosité d\92une partition qui emprunte aux \9Cuvres
précédentes de Haendel et d\92autres compositeurs. Le
tempo enlevé et quelques coupes dans le livret permettent de
suivre avec un intérêt constant cet opéra d\92une
longueur parfois considérée comme excessive et
réduite ici à moins de trois heures.
Les interprètes sont
tous confondants de justesse, de sensibilité et de
virtuosité, à commencer par le mezzo-soprano
suédois Ann Hallenberg, captivante et envoûtante
Agrippine à la voix limpide et à la présence
scénique rayonnante. Comment ne pas céder à la
moindre de ses demandes ? Les vocalises de l\92air « Alma mia
», les apartés de l\92aria da capo « Tu ben degno
», les passages d\92un affect à l\92autre (lamento, aria di
furore\85), le style instrumental, les déclarations
impérieuses et les moments d\92abattement, les contrastes (aria
« Pensieri » par exemple), la drôlerie et la
duplicité dans les échanges avec les affranchis, tout
semble éminemment naturel tant la maîtrise de la
technique et de l\92interprétation est grande.
À ses
côtés, le mezzo-soprano croate Renata Pokupic campe un
Néron convaincant : sa voix chaude et profonde se
métamorphose au gré des situations, selon que le
personnage cède aux instances de sa mère, veut
séduire, ou s\92abandonne à l\92indignation (formidable
aria di tempesta « Come nube che fugge dal vento »). Le
soprano Roberta Mameli sait rendre convaincant le rôle de
Poppée, fatale séductrice : la voix est agile (aria
« Vaghe perle, eletti fiori »), capiteuse (« Bel
piacere »). Luigi de Donato est un Claude de grande classe, aux
basses profondes et majestueuses, d\92une grande agilité sur
l\92ensemble de la tessiture, et scéniquement parfait, comme
tous d\92ailleurs.
Le contre-ténor
américain Lawrence Zazzo, au visage illuminé en
permanence d\92un immense sourire, émeut particulièrement
en Othon, seul personnage de l\92opéra qui soit
dénué d\92arrière-pensées
égoïstes et dont Haendel a magnifié musicalement
l\92innocence et la pureté. Doté d\92une voix puissante aux
aigus superbes et d\92un sens raffiné des nuances, Lawrence
Zazzo entre en communion avec l\92orchestre dont les sons se
mêlent à son chant en une fusion absolue (lamento «
Voi che udite », aria « Ti vo\92 giusta »). Andrea
Arrivabene interprète de manière crédible, dans
un rôle de composition, le personnage timide, maladroit et
intrigant à la fois de Narcisse, contrastant à
merveille avec Clemente Antonio Daliotti, affichant la morgue et
l\92aisance d\92un Pallas à la voix assurée, techniquement
impressionnant d\92agilité, notamment dans l\92aria « La mia
sorte fortunata ». Lesbus enfin est interprété par
Abramo Rosalen, qui dans un petit rôle sait mettre en valeur
une voix de qualité (une seule arietta permet de l\92entendre en
dehors des récitatifs : « Allegrezza, allegrezza ! »
au premier acte).
Toutes les conditions
étant réunies, les ensembles vocaux sont pure
merveille, et le ch\9Cur final une véritable apothéose.
Le public est conquis, au point de ne pouvoir s\92empêcher
d\92applaudir certains airs au mépris des usages (tant de
l\92unité dramatique de chaque acte que du lieu de la
représentation), provoquant parfois l\92attente amusée du
chef et des musiciens qui avaient pris le parti d\92une narration
continue. Magnifique coup d\92envoi pour le trentième Festival
de Beaune, cette Agrippina apparaît à tous points de vue
comme un modèle d\92interprétation."
Comme à son habitude,
Beaune ouvre les festivités de ses quatre weekends baroques
avec une \9Cuvre de Haendel. Cette année, il s\92agit d\92une
truculente \9Cuvre de jeunesse composée durant la période
italienne du compositeur : Agrippina, dont le livret au sujet
politico-amoureux, met principalement en scène les
stratèges d\92une Agrippina prête à l\92impossible
pour asseoir son fils Nerone sur le trône. C\92est Eduardo Lopez
Banzo et son ensemble qui devaient initialement prendre en charge ce
concert, mais suite à des coupes budgétaires ils ont
déclaré forfait et le festival de trouver dans
l\92urgence des remplaçants. Federico Maria Sardelli et son Modo
Antiquo relèvent le défi et contribuent à la
réussite de la soirée même s\92ils ont dû
lutter contre l\92acoustique assassine de la basilique, et ainsi
involontairement offrir un son à la perception parfois
brouillonne. A noter quelques moments fort inspirés tels que
la petite touche jazzy du luth, ou l\92intervention du chef à la
flûte, ou encore le bref déchaînement orchestral
dans la partie centrale de l\92air « Voi che udite »
d\92Ottone\85 pourtant il faut déplorer la lenteur des
enchaînements airs/récitatifs qui tend à faire
retomber la tension dramatique ainsi que les coupes importantes des
da capo et surtout de la géniale reprise voulue par le
compositeur du lancinant « Pensieri » traduisant
l\92extrême tourment qui ronge Agrippina.
Heureusement l\92ennui ne risque
pas de s\92installer avec la prodigieuse mezzo-soprano Ann Hallenberg
qui transcende véritablement le personnage d\92Agrippina. Bien
connue pour ses brillantes interprétations des rôles de
castrats haendéliens (même si elle y laisse souvent une
pointe de féminité), avec ce rôle de femme
trompée mais assumé, de perfide manipulatrice et de
mère louve enragée, elle touche au sublime ! Elle
s\92impose d\92emblée de façon éclatante, pourtant
(ingénieusement) cantonnée à de « simples
» récitatifs pendant près d\92une demie heure, elle
retient l\92attention par la clarté et la qualité
expressive d\92une diction exceptionnelle qui rendent les
récitatifs (qui auraient pu paraître quelconques avec
quelque autre interprète) plus passionnants encore que les
airs chantés par ses collègues ! Et comment
résister non seulement au crémeux de son mezzo si
chaleureux mais aussi à son penchant naturel pour la
comédie ? Comment résister à ses \9Cillades
complices, cette façon si particulière de sourciller ou
de se pincer la joue avec malice, ou encore de chanter rageusement en
serrant les dents\85? Certains airs se transforment alors en force
dévastatrice comme son « Pensieri » (pour ne citer
que celui-ci) chanté comme si sa vie en dépendait.
Pour rivaliser avec cette
personnalité hors du commun, il fallait trouver une redoutable
Poppea en la personne de la soprano Roberta Mameli. Dans un tout
autre registre et avec grande classe, celle-ci parvient à
s\92imposer en faisant valoir ses pianissimi de petite fille qui la
rendent faussement innocente pour mieux contraster avec sa voix
pleine revancharde, en variant les couleurs de son timbre, ou en nous
étourdissant avec les vocalises d\92un vaillant « Fa quando
vuoi ».\85, des armes suffisamment redoutables pour contrer
l\92écrasante Agrippina. Poppea va se servir de l\92amour que lui
porte le souverain Claudio pour se venger d\92Agrippina. Ce dernier,
est certes un personnage naïf mais Luigi De Donato va lui
conférer une grande prestance. Alors, même s\92il se
trouve en difficulté avec les notes aiguës du redoutable
air « Cade il mondo », la chaleur de sa voix ferme et
sonore, la profondeur des ses notes graves ainsi que la charmeuse
douceur de son timbre font merveille dans tous les autres airs.
Deux autres personnages vont
être hautement manipulés : le fils d\92Agrippina Nerone,
amoureux de Poppea, trouve en Renata Pokupic, une interprète
fougueuse et juvénile mais à la gestuelle peu
convaincante ; et Ottone, l\92amant de Poppea, honnêtement
interprété par le contre-ténor Lawrence Zazzo.
Deux interprètes efficaces mais peu marquants. Enfin trois
rôles mineurs viennent compléter la distribution :
Pallante, Narciso et Lesbo, respectivement chantés par
Clemente Antonio Daliotti, Andrea Arrivabene et Abramo Rosalen. Tout
trois ont contribué à la réussite de cette
représentation (mention spéciale pour le baryton
Daliotti, à la voix bien timbrée et si facile dans les
vocalises).
La soirée aurait pu ne
laisser qu\92un souvenir agréable, mais c\92était sans
compter sur l\92implication hors norme de la mezzo-soprano Ann
Hallenberg, irrésistible et mémorable dans le
rôle d\92Agrippina !"
- Auditorium de Dijon
- 8, 11, 13 octobre 2011 - Opéra de Lille - 5, 7, 9
novembre 2011 - Le Concert d'Astrée - dir. Emmanuelle
Haïm - mise en scène Jean-Yves Ruf - décors
Laure Pichat - costumes Claudia Jenatsch - lumières
Christian Dubet - avec Alexandra Coku (Agrippina), Renata Pokupic
(Nerone), Sonya Yoncheva (Poppee), Tim Mead (Ottone), Alastair
Miles (Claudio), Riccardo Novaro (Pallante), Pascal Bertin
(Narciso), Jean-Gabriel Saint-Martin (Lesbo) - Coproduction avec
Opéra de Lille

"Comment ne pas être
saisi d\92emblée par la modernité et par la
multiplicité des thèmes abordés dans
l\92opéra Agrippina ? Le livret de Vincenzo Grimani brasse
allègrement les problèmes liés au domaine
politique tels que la corruption, le populisme, le mensonge
lié à l\92ambition, avec le sentiment maternel possessif,
avec la concupiscence et aussi avec l\92expression de l\92amour «
traditionnel ». Ce mixage s\92opère dans le cynisme le plus
réjouissant et les quatre heures que dure celui-ci se
déroulent sans qu\92on n\92y prenne garde : on y sent bouillonner
la vie dans toute sa complexité.
C\92est probablement à
Emmanuelle Haïm que l\92on doit de ressentir cet élan vital
si foisonnant. Sa direction, tour à tour nerveuse ou au
contraire alanguie, met très bien en relief les
caractères contrastés des protagonistes : elle suit au
plus près les inflexions vocales, allant même
jusqu\92à dessiner les volutes de la ligne mélodique
quand c\92est nécessaire, car elle vit et s\92implique totalement
dans son travail ! Celui-ci est absolument remarquable dans le
domaine de l\92instrumentation : en effet, jamais l\92orchestre ne
pèse, mais toujours on se dit que le timbre choisi est le bon
pour rendre le sens des paroles et même le renforcer.
On sait depuis longtemps que
la mode est aux mises en scène « épurées
» ; mais, tout en reconnaissant que dans les périodes de
crise on se doit d\92être sobre, on ne peut que regretter que
celle-là ne soit pas plus baroque\85 Que les costumes se
contentent d\92une modernité banale, soit. Mais que le
décor ultra classique en rajoute sur cette impression de
platitude, c\92est un peu dommage. Pourtant, le metteur en scène
sait apporter des notes d\92humour : bravo au chien de garde
d\92Agrippine, bravo pour la séquence des fleurs dont la couleur
réchauffe la scène, bravo pour le porteur de valise
dont la présence évoque des souvenirs chez le
spectateur actuel !La distribution est réussie et les timbres
si différents des protagonistes choisis avec justesse
s\92accordent avec bonheur. Par exemple, Narciso et Pallante, pourtant
radicalement différents dans leur caractère, forment un
duo comique homogène comme les deux Dupondt ! L\92empereur
Claudio est parfaitement ridicule dans son rôle de barbon
amoureux et la scène 21 de l\92acte 1 est un pur régal.
Renata Pokupic est une des révélations de cette
distribution : sa voix claire et puissante devrait faire merveille
dans d\92autres distributions. On peut faire la même remarque
pour celle de Sonya Yoncheva : son rôle, plus important, est
soutenu sans faiblesse, et on se réjouit de la retrouver
à la fin de la saison dans l\92opéra de Monteverdi. Celui
d\92Agrippina est écrasant ; les multiples facettes de la
personnalité de cette mégère sont redoutablement
difficiles à interpréter d\92une façon
crédible, mais Alexandra Coku, remplit la scène par sa
prestance et par sa conviction ; malgré quelques aigus un peu
métalliques et « claqués », sa performance
remporte l\92adhésion. Tim Mead, peu convaincant dans le premier
acte, se révèle d\92une façon inattendue par la
suite : son aria « Voi che udite il mio lamento » est une
pure merveille ; il est vrai aussi que l\92écriture qui dans ce
cas est traditionnellement toute en dissonances est mise en valeur
par l\92orchestre qui y ajoute une bonne dose
d\92émotion\85"
"Secouant ici ou là nos
démocraties, chaque scandale politique rappelle la
modernité d\92Agrippina \96 une \9Cuvre qui affiche avec vigueur ses
trois cent ans, puisqu\92elle fut créée au Teatro San
Giovanni Grisostomo de Venise en décembre 1709. C\92est sans
doute parce qu\92en rédigeant le livret du sixième
opéra du jeune Händel \96 et dernier de sa période
italienne \96, le Vice-Roi de Naples Vincenzo Grimani ne fait que
décrire, avec l\92alibi de m\9Curs antiques, les rivalités
de son propre temps marqué par des querelles familiales autour
de la succession d\92Espagne, et mettre en avant cette évidence
: mensonge et manipulation sont des atouts immémoriaux pour
parvenir au pouvoir, terreau d\92alliances jamais pérennes.
En ce qui nous concerne, le
génie de Grimani est d\92avoir installé son intrigue
entre deux bains de sang \96 l\92assassinat de Caligula offrant le
trône à Claudio, l\92empoisonnement de ce dernier par son
épouse Agrippina, la mort de celle-ci rouée de coups
sur ordre d\92un Nerone décidément gynocide puisque
Poppea, enceinte de lui, périrait de sa main, etc. \96,
s\92écartant du côté purement tragique de
l\92Histoire romaine pour mieux raviver la comédie bouffonne du
XVIIe siècle, dans l\92esprit vénitien de Busenello et
Faustini. Familier de Shakespeare, Jean-Yves Ruf est à l\92aise
avec le mélange des genres \96 ce plaisir baroque « de la
virevolte, de l\92audace, de la vitalité » \96, offrant une
réconciliation émouvante et sensible (puis
érotique) entre deux amants comme des scènes burlesques
autour d\92un Claudio se désapant à loisir sans jamais
conclure. Avec succès, il balance également entre
réalisme \96 Arnaud Perron, confident eunuque et aphone des
apartés de Poppea \96 et symbolisme, demandant au
comédien Cyril Casmeze, ancien acrobate zoomorphe, d\92incarner
« la bête », cette sorte de présence primitive
et incongrue (mi chien, mi gorille), comme le fut Salvatore dans Le
nom de la rose. Le metteur en scène la voit comme une caisse
de résonnance au « monstre intérieur »
d\92Agrippina, et précise : « Il est très difficile
de jouer un être de pouvoir, car on mime une caricature
d\92autorité, alors qu\92un être de pouvoir est très
intériorisé, n\92a pas besoin de la montrer, tout est
dans une emprise violente mais presque invisible sur l\92autre. [\85]
Dès le début de l\92opéra, [Agrippina] pense avoir
vaincu, et tout s\92écroule : Claudio n\92est pas mort, et Ottone
est désigné pour le trône. Elle ne laisse
paraître aucun découragement. Il y a cette bête
tapie en elle, qui cherche toujours de manière instinctive la
sortie, le moyen d\92arriver à ses fins\85 Elle a du flair\85 »
Nimbés du «
glamour mélancolique » des années trente
grâce aux costumes de Claudia Jenatsch, les chanteurs de cette
production investissent l\92espace presque toujours muré
signé Laure Pichat, que des rideaux de chaînes mobiles
viennent souplement modifier. D\92une émission longtemps
serrée, parfois heurtée, Alexandra Coku
(rôle-titre) cisèle ses phrases d\92un soprano
corsé et gagne en aisance. À l\92inverse, le mezzo Renata
Pokupic s\92affirme d\92emblée ample et bien impacté,
inventif sur les da capo, offrant éclat et raucité
à un Nerone adolescent qui n\92est pas virilisé à
outrance. Avec son chant évident et agile, riche en grave,
Sonia Yoncheva (Poppea) forme un couple crédible avec Tim Mead
(Ottone), contre-ténor tendre et lumineux, émouvant de
simplicité et de droiture sur « Voi che udite il moi
lamento » \96 on les retrouvera dans ces même rôles,
à Dijon, en avril prochain, mais chez Monteverdi cette fois.
Alistair Miles est un Claudio drôle et sonore.
Transformés en faux jumeaux, Riccardo Novaro (Pallante) et
Pascal Bertin (Narciso) incarnent des caractères
complémentaires, le premier avec une énergie parfois
voilée dans les arie, le second plus caressant, à
l\92image d\92un « Spererò, poiché mel dice »
subtilement orné. Comme toujours, Jean-Gabriel Saint-Martin
(Lesbo) allie puissance et fiabilité.
À cette distribution
vocale des plus attachantes, où chacun rivalise de modestie au
moment des saluts, s\92ajoute la présence d\92Emmanuelle Haïm
à la tête du Concert d\92Astrée. Pour cette
partition fertile en airs, empruntant à la propre production
de Händel comme aux confrères croisés durant sa
période de formation \96 Keiser et Mattheson à Hambourg,
Corelli, Lotti et Scarlatti à Rome \96, la directrice musicale
favorise un moelleux constant où attaques instrumentales et
fureurs scéniques ne sont jamais agressives. Seul le c\9Cur de
l\92ouvrage, « Pensieri, voi mi tormentate », s\92avère
résolument saillant, tonique et rêche."
"Comment présenter, en
2011, des personnages de l\92Antiquité romaine mis en musique
par un compositeur du XVIII e siècle ? Dans sa mise en
scène, Jean-Yves Ruf a résolu la question en se jouant
des époques. Son Agrippina ne se veut pas « historique
» ; les complots et les trahisons qui s\92y déroulent sont
de tous les temps. Aussi, son travail s\92articule-t-il sur les
personnages et la complexité de leurs
sentiments.
La durée et la richesse
de l\92opéra de Haendel \96 pas moins 37 arias et autant de
récitatifs ! \96 pourraient effrayer le spectateur s\92il
n\92était pas, très vite, happé par l\92\9Cuvre. Le
mérite en revient, tout d\92abord, à Emmanuelle Haïm
et aux musiciens du Concert d\92Astrée, dont le
professionnalisme et la connaissance du répertoire baroque ne
sont plus à démontrer.
Mais, ils peuvent compter sur
huit solistes d\92exception, à commencer par cette Agrippina de
grande classe qu\92incarne Alexandra Coku, qui ne cède jamais
à la caricature. Face à elle, la mezzo-soprano Renata
Pokupic possède la voix idéale pour le rôle de
Neron, qu\92elle joue avec naturel. Les personnages d\92Otton et de
Narcisse font appel à deux contre-ténors, Tim Mead et
Pascal Bertin, à mi-chemin entre lumière et tendresse.
La basse Alastair Miles, qui n\92hésite pas à forcer un
peu le trait lorsqu\92il s\92agit de des déboires sentimentaux de
l\92empereur Claude, donne au spectacle sa touche de
légèreté. Mais la révélation de la
soirée s\92appelle Sonya Yoncheva : fine musicienne et fine
comédienne, sa Poppea est la digne héritière
d\92Agrippina. Riccardo Novaro et Jean-Gabriel Saint Martin
complètent cette distribution homogène et pleine de
talent, qui écrit, avec faste, une nouvelle page de l\92histoire
de l\92opéra de Haendel."
"Comment ne pas être
saisi d\92emblée par la modernité et par la
multiplicité des thèmes abordés dans
l\92opéra Agrippina ? Le livret de Vincenzo Grimani brasse
allègrement les problèmes liés au domaine
politique tels que la corruption, le populisme, le mensonge
lié à l\92ambition, avec le sentiment maternel possessif,
avec la concupiscence et aussi avec l\92expression de l\92amour «
traditionnel ». Ce mixage s\92opère dans le cynisme le plus
réjouissant et les quatre heures que dure celui-ci se
déroulent sans qu\92on n\92y prenne garde : on y sent bouillonner
la vie dans toute sa complexité.
C\92est probablement à
Emmanuelle Haïm que l\92on doit de ressentir cet élan vital
si foisonnant. Sa direction, tour à tour nerveuse ou au
contraire alanguie, met très bien en relief les
caractères contrastés des protagonistes : elle suit au
plus près les inflexions vocales, allant même
jusqu\92à dessiner les volutes de la ligne mélodique
quand c\92est nécessaire, car elle vit et s\92implique totalement
dans son travail ! Celui-ci est absolument remarquable dans le
domaine de l\92instrumentation : en effet, jamais l\92orchestre ne
pèse, mais toujours on se dit que le timbre choisi est le bon
pour rendre le sens des paroles et même le renforcer.
On sait depuis longtemps que
la mode est aux mises en scène « épurées
» ; mais, tout en reconnaissant que dans les périodes de
crise on se doit d\92être sobre, on ne peut que regretter que
celle-là ne soit pas plus baroque\85 Que les costumes se
contentent d\92une modernité banale, soit. Mais que le
décor ultra classique en rajoute sur cette impression de
platitude, c\92est un peu dommage. Pourtant, le metteur en scène
sait apporter des notes d\92humour : bravo au chien de garde
d\92Agrippine, bravo pour la séquence des fleurs dont la couleur
réchauffe la scène, bravo pour le porteur de valise
dont la présence évoque des souvenirs chez le
spectateur actuel !La distribution est réussie et les timbres
si différents des protagonistes choisis avec justesse
s\92accordent avec bonheur. Par exemple, Narciso et Pallante, pourtant
radicalement différents dans leur caractère, forment un
duo comique homogène comme les deux Dupondt ! L\92empereur
Claudio est parfaitement ridicule dans son rôle de barbon
amoureux et la scène 21 de l\92acte 1 est un pur régal.
Renata Pokupic est une des révélations de cette
distribution : sa voix claire et puissante devrait faire merveille
dans d\92autres distributions. On peut faire la même remarque
pour celle de Sonya Yoncheva : son rôle, plus important, est
soutenu sans faiblesse, et on se réjouit de la retrouver
à la fin de la saison dans l\92opéra de Monteverdi. Celui
d\92Agrippina est écrasant ; les multiples facettes de la
personnalité de cette mégère sont redoutablement
difficiles à interpréter d\92une façon
crédible, mais Alexandra Coku, remplit la scène par sa
prestance et par sa conviction ; malgré quelques aigus un peu
métalliques et « claqués », sa performance
remporte l\92adhésion. Tim Mead, peu convaincant dans le premier
acte, se révèle d\92une façon inattendue par la
suite : son aria « Voi che udite il mio lamento » est une
pure merveille ; il est vrai aussi que l\92écriture qui dans ce
cas est traditionnellement toute en dissonances est mise en valeur
par l\92orchestre qui y ajoute une bonne dose
d\92émotion\85"
"C'est le deuxième et
dernier opéra que Haendel créa en Italie en 1710.
Écrit par un homme d'Église avisé, le
cardinal-diplomate Grimani, le livret d'Agrippina regorge
d'imbroglios politico-érotiques pour offrir sur un plateau,
glissant, une des plus belles galeries de personnages qu'ait connu
Haendel. De la pulpeuse Poppée au sentimental Ottone en
passant par une Agrippine manipulatrice dans le rôle-titre,
l'opéra mêle habilement, parfois au c\9Cur d'un même
personnage, des thèmes aussi variés que l'amour
maternel et la manipulation (Agrippine), l'ivresse du désir et
l'appétit de pouvoir (Néron), l'ambition
féminine et la satire politique (Poppée et Claudio). Le
résultat est une \9Cuvre juvénile, foisonnante, avec les
récitatifs les plus longs et les plus expressifs jamais
composés par Haendel, et des airs plus nombreux et plus courts
que dans aucun autre de ses opéras, parfois sans da capo,
faisant de cette Agrippina un ouvrage à part dans sa riche
production. Apogée de sa période italienne, Haendel y
pose surtout les jalons de ses grandes \9Cuvres futures.
Face à tant
d'ambivalences et de profusion stylistique, Jean-Yves Ruf, le jeune
metteur en scène de cette nouvelle co-production entre les
Opéras de Dijon et de Lille, peut-être
piégé par une certaine faiblesse de moyens, n'a
manifestement pas su trouver une forme adéquate. Aucun
imaginaire ne parvient à se dégager d'un
théâtre dans le théâtre bien paresseux,
entre faux salon XVIIIe et chaînes pendant du plafond qu'on
désespèrera pendant plus de trois heures et demie de ne
pas voir plus s'agiter. Peu ou pas de décors, à part un
mince effort au deuxième acte, une « bête »
humaine qui jappe de temps en temps dans les jupes d'Agrippina (et
parfois au beau milieu des airs !) sans doute pour
matérialiser avec une naïveté confondante
l'animalité du pouvoir...
De tourments, de fantasmes, de
situations historiques, bref, de tout ce qui meut les personnages, il
ne sera jamais question malgré une direction d'acteurs et des
lumières soignées. La scénographie est tellement
conventionnelle et dépourvue d'imaginaire que du coup les
incursions humoristiques sont trop rares pour ne pas tomber à
plat (Poppée cherchant des poux sur le crâne de
Claudio), et la seule tentative érotique au dernier acte
consiste à jucher inutilement à quatre pattes cette
pauvre Poppée en petite culotte et soutien-gorge sur son grand
lit. Le déshabillé lui allait si bien...
Pour la sensualité et
l'imagination, il vaut mieux tendre l'oreille du côté de
la musique. Avec un son ample et chaleureux, des graves et un
continuo magnifiques, le Concert d'Astrée d'Emmanuelle
Haïm a su retrouver des couleurs après un Giulio Cesare
raté la saison dernière à l'Opéra de
Paris. Si elle est encore loin d'avoir le sens du contraste et la
théâtralité de René Jacobs (il suffit
d'écouter la très belle version qu'il vient de graver
chez Harmonia Mundi pour s'en convaincre), l\92artiste livre une
prestation enjouée et chaleureuse, portée par une
distribution des plus homogènes.
Alastair Miles retrouve le
rôle ouvertement parodique de Claudio avec une verve
égale à celle de l'enregistrement auquel il avait
participé il y a quinze ans sous la baguette de Gardiner. La
voix a bien perdu un peu de graves en route pour le redoutable air
guerrier de la chute de Rome (« Cade il mondo »), mais le
phrasé, la projection et l'auto-dérision font
merveille. Tout comme le Néron de Renata Pokupic,
Chérubin avant l'heure à qui Haendel confie ses plus
belles cavatines érotiques avant de le propulser vers le
pouvoir au dernier acte au son d'un « Come nube che fugge »
fulminant. La mezzo croate, impressionnante de bout en bout, n'en
fait qu'une bouchée. Seul point faible, la Poppée de
Sonya Yoncheva est malheureusement plus inégale, ses aigus
intermittents ne résistant pas à la gymnastique de
« Se Giunge un dispetto » à la fin du premier acte.
Moins démonstrative mais avec un chant beaucoup plus
maîtrisé, Alexandra Coku s'en sort mieux en Agrippina,
offrant un art consommé du Da Capo en plus d'une
présence scénique qui joue à merveille de la
duplicité de son personnage.
Mais la
révélation de cette distribution, c'est
assurément le contre-ténor Tim Mead. Dans le plus pur
style anglais, avec un timbre proche de celui d'Alfred Deller, il
profite du port altier du seul personnage un tant soit peu noble de
cette parodie héroïque pour afficher une maîtrise
vocale et une sensualité continues. Allongé au milieu
d'un des rares décors prévus par le metteur en
scène, sa plainte pastorale en duo avec le hautbois solo au
milieu du deuxième acte touche au sublime, affichant des
graves insolents en début d'air, utilisant le vibrato juste ce
qu'il faut, dessinant des volutes mélodiques qui sculptent
à merveille le chagrin de son personnage. Une
révélation à suivre au printemps prochain,
toujours à Dijon et sous la baguette d'Emmanuelle Haïm,
cette fois-ci pour l'Ottone du Couronnement de Poppée de
Monteverdi."
- Diapason - décembre 2011 -
Agrippina sans fantaisie
"Jamais Haendel n'eut meilleur
livret que celui d'Agrippina. Sous les faux-semblants d'une
comédie de m\9Curs dans la Rome impériale, le cardinal
Grimani attaque férocement la papauté, ses
débauches et hypocrisies. Le metteur en scène Jean-Yves
Ruf investit d'un souffle tragique les vastes monologues d'Ottone et
d'Agrippine mais il peine à relayer le cynisme des premier et
troisième actes : les intrigues demeurent dérisoires,
le désir sans perversion. Comme si la présence dans les
jupes de l'impératrice d'un double zoomorphe campé par
un acrobate, révélateur de ses instincts
refoulés, pouvait seule exprimer la monstruosité de son
ambition. Bien que des inégalités de registres
amoindrissent l'impact de la déclamation, Alexandra Coku y
joue, plus altière que vipérine, d'une stature musicale
et théâtrale considérable. Les appâts de
Sonya Yoncheva ne sont pas moindres, Poppée pulpeuse, agile
par nature. La basse encore étendue et virtuose d'Alastair
Miles confère aux concupiscentes fanfaronnades de Claude une
autodérision bonhomme. Et Renata Pokupic ne fait qu'une
bouchée de Néron, univoque à force de
vélocité. Contre-ténor toujours expressif, Tim
Mead révèle en Ottone une sensibilité intimiste,
mais suffisamment consistante pour éviter pâleur et
afféterie.
Au pupitre d'un Concett
d'Astrée à la riche pâte sonore, Emmanuelle
Haïm mène le jeu sans faillir. Sans souplesse aussi, ni
fantaisie. Là même où l'invention jaillissante de
Handel se nourrit d'emprunts à ses \9Cuvres antérieures
autant qu'à celles de ses contemporains, parvenant à
leur offrir une nouvelle spontanéité."
- Opéra Magazine - décembre
2011
"Signé Vincenzo
Grimani, le livret d'Agrippina est, avec celui de Giulio Cesare, l'un
des meilleurs mis en musique par Haendel. Intrigues, jeux de pouvoir,
passions exacerbécs, personnages monsstrueux que la
transgression n'effraie pas : comment imaginer ingrédients
plus frappants pour une efficacité théâtrale
portée à son maximum. renforcée par une
partition foisonnante qui ne connaît pas le moindre temps mort
? Une aubaine pour les chanteurs, qui trouvent là de quoi
exploiter leurs dons de comédiens.
À une exception
près, la distribution réunie à l'Opéra de
Dijon (et que l'on retrouvera à l'Opéra de Lille, salle
coproductrice), est de haut niveau. L'exception, mallheureusement,
est française. Est-ce une indisposition passagère?
L'émission difficile, le timbre embrumé de Pascal
Bertin handicapent, au premier acte, son Narciso, et
déséquilibrent le duo comique qu'il est censé
former avec le Pallante hardi et bien chantant, lui, de Riccardo
Novaro, qui offre, en prime, une rondeur des mots italiens que ses
partenaires devraient lui envier. Mention plus qu'honorable pour le
Lesbo de Jean-Gabriel Saint-Martin. Alastair Miles (Claudio) conjugue
noblesse et ampleur du timbre, puissance et sens de l'humour pour un
personnage décalé. Tim Mead, chant virtuose, voix de
contre-ténor longue et colorée. silhouette
juvénile, campe un Ottone au charme certain. Et quel trio
féminin que celui forrmé par Alexandra Coku, Renata
Pokupic et Soma Yoncheva !
L'Agrippina d'Alexandra Coku a
du panache, de l'énergie à revendre. une aisance qui
l'aide à caractériser celle qui renverse, avec cynisme,
tous les obstacles pour que le trône revienne à son
fils. Allure désinvolte, pâte vocale
étoffée aux teintes androgynes : le Nerone de Renata
Pokupic est craquant. 'Mais c'est bel et bien Sonya Yoncheva qui, en
Poppea, remporte la palme de la séduction. Ce style
impeccable, ce chant cristallin. cette fraîcheur, cette intime
connivence avec l'amoureuse qui sera plus tard souveraine, on n'y
résiste guère.
Le Concert d'Astrée a
désormais trouvé un son, vif, brillant, charnu. C'est
une formation souple et ductile que dirige, avec son énergie
habituelle, Emmanuelle Haïm. Au-delà du plaisir sonore,
toutefois, l'auditeur reste sur sa faim. La volcanique musicienne a
du temmpérament, on le sait : mais le dynamisme, l'urgence
apportée aux récitatifs (le metteur en scène y
est sans doute pour beaucoup) ne sont pas tout. On aimerait davantage
de variété dans les mouvements, des airs plus
chantants, des contrastes plus marqués : en un mot moins
d'uniformité."
- Halle - Händel-Halle
- 11 juin 2011 - version de concert - dir. Fabio Biondi
- avec Antonio Abete, Ann Hallenberg, Florin Cezar Ouatu, Gemma
Bertagnolli, Xavier Sabata, Christian Senn, Tiziana Vitolo,
Roberto Abbondanza
- Boston - Schubert Theatre
- Boston Lyric Opera - 11, 13, 16, 18, 20, 22 mars 2011
- dir. Gary Thor Wedow - mise en scène Lillian Groag -
décors John Conklin - costumes Jess Goldstein -
lumières Robert Wierzel - avec Caroline Worra (Agrippina),
David Trudgen (Nerone), Kathleen Kim (Poppea), Anthony Roth
Costanzo (Ottone), Christian Van Horn (Claudio), José
Álvarez (Narciso), David Cushing (Lesbo), David McFerrin
(Pallante) - production de Glimmerglass Opera; New York City Opera


- Berlin - Staatsoper
Unter den Linden - 4, 7, 9, 12, 14 février 2010
- Akademie für Alte Musik Berlin - dir. René Jacobs -
mise en scène Vincent Boussard - décors Vincent
Lemaire - costumes Christian Lacroix - dramaturgie Francis
Hüsers - avec Alexandrina Pendatchanska (Agrippina), Anna
Prohaska (Poppea), Bejun Mehta (Ottone), Marcos Fink (Claudio),
Neal Davies (Pallante), Dominique Visse (Narciso), Daniel
Schmutzhard (Lesbo) - nouvelle production


- Theâtre d'Erfurt
- 24, 30 janvier, 10, 14, 21, 26, 28 février,
19, 27 mars, 18 avril 2010 - dir. Samuel Bächli - mise en
scène Michael Hampe - décors, costumes Mauro Pagano,
révision Hank Irwin Kittel - dramaturgie Berthold Warnecke
- avec Albert Pesendorfer / Sebastian Pilgrim (Claudio), Marisca
Mulder (Agrippina), Peter Schöne (Nerone), Julia Neumann
(Poppea), Mireille Lebel (Ottone), Florian Götz (Pallante),
Marwan Shamiyeh (Narciso), Máté Sólyom-Nagy
(Lesbo) - nouvelle coproduction avec Teatro National de São
Carlo, Lisbonne


- Neustrelitz -
Neubrandenburg, Schauspielhaus - Allemagne - 28
novembre, 6, 23 décembre 2009, 16, 29 janvier, 4 mars 2010
- dir. Mark Rohde - mise en scène Georg-Albrecht Eckle -
décors, costumes Irina Schicketanz et Annett Hunger -
dramaturgie Christoph Blitt - avec Silja Schindler (Agrippina),
Tobias Kehrer (Claudio), Andréz Felipe Orozco (Nerone),
Randall Scotting (Ottone), Susanne Ellen Kirchesch / Rebekah Rota
(Poppea), Tim Stolte (Pallante), Sigurd Karnetzki (Narciso),
Robert Merwald (Lesbo) - nouvelle production

- Madrid - Teatro Real
- 2, 5 novembre 2009 - version de concert - Il
Complesso Barocco - dir. Alan Curtis - avec Ann Hallenberg
(Agrippina), Svetlana Doneva (Nerone), Klara Ek (Poppea), Iestyn
Davies (Ottone), Umberto Chiummo (Claudio), Raffaele Costantini
(Pallante), Antonio Giovannini (Narciso/Giunone), Matteo Ferrara
(Lesbo)
- Cracovie - Theatre Juliusz
Slowacki - 23 octobre 2009 - version de concert -
Europa Galante - dir. Fabio Biondi - avec Ann Hallenberg
(Agrippina), Lorenzo Reggazo ou Antonio Abbete (Claudio),
José Maria Lo Monaco (Nerone), Gemma Bertagnolli (Poppea),
Xavier Sabata (Ottone), Ugo Guagliardo (Pallante), Milena Storti
(Narciso, Giunone), Roberto Abbondanza (Lesbo)
- La Hague - Koninklijke
Schouwburg - 18 octobre 2009 - Orchestra of The Early
Music Department of the Royal Conservatoire of The Hague - dir.
Hernán Schvartzman - mise en scène Floris Visser -
avec Achim Hoffmann (Claudio), Aylin Sezer (Agrippina), Riccardo
Strano (Nerone), Stephanie True (Poppea), Jan Kullman (Ottone),
David Grceo (Pallante), Santiago Cumplido (Narciso), Iason
Marmaras (Lesbo)
vidéo intégrale :
http://www.youtube.com/watch?v=OcwuWhofPyY
- Venise - Teatro Malibran
- 9, 11, 14, 16, 18 octobre 2009 - dir. Fabio Biondi -
avec Lorenzo Regazzo (Claudio), Ann Hallenberg (Agrippina), Florin
Cezar Ouatu (Nerone), Veronica Cangemi (Poppea), Xavier Sabata
(Ottone), Ugo Guagliardo (Pallante), Milena Storti (Narciso /
Giunone), Roberto Abbondanza (Lesbo) - nouvelle production
Facoltà di design e Arti IUAV di Venezia

"Jusqu\92au dernier moment, on
ne savait pas qui devait diriger l\92opéra pour cette production
vénitienne. Un article de la Frankfurter Allgemeine avait
même évoqué l\92annulation de la production en
raison des restrictions économiques qui s\92imposent au
théâtre italien. Nous sommes heureux qu\92en
définitive l\92anniversaire ait été
respecté. Mais du triomphe rencontré voici trois cents
ans, il ne reste plus rien. Le livret aurait aisément pu
offrir une relecture contemporaine aux enjeux évidents :
l\92alliance entre femmes et pouvoir semble n\92avoir jamais
été aussi actuelle qu\92aujourd\92hui, surtout en Italie !
Au lieu de cela, l\92indigente «
scénographie-costumes-lumières » confiés
aux jeunes étudiants \96 certes créatifs \96 de la
faculté d\92architecture de Venise a un parfum de production au
rabais. On aurait envie de dire : on ne pouvait se montrer plus
économe. Sans doute est-ce fondé, mais alors, il faut
poser la question de l\92attention que les théâtres
italiens accordent aujourd\92hui à l\92opéra baroque,
à plus forte raison dans une ville dont on se refuse à
penser qu\92elle ne présente pas un potentiel réel pour
ce type de répertoire. L\92installation scénique
abstraite et irrationnelle se caractérise par des murs mobiles
(à l\92occasion poussés par les personnages
eux-mêmes), manifestement déjà cassés lors
de la seconde représentation, des escaliers fictifs, des
colonnes vacillantes, des tentures de nylon doré, des
draperies synthétiques, des voiles en plastique ornés
de dessins sanguinolents peu clairs, et un plafond tout bonnement
sordide.
La distribution est de bon
niveau, avec des points d\92excellence hélas un peu
gâchés par la scénographie et l\92espace
scénique. En particulier, Ann Hallenberg est parfaitement
à son aise dans le rôle principal. Vocalement parfaite,
elle possède une voix splendide et domine de sa
présence scénique les trois heures et demie de musique.
Le peu d\92émotions procuré par cette soirée vient
de cette artiste, notamment avec les airs « Pensieri » et
« Ogni Vento ». Elle réussit aussi à mettre
en valeur les seuls costumes un peu sensés vus pendant cette
soirée. Après Ariodante, elle incarne à la
perfection un autre rôle-culte de Haendel. Fantastique. Elle
est très certainement une des stars du paysage baroque
d\92aujourd\92hui. On ne pouvait imaginer Poppée plus sensuelle et
érotique que Veronica Cangemi. Stupéfiante dans les
airs \93Vaghe perle\94 et \93Ho non so che nel cor\94. Moins brillante dans
l\92air \93Bel piacere\94. Lorenzo Regazzo est le seul à avoir un
rôle idéal pour la mise en scène. Il
interprète bien un Claude errant entre Bacchus à
Vénus. Le Néron de Florin Cesar Ouatu est parfois
impalpable, car la voix n\92est parfois guère audible depuis la
salle, sauf lorsqu\92il quitte le plateau pour l\92air de grande
virtuosité \91Come nube\94, faisant montre de grands dons
d\92agilité, mais le tempo pris pour cet air était
presque grotesque. Pendant tout l\92opéra, il reste un peu
empoté dans son rôle, ne sachant jamais quel
caractère donner au personnage (et ce n\92est pas sa faute !).
Excellent dans l\92air « Volo Pronto ». Dommage que là
encore il ait souffert d\92un tempo par trop rapide. L\92Othon de Xavier
Sabata, vocalement appréciable, a été vraiment
trop gâché par des costumes ignobles et une mise en
scène inconsistante. La voix est belle, et le rôle lui
offre quelques-uns des plus beaux airs de l\92opéra. Excellent
Roberto Abbondanza, qui nous offre un Lesbo de commedia dell\92arte. Le
petit bijou de la soirée. A souligner, à la fin de
l\92opéra, l\92apparition de Junon, interprétée par
l\92excellente Milena Storti (qui chantait aussi le rôle de
Narcisse), équipée d\92ailes emplumées, d\92un
costume tapageur\85 la faisant ressembler davantage à un
archange Gabriel dans l\92imagerie mexicaine du XVIIIe siècle
qu\92à une déesse grecque.
Fabio Biondi a le grand
mérite de donner de l\92unité à un orchestre pas
très familier de ce répertoire. C\92est une bonne
surprise. Hélas, sa direction se caractérise par des
tempi hyper-rapides (beaucoup de chanteurs ont paru en
difficulté face à ce parti pris), par des cadences
suspendues avec une note finale forcée, par des accents
appuyés à l\92extrême, par des ritardando et des
accelerando (même quand la partition ne l\92exige pas) et une
quête constante de l\92effet. La musique ne nous émeut
jamais. Elle le devrait pourtant, au vu de la qualité de
l\92opéra. L\92édition de Clifford Barlett, utilisée
pour la circonstance, est constellée d\92erreurs. Sa
révision ne les corrige pas toutes."
- Vienne - Theater an der
Wien - 26 septembre 2009 - version de concert - Il
Complesso Barocco - dir. Alan Curtis - avec Svetlana Doneva
(Agrippina), Paula Rasmussen (Nerone), Klara Ek (Poppea), Iestyn
Davies (Ottone), Umberto Chiummo (Claudio), Raffaele Costantini
(Pallante), Antonio Giovannini (Narciso/Giunone), Matteo Ferrara
(Lesbo)
- Londres - Royal Festival
Hall - 17 mai 2009 - version de concert - Orchestra La
Scintilla - dir. Marc Minkowski - avec Vesselina Kasarova
(Agrippina), Malin Hartelius (Poppea), Marijana Mijanovic
(Ottone), Anna Bonitatibus (Nerone), Wiebke Lehmkuhl (Giunone),
László Polgár (Claudio), Ruben Drole
(Pallante), José Lemos (Narciso), Gabriel Bermúdez
(Lesbo)
- Neustrelitz -
Landestheater Mecklenburg - 16, 22, 30 mai 2009 -
nouvelle production
- Opéra de
Zürich - 10, 12, 14, 17, 19, 21, 23, 26 mai 2009 -
La Scintilla - dir. Marc Minkowski - mise en scène David
Pountney - décors Johan Engels - costumes Marie-Jeanne
Lecca - lumières Jürgen Hoffmann - avec Vesselina
Kasarova (Agrippina), Malin Hartelius (Poppea), Marijana Mijanovic
(Ottone), Anna Bonitatibus (Nerone), Wiebke Lehmkuhl (Giunone),
László Polgár (Claudio), Ruben Drole
(Pallante), José Lemos (Narciso), Gabriel Bermúdez
(Lesbo)


- Opéra Magazine - juillet 2009
De fait, chaque scène
est traitée comme une entité indépendante,
à la manière d'un show ; danseurs et figuurants se
démènent pour assurer les transitions, au risque de
rompre parfois le fil conducteur d'une intrigue emmbrouillée
à souhait. Mais la représentation fait mouche et,
malgré sa longueur, captive l'auditeur le plus difficile
à dérider, comme l'attestent les nombreux éclats
de rire accompagnant la scène où toute la distribution
masculine se retrouve sous la vaste couette de Poppea, avec l'espoir
de grappiller un instant de plaisir. Par ce biais, David Pountney
accentue le parallélisme entre la vision décapante que
propose Haendel d'un monde antique revisité par l'humour
déjanté de son librettiste et celle qu'offrira,
près de cent cinquante ans plus tard, un certain Offenbach sur
les scènes parisiennes ...
Marc Minkowski, à la
tête de l'orchestre La Scintilla, fait mousser la partition
avec une réjouissante décontraction. Les
récitatifs et les airs s'enchaînent sans répit,
se chevauchent même parfois, assurant à la
représentation un rythme endiablé qui rend parfaitement
justice à l'incroyable diversité de l'écriture
musicale . Vesselina Kasarova trouve en Agrippina, monstre
assoiffé de sang, un rôle à sa mesure. Mais si la
voix, belle et profonde, conserve tout son attrait, les changements
de registre s'effectuent avec trop de brusquerie pour ne pas entraver
le libre envol des vocalises.
Le timbre presque androgyne
d'Anna Bonitatibus convient parfaitement à Nerone, ici un
adolescent veule, pendu aux jupes de sa mère. Marijana
Mijanovic, en revanche, éprouve quelque peine à croquer
le portrait d'Ottone avec l'élégance requise ; la voix
paraît fatiguée, le souffle court et la
caractérisation rudimentaire. Eva Liebau, malgré une
légère indisposition, impose sa Poppea, à la
fois rouée et naïve, avec une fraîcheur
réjouissante ; elle déjoue en souriant les
pièges d'une ligne de chant fort capricieuse.
Le style de Laszlo Polgar
semble étranger à ce répertoire, mais dans un
livret où le potentat est systématiquement
tourné en ridicule, les excès de sa voix trop lourde
ajoutent une touche hilarante bienvenue. Enfin, les barytons Ruben
Drole et Gabriel Bermudez, et surtout le contre-ténor
brésilien José Lemos, montrent toute l'étendue
de leur talent dans des rôles cerrtes secondaires, mais que le
compositeur a gratifiés de beaux airs assez
développés."
- Lisbonne - Teatro Nacional
de Sao Carlos - 17, 19, 21, 24, 26, 30 avril 2009 -
dir. Nicholas Kok - mise en scène Michael Hampe -
décors, costumes Hank Irwin Kittel (actualisation), Mauro
Pagano(original) - lumières Hans Toelstede - avec Kristina
Wahlin (Agrippina), Reinhard Dorn (Claudio), Musa Nkuna (Nerone),
Andrew Watts (Ottone), Luis Rodrigues (Pallante), Chelsey Schill
(Poppea), Manuel Brás da Costa (Narciso) - nouvelle
coproduction avec Theater Erfurt
- Saarbruck - Saarlandisches
Staatstheater - 24, 29 février, 2, 7, 11, 16, 20
mars, 5, 8, 13, 14, 18, 24, 29 avril 2008 - dir. Konrad
Junghänel - mise en scène Peter Lund - décors,
costumes Claudia Doderer - avec Hiroshi Matsui (Claudio), Stefanie
Krahnenfeld/Susanne Geb (Agrippina), Judith Braun (Nerone),
Elizabeth Wiles (Poppea), David Cordier (Ottone), Markus
Jaursch/Patrick Simper (Pallante), Steve Wächter (Narciso),
Guido Baehr (Lesbo)
- New York City Opera
- 14, 16, 18, 20, 24 octobre, 2 novembre 2007 -
Coproduction avec Glimmerglass Opera - dir. Ransom Wilson - mise
en scène Lillian Groag - décors John Conklin -
costumes Jess Goldstein - lumières Mark McCullough - avec
Nelly Miricioiu (Agrippina), Heidi Stober (Poppea), Jennifer
Rivera (Nerone), David Walker (Ottone), David Korn (Narciso),
Marco Nistico (Pallante), João Fernandes (Claudio)


- Londres - English National
Opera - 5, 8, 10, 15, 17, 21, 23 février,
1er, 3 mars 2007 - en anglais - dir. Daniel Reuss -
mise en scène David McVicar - décors, costumes John
Macfarlane - lumières Paule Constable - chorégraphie
Andrew George - avec Sarah Connolly (Agrippina), Christine Rice
(Nerone), Lucy Crowe (Poppea), Stephen Wallace (Narciso ), Reno
Troilus (Ottone), Brindley Sherratt (Claudio), Henry Waddington
(Pallante), Richard Suart (Lesbo)


- Norfolk - Harrison Opera
House - Virginia Opera - Etats Unis - 26, 28, 31
janvier, 2, 4 février 2007 -
Fairfax - GMU Center for the Arts - 9, 11
février 2007 - Richmond Landmark
Theater - 16, 18 février 2007 - dir. Peter Mark
- mise en scène Lillian Groag - avec Sujung Kim
(Agrippina), Jane Redding (Poppea), Jeffrey Halili (Nerone), David
Walker (Ottone), Derrick Parker (Claudio), Jeffrey Mandelbaum
(Narciso), Matthew Burns (Pallante), Eduardo Castro (Lesbo)

- Vienne - Kammeroper
- 1er, 3, 6, 8, 10, 13, 15, 17, 20, 22, 24,
27 février 2007 - Baroque Orchestra of Wiener Kammeroper -
dir. Bernhard Klebel - mise en scène Peter Pawlik -
décors, costumes Cordelia Matthes - lumières Harry
Michlits - avec Philip Zawisza (Claudio), Wiebke Huhs (Agrippina),
Marelize Gerber (Nerone), Romana Beutel (Poppea), Alexander Plust
(Ottone), Valmar Saar (Pallante), Armin Gramer (Narciso),
Sebastian Huppmann (Lesbo)

- Opéra de Francfort
- 23, 25, 28, 30 juin, 2 juillet, 24, 27 août, 2,
8, 10, 14, 16, 22, 25, 30 septembre 2006 - dir. Paolo Carignani/
Felice Venanzoni - mise en scène David McVicar -
décors, costumes John Macfarlane - chorégraphie
Andrew George - avec Juanita Lascarro (Agrippina), Simon Bailey
(Claudio), Soon-Won Kang/Florian Plock (Pallante), Gérard
Lavalle (Lesbo), Christopher Robson (Narciso), Malena Ernman/
Kristina Hammarström (Nerone), Lawrence Zazzo/ William Towers
(Ottone), Anna Ryberg (Poppea)

- Aix-la-Chapelle -
Théâtre - 4, 9, 11, 19 février,
1er, 5, 8, 12, 17 mars, 5, 17, 21, 26 avril, 4, 6, 16
mai, 10, 23 juin 2006 - Sinfonieorchester Aachen - dir. Nicholas
Krämer - mise en scène Corinna von Rad - avec Eva
Bernard (Agrippina), Mélanie Forgeron (Nerone), Pawel
Lawreszuk (Claudio)

- Londres - The
Barbican - 11 mai 2005 - Combattimento Consort
Amsterdam - dir. Jan Willem de Vriend - avec Emma Bell
(Agrippina), Camilla Tilling (Poppea), Kristina Hammerström
(Nerone), Brett Polegato (Claudio), Christophe Dumaux (Ottone),
Quirijn de Lang (Pallante), Clint van der Linden (Narciso)
- Montréal - Salle
Wilfrid-Pelletier - 12, 17, 19, 21, 23 mars 2005 - dir.
Bernard Labadie - mise en scène Jacques Leblanc -
décors et costumes John Conklin et Jess Goldstein -
lumières Matthieu Gourd - Lyne Fortin (Agrippina),
Krisztina Szabo (Nerone), Phillip Addis (Pallade), Michelle Sutton
(Narciso), Étienne Dupuis (Lesbo),Daniel Taylor (Ottone),
Karina Gauvin (Poppea), Kevin Burdette (Claudio)

- Opéra International - mai 2005 - 19
mars 2005
"On a peine à le croire
mais Agrippina est, après L\92incoronazione di Poppea en 2000,
le deuxième opéra baroque affiché à
l\92Opéra de Montréai en vingt-cinq années
d\92existence. On doit cette création in loco à Bernard
Labadie, directeur artistique de la maison, qui, en important cette
production du New York City Opera (également proposée
au Glimmerglass Opera), a réussi plusieurs paris
stratégiquement importants. D\92abord, il est possible de
représenter un opéra tel qu\92Agrippina dans le grand
vaisseau de la Salle Wilfrid-Pelletier (plus de 3 000 places). Le
cadre n\92est évidemment pas idéal mais, en remontant la
fosse et on engageant des voix puissantes et aguerries, il n\92est plus
un obstacle. Le public, ensuite, répond présent : la
série affiche de meilleurs résultats au box-office que
Don Pasquale. Cette réponse est le signe très
encourageant du climat de confiance qui s\92est installé entre
les mélomanes et la direction, climat qui permettra dans le
futur (Bernard Labadie vient d\92être reconduit jusqu\92en 2010) de
monter des projets que la ronronnante scène
montréalaise n\92aurait même pas pu esquisser il y a deux
ans.
De fait, depuis
l\92arrivée de la nouvelle équipe (Bernard Labadie-David
Mass), il n\92y a pas eu de faux pas, l\92Opéra pouvant s\92appuyer
sur une pépinière de talents locaux. A l\92exception de
l\92Américain Kevin Burdette, très honorable dans le
rôle de Claudio malgré des graves un peu courts, la
distribution est ainsi entièrement canadienne.
L\92équilibre la caractérise, même si Michelle
Sutton manque d\92impact à l\92acte I et si la présence
scénique de Karina Gauvin et le chant d\92airain de Krisztina
Szabo se détachent du lot. Une mention pour Etienne Dupuis,
toujours excellent même quand on lui assigne, comme ici, un
rôle subalterne, et qui mérite de franchir l\92Atlantique
au plus vite.
La soirée est un franc
succès pour Bernard Labadie à la tête de ses
Violons du Roy : direction animée, fort bien articulée
et dramatiquement juste. Le spectacle mis en scène par Jacques
Leblanc, dans des décors minimalistes mais pertinents, formant
un dispositif efficace et bien éclairé
(phénomène rare àMontréal !), tire
l\92ouvrage vers une bouffonnerie exagérée. Il n\92en
fonctionne pas moins à merveille, notamment dans un acte III
en forme d\92apothéose, avec une Poppea et un Claudio prenant
des poses de statues (plus ou moins) antiques. Certains effets, comme
l\92apparition d\92écrans télé « Agrippina
Network » et de fausses couvertures de journaux, ou celle de
Narciso et Pallante déguisés en Dupont et Dupond en
pyjamas, paraissent outrés. Mais peut-être fallait-il
cela pour faire passer la pilule, sans prendre trop de risques,
à un public gavé de Bohème, Troviata, Butterfly
et autres Tosca et pour ouvrir la voie à la découverte
d\92un répertoire encore inconnu ici."
"L\92opéra baroque fait
une entrée remarquée sur la scène
montréalaise avec la production d\92Agrippina. Parmi les trente
neuf opéras de Haendel, celui-ci tient une place
privilégiée, ne serait-ce que par l\92abondance des
récitatifs et la prédominance théâtrale du
livret de Grimani. Composé par un tout jeune homme de vingt
quatre ans, le dramma per musica renoue avec l\92Incoronazione di
Poppea, un des premiers chefs-d\92\9Cuvre lyrique et autre vision de
l\92histoire romaine gouvernée par les passions.
D\92emblée, le « Caro Sassone », acclamé par
les Vénitiens au lendemain du succès d\92Agrippina
s\92inscrit comme l\92un des plus grands dramaturges, entre Monteverdi et
Mozart. On pourrait résumer l\92intrigue fort complexe de
l\92opéra de Haendel par les ruses des femmes de pouvoir et les
hommes intoxiqués par l\92amour. Certes, la musique nous
ensorcelle pendant plus de trois heures et son chef Bernard Labadie
sait insuffler aux Violons du Roy fougue et retenue, donnant des
ailes à une phalange de chanteurs fort crédibles
dramatiquement et vocalement très en forme. L\92orchestre joue
dans la fosse que l\92on a quelque peu rehaussée pour les
représentations, ce qui permet de voir et surtout de mieux
entendre les instrumentistes. Le résultat est étonnant,
tous se fondent dans cette musique jouissive, excessive à
souhait, au lyrisme exacerbé. Au sommet, Lyne Fortin, sans
jamais être outrancière \96 on lui reprochera sans doute
d\92être trop mesurée pour incarner ce personnage
incandescent - campe avec habileté une Agrippine intrigante,
assoiffée de pouvoir pour son fils Néron. Sa prestation
est remarquable du début à la fin, on relèvera
le grand monologue « Pensieri, voi mi tormentate ! », alors
qu\92elle est plongée dans de sombres ruminations. Pas tout
à fait sorti de l\92enfance, toujours dans les jupes de son
ambitieuse mère, Krisztina Szabo insuffle au fils la dimension
juvénile idoine, jusqu\92à dans sa démarche un peu
gauche, bien loin de l\92image que l\92histoire laissera du futur
empereur.
Poppée, «
poupée » superficielle de Karina Gauvin est l\92autre
grande héroïne de la soirée. Il y aurait sans
doute beaucoup à dire sur les relations entre
l\92impératrice ambitieuse et la courtisane abusée, avant
que celle-ci \96 comme une chatte qui retombe sur ses pattes \96 assimile
la leçon toute féminine du mensonge et de la perfidie.
Son entrée très remarquée dans sa baignoire est
tout à fait à propos avec son premier air, « Vaghe
perle » admirable d\92insouciance et de sensualité.
Le contre-ténor Daniel
Taylor donne la pleine dimension au personnage d\92Othon, dans son air
« Voi ch\92udite il moi lamento ». L\92amoureux langoureux,
éconduit par la belle Poppée, déchu par Claude
et délaissé de tous, est un être sensible,
sentimental, préférant les beaux yeux de son amante au
sceptre impérial. Il est aussi le seul personnage
sincère, fidèle en amour et dévoué
à l\92empereur. Mais tous les hommes restent en retrait dans cet
opéra. Claude, interprété par Kevin Burdette,
personnage falot malgré la pompe romaine, est toujours dupe
des intrigues où les « dessous féminins » le
mènent par le bout du nez. On aurait souhaité une voix
d\92une autorité « impériale » sinon
impérieuse pour ce rôle. Malgré certaines
coupures inévitables \96 l\92opéra fait tout de même
trois heures vingt minutes sans les entractes - Agrippina est une
grande réussite, sans doute plus vocalement que
scéniquement.
Les décors amovibles et
les changements à vue donnent une impression de mouvement
incessant. Par contre, on se serait passé de l\92écran
qui diffuse les nouvelles d\92"Agrippina Network" ou encore de la une
de « The Roma Times ». Ces insignifiances ne rajoutent pas
grand-chose à la compréhension de l\92intrigue. Il en est
de même de l\92arrivée de Claude à la fin du
premier acte avec la foule qui l\92observe avec des jumelles.
Peut-être peut-on établir un lien ou un passage, de la
tête de l\92empereur Claude à celle de Néron.
Décors modernes quelque peu aseptisés \96 il en est de
même des costumes - mais efficaces qui permettent une mise en
situation et mettent en valeur le jeu jamais statique des principaux
protagonistes.
Mais retenons surtout les
premières qualités que recèle ce spectacle.
Elles sont dues aux voix remarquables de Lyne Fortin, de Karina
Gauvin et de Krisztina Szabo qui nous offrent toutes les trois, des
prestations de très haut calibre. La palme revient sans doute
à son chef, gourmet et gourmand qui visiblement prend un
plaisir fou auprès de la fascinante et luxuriante
impératrice romaine. Le bonheur sous la baguette
inspirée de Bernard Labadie est contagieux et il est à
consommer sans modération. Et il se pourrait bien qu\92il en
soit le véritable héros."
- Forum Opéra - 12 mars 2005
"Grandeurs et misères
impériales - Pour la première fois de son existence,
l'Opéra de Montréal donne dans le baroque et en portant
son choix sur Agrippina, la direction artistique mise sur la
comédie plutôt que sur une oeuvre aux dimensions
réellement dramatiques. On doit saluer l'à propos de
cette décision et pourtant, compte tenu de la
méconnaissance pour le public local des opéras de
Haendel, ce n'était pas gagné d'avance. Merci à
Bernard Labadie, directeur artistique de l'OdM, d'avoir pris ce
risque et d'y avoir mis tant d'énergie. Depuis l'annonce de la
saison 2004-2005, on a rêvé toute une année
à cet opéra qui allait ébranler nos habitudes
d'écoute à l'OdM. Il était intéressant de
se livrer à cette anticipation et de se demander comment
allaient revivre ces personnages historiques et surtout cette
musique, véritable festival de vocalises, d'arie da capo ou
dal segno, de messe di voce, de canti di sbalzo, d'airs
façonnés sur des mouvements et des rythmes de danses
souvent en contraste, voire en opposition avec les sentiments
exprimés, procédé cher au compositeur pour
souligner le ridicule ou l'ironie de certaines situations.
À l'aube d'une
célébrissime carrière, Haendel n'a que 24 ans
lorsqu'il écrit cet opéra pour le Theatro San Giovanni
Grisostomo de Venise. Dans sa vaste production, il s'agit de son
troisième opéra. Vincenzo Grimani, cardinal et
diplomate de son état, fournit au compositeur un des meilleurs
textes qu'il eût à mettre en musique. Pour le
librettiste, les agissements du pouvoir impérial s'apparentent
beaucoup à ceux de la Rome papale de son époque et il
en évoque les contours dans une action ingénieuse,
pleine de rebondissements, mêlant accents dramatiques et
éléments vaudevillesques. L'ambitieuse Agrippina,
épouse de l'empereur Claudio, discrédite Ottone,
l'amant de Poppea, pour assurer à son fils Nerone la
succession au trône. Ses plans sont déjoués, mais
sachant que Claudio n'est pas indifférent aux charmes de
Poppea, elle lui dévoile l'amour de celle-ci pour Ottone.
L'empereur ordonne le mariage de Nerone et de Poppea et décide
que l'empire ira à Ottone. Celui-ci préfère
épouser la femme qu'il aime et laisse l'héritage
à Nerone. Claudio approuve, Agrippina triomphe et
l'opéra se termine allègrement. Des intrigues,
complots, tromperies, duplicités, merveilleusement servis par
une musique qui se déploie avec grandeur et
élégance, se succèdent à folle allure.
Cette vision kaléidoscopique d'événements
historiques ne nous touche guère aujourd'hui, mais elle est
prétexte à comédie. C'est d'ailleurs ce qu'en
fait le metteur en scène même si ce n'est pas toujours
du meilleur goût.
Jacques Leblanc accentue les
traits de caractère des deux femmes qui s'affrontent, avec une
insistance marquée pour la turpitude d'Agrippina et
l'insignifiance de Poppea. Cela nous amène parfois à
questionner l'opportunité de certaines situations :
l'entrée de Poppea, amenée sur scène dans son
bain, son désinvolte dandinement en scène, son
frétillement auprès des hommes qui l'approchent. Et
cela se prolonge au point qu'on en arrive à se demander si la
Poppea de l'histoire est bien celle qu'on nous décrit ici. On
n'ose y croire. C'est peut-être efficace au plan
théâtral, mais le spectateur voudrait comprendre
pourquoi des personnages de si haut rang ont pu se disputer ses
faveurs. On saisit finalement les raisons pour lesquelles Agrippina
s'est joué d'elle aussi facilement, comme d'ailleurs de tous
les autres protagonistes. Le metteur en scène a pris soin de
ne pas amenuiser la stature du rôle principal renforçant
ainsi de façon saisissante le contraste entre les deux femmes.
À côté d'elles, les autres personnages sont moins
efficacement articulés. Sur le plan de la scénographie,
quelques détails tentent, sans y parvenir, de relever le
comique de la situation. Au premier acte, un écran annonce la
une du Roma Times avec la manchette suivante : "Claudio è
ritorno". À la toute fin de l'opéra, l'écran
utilisé pour les surtitres détaille le destin des
protagonistes : ils se suicideront (Nerone, Ottone) ou seront
assassinés (Claudio, Agrippine, Poppea, Pallante, Narcisco) ;
seul Lesbo survivra à ces intrigues et se recyclera dans un
emploi quelconque à... New York. On a déjà vu
pire.
Les décors font une
lointaine allusion à la Rome antique : trois hautes tours
triangulaires à la base, déplacées au gré
des situations, figurent les pans intérieurs ou
extérieurs de palais romains. Très peu d'accessoires
sur la scène : un trône, quelques bancs, un lit, une
chaise pliante. Les costumes, par contre, n'ont absolument rien
à voir avec les événements décrits dans
l'oeuvre et nous situent bien plus loin dans le temps. Certains
revêtent une tenue de ville bien contemporaine, des figurants
habillent un semblant de costume ninja, le bandeau en moins, le
manteau dont Claudio est vêtu lors de sa rencontre "intime"
avec Poppea ressemble à s'y méprendre à celui
d'Otello et la robe bustier noire que porte Agrippina au
troisième acte rappelle la grande duchesse de
Gérolstein. Ce voyage vestimentaire, ces disparités
s'insèrent harmonieusement dans le ridicule des
situations.
Vocalement, les femmes
dominent le plateau. Lyne Fortin campe une Agrippina toute de feu ;
voilà un rôle taillé sur mesure pour elle. On
sent l'engagement artistique, la pensée musicale qui flotte
bien haut et qui met la voix et l'émotion au service de
l'expression. Et quelle voix ! Elle a gagné en
intensité et en agilité depuis sa Thaïs de 2003.
Les épisodes de canto di sbalzo et les vocalises dont ses airs
foisonnent ne lui causent aucun souci. À l'acte II, les deux
grands mélismes du "pensieri" comme tout l'air d'ailleurs sont
à couper le souffle. Pour ses débuts à l'OdM,
Karina Gauvin favorise, comme il se doit, une incarnation
extériorisée de Poppea. La touche du metteur en
scène y est pour quelque chose bien sûr, mais le jeu
qu'elle nous offre lui appartient. On n'y est pas insensible, mais
c'est surtout sa voix et la beauté sensuelle qu'elle
dégage qui impressionnent. Parfaitement à l'aise sur le
large ambitus de son rôle, qui semble beaucoup l'inspirer, elle
chante et joue les ingénues de façon impeccable. Le
mezzo-soprano Krisztina Szabo interprète finement Nerone. Elle
défend avec énergie un rôle exigeant d'elle une
forte présence en scène et une souplesse qui
l'amène au la aigu. C'est justement en raison de
l'étendue de sa voix que ce rôle, normalement
chanté par un soprano, lui est confié et elle s'en tire
avec tous les honneurs. Narciso trouve en Michelle Sutton une
interprète de choix dans un rôle qui ne requiert aucune
virtuosité particulière.
Chez les hommes, on notera la
belle projection et l'impeccable tenue du souffle de Daniel Taylor
quelque peu tendu toutefois dans les deux lamenti d'Ottone à
l'acte II. Phillip Addis ne semble pas avoir beaucoup
d'appétence pour le personnage de Pallante et pour le style de
chant attendu. Cet emploi aurait peut-être été
mieux servi par l'énergie et la voix bien timbrée
d'Étienne Dupuis, un peu à l'étroit en Lesbo.
Kevin Burdette ne possède vraiment pas les moyens requis pour
chanter Claudio. Au deuxième acte, la chute de deux octaves en
deux mesures jusqu'au ré grave, qui devrait être un
moment de pure splendeur vocale dans l'air Cade il mondo, tombe
complètement à plat. Les épisodes de canto di
sbalzo, fréquents dans son rôle, n'impressionnent pas
davantage.
Pour les Violons du Roy, la
musique baroque n'a plus de secret. C'est son répertoire de
prédilection. Par ailleurs le relèvement de l'orchestre
dans la fosse libère des sonorités aux couleurs
chatoyantes qu'on n'a jamais aussi bien entendues dans cette salle
à l'occasion d'une représentation d'opéra.
Bernard Labadie donne une lecture éblouissante de l'oeuvre.
L'urgence de sa direction, le soutien qu'il apporte aux chanteurs, la
possibilité qu'il leur donne de s'épanouir librement
dans leur interprétation apportent à cette musique une
fraîcheur nouvelle. Les détails orchestraux qu'il met en
évidence scintillent comme autant de joyaux."
- Saint-Etienne -
L'Esplanade - 4, 6, 8 mars 2005 - Théâtre de Tourcoing - 13,
15 mars 2005 - Valenciennes - Le
Phénix - 18 mars 2005 - Atelier Lyrique de
Tourcoing - La Grande Ecurie et la Chambre du Roy - dir.
Jean-Claude Malgoire - mise en scène Frédéric
Fisbach - décors Emmanuel Clolus - costumes Olga Karpinsky
- lumières Daniel Lévy - avec Lynne Dawson
(Agrippina), Philippe Jaroussky (Nerone), Ingrid Perruche
(Poppea), Nigel Smith (Claudio), Thierry Grégoire (Ottone),
Bernard Delétré (Pallante), Dominique Visse
(Narciso), Alain Buet (Lesbo)

"Suite de la riche saison
tourquennoise avec, reprise de 2003, une production d\92Agrippina qui
n\92atteint pas tout à fait le haut niveau artistique des
derniers spectacles, la faute à une distribution
inégale et à une mise en scène pas toujours
inspirée. Remplaçante de Veronica Cangemi dans le
rôle-titre, Lynne Dawson a connu des jours meilleurs. La voix,
par rapport à ses meilleures années, s\92est
considérablement durcie, les aigus ont perdu de leur brillant
et de leur sûreté, et l\92instrument est moins souple,
presque rebelle par moment, dans les récitatifs qui sont
souvent rauques, elle produit beaucoup de sons métalliques et
désagréables. A son actif, les airs sont
généralement bien tenus, le médium est encore
beau, et elle est une actrice naturelle et crédible dans son
rôle de mère protectrice et dévorée
d\92ambition pour son fils.
Dans ce rôle somme toute
assez effacé, Philippe Jaroussky est très convaincant
dans son personnage d\92adolescent attardé, mais son timbre aux
qualités toutes séraphiques peine à rendre la
noirceur et la violence latente de son personnage. La voix semble un
peu fatiguée au début, mais il fait de son air «
Come nube che fugge » un moment de bravoure pyrotechnique
inoubliable. Son rival Thierry Grégoire est un Othon à
la voix blanche et fade, au chant haché, à la peine
face au moindre aigu. Ces défauts sont en partie
compensés par la sincérité qu\92il donne à
son personnage, qui parvient à émouvoir les c\9Curs bien
qu\92il malmène les oreilles. Excellent Claudio de Nigel Smith
à la tessiture impressionnante, ne faisant qu\92une
bouchée de ses airs, et qui ose prendre des risques dans son
numéro d\92amoureux transi en bas et chemise de nuit
auprès de Poppée.
Bernard Deletré et
Alain Buet assurent sans problème leur partie, tandis que
Dominique Visse, tout en tortillements, fait un numéro de
souris de dessins animés assez vite ennuyeux. La palme de la
distribution ira à Ingrid Perruche, soprano en pleine gloire
vocale, au gosier agile, aux aigus pleins de panache et à la
projection impeccable. On regrettera seulement qu\92elle ne soit pas
encore capable de véritablement colorer son chant et de varier
son expression, et qu\92elle manifeste une certaine tendance à
crier dans le suraigu. Elle campe une Poppée fine mouche,
très sensuelle, et justifie pleinement sur la scène
tourquennoise son récent titre de révélation
lyrique des Victoires de la Musique.
Faisant le pari du minimalisme
et de la nudité, la mise en scène de
Frédéric Fisbach est paradoxalement surchargée
par les déplacements d\92une bande de zombies en justaucorps de
couleur chair qui manient les panneaux et les cubes faisant office de
décors, à la fois hideux et ridicules, ces personnages
encombrent le plateau sans se montrer d\92une quelconque utilité
pour la compréhension de l\92action. La palme de l\92incongru
étant atteinte après l\92entracte, quand on retrouve le
panneau des surtitres non pas en haut, mais sur scène. Il sert
de siège à Poppée, certains figurants de
surcroît, se couchent devant. Après plusieurs jours de
réflexions, nous n\92avons toujours pas réussi à
deviner quelle était l\92utilité d\92utiliser ces
surtitrages si c\92était pour les masquer à la vue de la
moitié des spectateurs. Pour une reprise, ce genre de
détails devrait quand même être
réglé depuis belle lurette, à moins que cette
mise en scène ne joue précisément sur la
frustration des spectateurs. Au rayon des bonnes idées, il
faut tout de même noter la projection de résumés
des dialogues sur une toile lors des ensembles, ce qui permet de
suivre l\92action plus facilement, les commentaires ajoutés au
texte étant de plus généralement savoureux. A la
tête de la Grande Ecurie, Jean-Claude Malgoire impose des tempi
vifs et enjoués, un peu métronomiques parfois. Un peu
plus de variété, de sensualité, d\92abandon seraient tellement bienvenus. L\92orchestre
est en forme, avec des bois magnifiques et des violons en
progrès, mais manquant encore un peu de discipline et de
cohésion. "
- Altamusica - 13 mars 2005
"Première
révérence ou ultime adieu à l\92Italie ? Agrippina
est désormais ballottée entre ces deux
possibilités. D\92après les récentes publications
de la musicologue allemande Ursula Kirkendale, l\92unique opéra
vénitien de Haendel aurait été
créé non pas durant la saison du carnaval de 1709, mais
en novembre 1706, avant même Rodrigo. L\92\9Cuvre n\92aurait donc
plus valeur de génial pasticcio reprenant des thèmes de
cantates romaines du même coup postérieures, mais du
premier essai italien du compositeur, fruit des expériences
hambourgeoises, empruntant bien des tournures à Reinhard
Keiser. Quel que soit sa date de composition, Agrippina n\92en reste
pas moins le passionnant laboratoire de la dramaturgie londonienne du
Caro Sassone, détournant les conventions d\92un opera seria
alors naissant avec une ironie que Haendel ne reniera jamais,
même dans ces \9Cuvres en apparence les plus tragiques. Les
mérites en reviennent sans doute beaucoup au librettiste,
qu\92il s\92agisse ou non du Cardinal Grimani, qui dresse un tableau au
cynisme fort réjouissant de la Rome Antique, plus proche en
cela de Busenello, auteur de l\92Incoronazione di Poppea, que des
réformateurs issus de l\92Académie de
l\92Arcadie.
Cette intrigue aux mille
rebondissements et quiproquos, où la ruse des femmes est le
principal moteur, se jouant de la stupidité d\92une dynastie
décadente, le metteur en scène Frédéric
Fisbach a voulu la rendre aussi lisible que possible. Mouvante, la
scénographie vise à l\92épure, parfois
grisâtre, et joue des conventions de l\92opera seria par
l\92intermédiaire du surtitrage, non sans
dextérité, même si le procédé vire
à l\92explication de texte, maladroite projection de
diapositives agrémentant la traduction de quelques
sympathiques gribouillages. Colorés, délirants,
baroques osera-t-on dire, les costumes et perruques y introduisent
malicieusement le sel de la comédie, mus par une direction
d\92acteurs parfois paresseuse, mais toujours limpide. Sans être
passionnante, la production a le mérite de la
cohérence, vertu assez rare dans l\92opéra baroque pour
être appréciée.
La direction de Jean-Claude
Malgoire suit ce mouvement délibérément sage, en
tempi généralement alertes et véritable sens de
la progression musicale, sinon dramatique. Mais la Grande Ecurie et
la Chambre du Roy se montre souvent faillible, de mise en place comme
de justesse, et surtout avare des couleurs d\92une dramaturgie
kaléidoscope, à l\92image de chanteurs fidèles
parmi les fidèles, plus convaincants par la volonté que
par des prouesses vocales.
Lynne Dawson,
haendélienne au génie maintes fois
réaffirmé, peine dans le grave et soigne peu les mots,
estompant les contours d\92une Agrippina qui n\92a plus que la
lumière de l\92aigu. De récitatifs enjoués, Ingrid
Perruche sacrifie dans les arie la précision et la souplesse
au profit d\92une ampleur qui souvent lorgne sur le rôle-titre.
Timbre émouvant, mais technique précaire, Thierry
Grégoire est un Ottone rythmiquement et physiquement placide.
Le Claudio de Nigel Smith fanfaronne en revanche avec panache, osant
plus encore qu\92une étendue déjà
démesurée, d\92un aigu fièrement projeté,
alors que Dominique Visse crée un personnage dans la seconde,
ici Narciso virevoltant, en voix à la laideur
irrésistible. Plus assuré là où la
tessiture lui est moins aisée, mais adolescent encore dans les
jupons de sa mère, Philippe Jaroussky est un Nerone à
l\92aigu moins renversant, peut-être, mais au timbre plus charnu,
à la couleur plus riche, et de chant virtuose, varié,
éminemment italien, leçon unique, exaltée, de
bel canto."
- Forum Opéra - 4 mars 2005
"Pour être tout à
fait honnête, on y allait un peu à reculons... Non pas
à cause d'Haendel, qu'on louera bien volontiers en ces jours
de froid polaire, mais d'une production peu engageante,
créée à l'Atelier Lyrique de Tourcoing en 2003
et alors fraîchement accueillie par la critique. Depuis, un DVD
(paru chez Dynamic) nous a renseigné sur les qualités
d'un travail d'équipe louable, handicapé par la mise en
scène insignifiante de Frédéric Fisbach et les
déboires d'une équipe de chanteurs manquant
d'envergure. Heureusement pour nous, l'Opéra est un art
vivant, en permanente mutation, et l'on espérait
secrètement que la chrysalide serait peut-être devenue
papillon. D'autant qu'Agrippina, rejeton inspiré d'un musicien
de 25 ans qui a succombé aux sortilèges de la musique
italienne, se prête au dépassement de soi... Mais, nul
ne l'ignore, les miracles ne se produisent... que quand on ne les
attend point.
Visuellement, cette Agrippina
demeure toujours aussi pénible à regarder.
Frédéric Fisbach a abordé l'oeuvre avec beaucoup
de prudence : il la manipule avec des pincettes, au lieu de s'en
emparer comme l'avait si bien fait David McVicar, il y a quelques
années, à Bruxelles. Visiblement peu inspiré par
le livret du Cardinal Grimani, d'une densité psychologique peu
commune, riche en potentialités, le metteur en scène a
tenté une "synthèse" entre l'esthétique baroque,
incarnée ici par les costumes XVIIIème d'Olga Karpinsky
(les robes saumonées valent le détour), les coiffures
de Catherine Nicolas, et une certaine forme de modernité
abstraite. Des panneaux amovibles (forme géométrique et
couleur blanche de rigueur) lancés dans un
chassé-croisé inlassable, censé traduire les
émotions des personnages, pris au piège de leurs
liaisons dangereuses, des projections vidéo parfois belles,
mais gratuites... Autant dire que l'abstraction revêt ici de
bien curieuses formes, tout en apportant peu au propos. Mais au fait,
de quelle nature est-il ? Comment expliquer les déambulations
erratiques que nous infligent une dizaine de comédiens
inexpressifs ? Coup de pouce donné aux intermittents du
spectacle ? Ou simple remplissage d'espace scénique ? Ce
spectacle aussi dénué d'humour que de passion, se
termine par le pied de nez que Fisbach adresse aux conventions de
l'opera seria : des fragments du livret sont projetés sur une
toile blanche, telles des bulles de BD. Pour les accompagner :
onomatopées, interjections, annotations, noms d'oiseau et
gribouillis... "Tout est factice, et je ne suis pas dupe. Ne le
soyez-pas !" nous dit le jeune metteur en scène qui n'a pas
réussi à imposer les idées fortes, originales,
novatrices qui nous forceraient à regarder, et à
entendre, Haendel autrement.
Véritable pionnier de
l'aventure baroque, à qui l'on doit la découverte de
nombreux manuscrits, Jean-Claude Malgoire traverse les âges
avec la sérénité impassible d'un chef sioux. On
le sait subtil accompagnateur, soucieux de respirer avec ses
chanteurs et fin connaisseur de l'oeuvre du compositeur saxon. Il
dispose, de surcroît, d'une instrument solide (La Grande Ecurie
et la Chambre du Roy) qui, en termes
d'homogénéité, de justesse d'intonation, de
fiabilité, n'a pas grand chose à envier à des
formations bien plus huppées ! Agrippina réussit
plutôt bien au chef français et, il y a 20 ans, on
aurait adhéré sans réserves à la lecture
vivante et contrastée qu'il nous en offre. Mais d'autres sont
venus depuis, extrayant de la musique de Haendel
d'insoupçonnables joyaux : le parfois superficiel et
bouillonnant Minkowski, qui en un claquement de doigts, transforme
n'importe quel éteignoir en torche brûlante, osant les
tempi les plus vertigineux, le lyrisme le plus flamboyant et
l'extralucide Jacobs, à qui nul sentiment humain n'est
étranger. Malgoire est un très bon chef, mais on aurait
aimé entendre ses troupes galvanisées par une baguette
plus audacieuse, plus charismatique, plus sensuelle, vibrante.
Le frisson, il n'aura pas
fallu l'attendre d'une distribution de petit format. Une
équipe de chanteurs sympathiques et sérieux, un esprit
de troupe plutôt touchant, une complicité
évidente avec le chef. Voilà pour les compliments ! Que
l'on déplore maintenant un déficit flagrant en
personnalités vocales et en incarnations mémorables,
qui crée vite un sentiment de langueur, voire d'ennui, qui ne
nous quittera plus. Et pourtant, dans cette oeuvre de trahison, de
désir et d'amertume, les sentiments sont tous
exacerbés. Le fiel et le miel se confondent en permanence,
pour le plus grand bonheur du mélomane... Mais allez demander
à la placide Lynne Dawson de donner corps (et voix) à
l'épouvantable matrone romaine, passée maître
ès manipulation. Remplaçant in extremis Veronica
Cangemi, la soprano anglaise essaie visiblement de redonner à
sa carrière déclinante son lustre d'antan. Si le timbre
n'a guère perdu de sa luminosité, le bas-médium
est devenu pratiquement inaudible et les aigus sont souvent
émis en force. On souffre de voir une chanteuse aussi
attachante se réfugier dans un chant par trop prudent,
manquant terriblement d'assise (notes de passage escamotées),
avec un recours trop systématique à la voix de
poitrine. Les récitatifs ont particulièrement souffert
de ces difficultés vocales, qui ternissent aujourd'hui l'image
de la chanteuse. Tout juste auréolée d'une Victoire de
la musique un tantinet imméritée, Ingrid Perruche
dessine une Poppée mutine et précieuse,
délicieusement fine mouche. Si le personnage est
intéressant scéniquement, la soprano peine hélas
à le caractériser vocalement. De belles notes qui
s'égrènent, une voix et une personnalité qui se
cherchent, sans véritablement se (et nous) trouver. Pour
quelques jolies choses, combien d'afféteries insipides !
Face à des dames qui
font souffler blizzard et sirocco, on attendait de ces messieurs
qu'ils pacifient les cieux ! Dans cet opéra, les hommes n'ont
pas vraiment le beau rôle. Geignards (Otton), stupides
(Néron), obtus (Claude), manipulables (Pallas et Narcisse),
ils sont l'instrument de la volonté féminine.
Affublé d'une perruque ridicule qui rappelle le Richard
Cocciante des années 80, Jaroussky surclasse à peu
près tout le monde en matière de musicalité et
de vocalisation (quelle virtuosité dans les trilles !). Mais
le frêle Philippe est-il le contre-ténor
haendélien idéal ? Cette voix d'angelot, un peu
étriquée, pauvre en couleurs et en harmoniques, au
volume limité, me semble un peu surestimée. On sera
tout aussi réservé sur l'émission
précaire de Thierry Grégoire, au demeurant fort
émouvant Otton, capable, lui aussi, de beaux moments. Il n'y a
pas grand chose à dire du Claude de Nigel Smith, limité
dans l'extrême grave et au chant bien univoque. Bernard
Deletré et Alain Buet sont correctement distribués en
Pallas et Lesbus mais tous deux s'inclinent devant l'incontournable
Dominique Visse. Un timbre ingrat, certes, mais quelle intelligence
du texte, quelle musicalité ! Pour lui, pour Jaroussky, pour
quelques moments de Perruche et de Grégoire, pour Malgoire et
son ensemble, cette Agrippina arrosée au Champomi valait tout
de même le détour."
- Varsovie - Opera Narodowa
- 14 octobre 2004 - Bratislava - 22, 23 octobre 2004 -
Combattimento Consort Amsterdam - dir. Jan Willem de Vriend - mise
en scène Eva Buchmann - décors Annètje de
Jong - costumes Peter George d\92Angelino Tap - lumières Kees
van de Lagemaat - avec Annemarie Kremer (Agrippina), Renate Arends
(Poppea), Michael Hart-Davis (Nerone), Quirijn de Lang (Ottone),
Piotr Micinski (Claudius), Clint van der Linde (Narcissus), Jan
Alofs (Lesbo), Robbert Muuse (Pallante)
- Buenos Ayres
Lirica - 16, 18, 24, 26 septembre 2004 - en anglais -
Orquesta Barroca del Plata - dir. Juan Manuel Quintana - mise en
scène Claudio Gallardou - scénographie Renata
Schusshei- lumières Claudio Gallardou - avec Hernán
Iturralde, Carla Filipcic Holm, Rosa Domínguez, Laura
Antonaz, Franco Fagioli, Alejandro Meerapfel, Pablo Travaglino,
Sergio Carlevaris

- Ljubljana - Gallus
Kulturniho - 2004 - Combattimento Consort Amsterdam -
dir. Jan Willem de Vriend - Annemarie Kremer (Agrippina, Giunone),
Renate Arends (Poppea), Clint van der Linde (Narciso), Piotr
Micinski (Claudio), Quirijn de Lang (Ottone), Michael Hart-Davis
(Nero), Jan Alofs (Lesbo), Robbert Muuse (Pallante)
- Opéra de Santa
Fé - 24, 28 juillet, 6, 12, 18, 26 août
2004 - dir. Harry Bicket - mise en scène Francisco Negrin -
décors, costumes Allen Moyer - lumières Jennifer
Tipton - avec Christine Goerke (Agrippina), Lisa Saffer (Poppea),
Kristine Jepson (Nerone), David Walker (Narciso), Christophe
Dumaux (Ottone), Brindley Sherratt (Claudio)

"Un succès à
tout point de vue. Francisco Negrin prend toute la mesure de cette
équivoque intrigue de cour et la peuple de caractères
puissamment dessinés. Les beaux décors flexibles
d'Allen Moyer, très néo-classiques, sont superbement
éclairés par JenniferTipton. Et Harry Bicket dirige
magistralement un plateau de première grandeur : une lecture
stylée et sensible à la moindre nuance dramatique, au
moindre changement de ton.
Agrippina vaut d'abord pour
ses expérimentations formelles : très réussie
à cet égard, la scène où Ottone,
dénoncé par l'empereur, implore l'aide des autres
personnages du drame, déclenchant ainsi des ariosi de
déni de la plupart, et des récitatifs brusques de
quelques autres - et sa réponse hébétée,
le lamento " Voi, che udite ", est le moment où le
contre-ténor français Christophe Dumaux, jusqu'ici
sonore et sympathique, devient réellement expressif. A noter
que Bicket réduit plusieurs airs à leur section A et
que les solistes assument les parties chorales. Garantes de
l'ornementation haendelienne, Christine Goerke (Agrippina) et Lisa
Saffer (Poppea) font preuve d'une magnifique invention. Goerke,
surtout, est une splendide Augusta, qui prend des risques et sait se
montrer irrésistible dans la pure comédie comme dans la
déclamation tragique, d'une voix impérieuse et sombre:
cette Agrippina met de l'acuité dans le récitatif et la
cantilène, et projette des guirlandes d'éclatante
coloratura. "Ogni venta " est son triomphe, tout comme le finale,
lorsque l'impératrice, ayant enfin installé son fils
sur le trône, remâche un arrière-goût
d'inachevé - ici, Goerke et Negrin sont allés
au-delà de la littéralité du texte et ont
créé un moment mémorable de vrai
théâtre lyrique. Lisa Saffer incarne, elle, une Poppea
rouée et charmeuse, comme chorégraphiée, et qui
n'a aucun mal à envoûter le bel Ottone svelte de Dumaux.
Complétant la distribution avec beaucoup de panache et de
style, le Claudio de Brindley Sherratt, vrai libertin sur ie retour,
le Nerone folâtre et inconséquent de Kristine Jepson et
le luxueux Narciso de Davld Walker. Grande soirée."
(Opéra International - octobre 2004 - 26 août
2004)
- Théâtre des
Champs Elysées - 23, 25, 27, 28 septembre 2003 -
Concerto Köln - dir. René Jacobs - mise en
scène David McVicar - décors, costumes John
MacFarlane - lumières Paule Constable - avec Anna Caterina
Antonacci (Agrippina), Malena Ernman (Nerone), Miah Persson
(Poppea), Lorenzo Regazzo (Claudio), Lawrence Zazzo (Ottone),
Antonio Abete (Pallante), Dominique Visse (Narciso), Lynton Black
(Lesbo)

- Présentation Théâtre des
Champs Elysées
"Le metteur en scène
David Mc Vicar, qui faisait alors ses débuts parisiens et le
chef d'orchestre René Jacobs nous avaient donné, voici
trois saisons, une Agrippina ébouriffante et
éblouissante, saluée unanimement par le public et par
la critique. Tout y était, la verve, l'humour, la
drôlerie, l'ironie, mais aussi, dans la grande tradition
haendélienne, de prodigieux moments d'abandon. Ce spectacle
sera redonné pour quatre soirées seulement avec une
distribution quasiment identique, au sein de laquelle brilleront
à nouveau le Néron androgyne de Malena Ernman, la
sensuelle Agrippina d'Anna Caterina Antonacci, le Claudio
décalé et ridicule de Lorenzo Regazzo. Le seul
changement de distribution concerne le rôle de Poppée,
qui sera interprété par la jeune suédoise Miah
Persson."
"C'est avec un plaisir
décuplé que l'on put revoir cette excellente production
qui avait déjà charmé au printemps 2000. Rome,
pour éternelle qu'elle soit, est ici proche de nous, toujours
prête aux excès du pouvoir comme aux scandales mondains.
La proposition étourdissante de David McVicar s'ouvre et se
referme sur les tombeaux des protagonistes, autour d'un immense
escalier jaune en haut duquel siège le trône tant
convoité d'un Empire où finalement l'épouse de
Claude emportera la palme au plus honteux concours d'intrigues et
d'ambition jamais imaginé. Ce travail s'avèra
intelligemment construit à partir d'une vraie analyse
dramaturgique de l'oeuvre. La redoutable Agrippina était
jouée par Anna Caterina Antonacci : présence
fascinante, talent d'actrice sans limites, voix d'une endurance
démoniaque au timbre corsé autant que séduisant,
physique de rêve, la soprano menait la partie avec un
génie au moins égal àcelui du personnage. Elle a
su rendre crédible chacune des paroles du rôle, chaque
situation, sans ce cabotinage fréquent qui consiste à
désigner le jeu en jouant, pour ainsi dire. Le résultat
connaît le bonheur d'être exempt de toute caricature,
humanisant une femme que la littérature montra presque
exclusivement comme un monstre. Quant aux victoires qu'elle emporte
grâce à ses manipulations, loin de nous indigner, elles
contribuent à nous la faire admirer, le sourire aux
lèvres. A une Agrippina d'une grande classe est
associée une grande distribution. Lynton Black donnait un
Lesbo sonore, et Nerone était confié à la
trépidante Malena Ernman produisant vocalises et ornements
avec une décoiffante facilité. Lawrence Zazzo servait
un Ottone attachant, d'une voix claire dont il maîtrise
parfaitement les possibilités ; il a su plonger le public dans
une gravité inquiète en donnant un "Voi che udite il
moi lamento" beau comme un désert, désemparé et
pudique. A la tête du Concerto Köln, René Jacobs
proposait une lecture électrique de l'ouvrage."
- Concertclassic - 23 septembre 2003
"Reprise d'une production
exemplaire présentée en mai 2000. L'Agrippina de
René Jacobs a tout pour nous plaire. Sa direction nous
éblouit autant par la rigueur du musicologue, que par
l'exigence de l'esthète. A la fin de cette "première",
on reste frappé par le sens "cérébral" parfois
minimaliste de sa direction. La netteté tranchante du geste
musical transfigure pourtant chaque nuance, instrumentale et vocale.
A la précision millimétrée des accents, il
ajoute la chair dramatique et l'onctuosité nécessaire.
S'agissant d'Agrippina, partition plutôt inventive, cette
attention sublime à la note, au son, au geste scénique
fait merveille.
Aux côtés d'un
orchestre voluptueux, mordant et murmurant, lascif ou grandiloquent
jusqu'au ridicule (les airs de l'empereur Claude), le chef a
réuni un plateau vocal superlatif. "Opéra de femmes",
son Agrippina oppose deux figures de la séduction comme les
deux faces complémentaires d'un miroir : l'ambition du pouvoir
et son double, la sincérité des sentiments. Ici, un
monstre de perversité cruelle, de cynisme glacial (l'Agrippina
d'Anna Caterina Antonacci brûle les planches. Elle a
gagné en sûreté et en finesse vocales depuis
2000) ; là, Poppée, amoureuse trompée mais
habitée par l'intelligence du cour : Miah Persson était
doublée vocalement par Rosemary Joshua ("La" Poppée des
premières soirées 2000) dans la fosse.
Ce dispositif de
dédoublement accentuait cet effet d'improvisation : voir la
chanteuse à son pupitre aux côtés du chef,
accréditait davantage l'effet d'une performance propre
à notre soirée. Remplaçante inattendue, Rosemary
Joshua a dépassé ce que nous avions entendu en 2000 :
tendresse fragile du timbre et lyrisme toujours musical. L'on
regretta que le chef n'ait pas inscrit le magnifique air dramatique
"Per punir"et son étourdissant solo de clavecin (joué
en 2000)."
- Altamusica - Agrippina à gorge
déployée - 22 septembre 2003
"David McVicar
n\92échappe pas à une certaine tradition anglo-saxonne,
qui règle les difficultés de l\92opera seria par
principalement deux solutions : la première
esthétisante (et frisant parfois l\92ennui), soucieuse de donner
aux chanteurs toute latitude pour déployer librement leur art
; l\92autre plus cynique, tendant à souligner les faiblesses
mêmes du genre en recourant à l\92ironie et aux
décalages. David Mc Vicar appartient plutôt à la
seconde école, et sa mise en scène fait appel à
l\92imagerie la plus débridée pour dépeindre un
Empire romain sur le déclin. Les situations fortes \96 et
hilarantes \96 ne manquent donc pas : autour d\92un escalier amovible
jaune-or en haut duquel se dresse le trône impérial, les
protagonistes de cette lutte pour le pouvoir évoluent tels des
personnages tout droit sortis d\92un sitcom. Un Claude très
businessman lubrique, une Agrippina digne de Jacky Kennedy, un
Néron postpubère tête-à-claque, une
Poppée-Barbie que n\92effraie guère l\92alcool, tout
concourt à créer une ambiance aussi hystérique
que cynique. Menée tambour battant, cette Agrippina est avant
tout une efficace machine théâtrale, voire burlesque. Il
est vrai que le livret commis par Vincenzo Grimani s\92y prête
admirablement, satire virtuose de la Rome pontificale, ouvrant au
jeune Haendel (il a 24 ans quand l\92\9Cuvre est créée
à Venise) des voies d\92une richesse qu\92il ne retrouvera pas
toujours pour les chefs d\92\9Cuvre à venir.
Dans ce contexte, il vaut
mieux pouvoir compter sur des bêtes de scène, et cela
est ici le cas. Anna Caterina Antonacci trouve en Agrippine un
rôle taillé sur mesure : la tessiture lui convient
idéalement, et le tempérament de la chanteuse
italienne, sa présence vocale impérieuse, compensent
largement un timbre désormais amoindri. L\92affrontement entre
Néron et Othon tourne à l\92avantage du premier car si
Lawrence Zazzo/Othon ne démérite nullement (projection
rare pour un contre-ténor, musicien sensible), le Néron
de Malena Ernman emporte totalement l\92adhésion par sa
facilité vocale (un Come nube expédié avec une
aisance sidérante, entre deux lignes de coke) et une
composition ahurissante \96 rarement une chanteuse aura
été aussi convaincante dans un rôle travesti.
Lorenzo Ragazzo en Claude souffrit d\92une méforme
annoncée au public, alors que Miah Persson, pour sa part
vraiment malade, fut remplacée dans la fosse par Rosemary
Joshua, au chant d\92une haute tenue malgré quelques
approximations dans l\92intonation : dommage, car sa plastique
avantageuse et son jeu d\92acteur laissent deviner une Poppée
aussi piquante que séductrice. Les comparses sont, de
même, scéniquement sans faille, Dominique Visse ne
ratant pas l\92occasion, une fois de plus, de faire montre d\92un
métier admirable en Narcisse.
Bien entendu, ce beau projet
resterait en partie lettre morte s\92il n\92y avait un chef capable
d\92animer toute cette machinerie. Même si l\92on aurait parfois
aimé un brin de souplesse supplémentaire, en
particulier dans la rythmique des récitatifs, il faut saluer
le flair théâtral du chef belge et sa parfaite
connaissance des canons du chant baroque. S\92appuyant sur un Concerto
Köln plus incisif que jamais, René Jacobs a
orchestré de main de maître ce rassemblement explosif,
commentant avec un humour souvent ravageur les actes de ses
chanteurs. De quoi faire réfléchir, et prouver que
l\92opera seria est certes une affaire sérieuse, mais qu\92on peut
en rire sans lui porter dommage."
- Forum Opéra - 23 septembre 2003
"Trois ans après sa
création triomphale au printemps 2000, la réjouissante
production d'Agrippina de David McVicar et René Jacobs, qui
transpose l'intrigue antiquisante à notre époque, n'a
pas pris une seule ride - car McVicar, malicieux, n'a pas
hésité à la réviser. Et c'est là
d'ailleurs la bonne surprise de cette reprise ! Devant composer avec
une nouvelle interprète dans le rôle de Poppée,
le metteur en scène a revu sa partition avec elle, et ils ont
créé ensemble un nouveau personnage, radicalement
différent.
Changement de midinette -
Là où Rosemary Joshua incarnait, en mini robe sexy et
blouson de cuir vintage, une jeune courtisane perverse (sous des
dehors de charmante et candide bimbo branchée)
commençant à avoir de la bouteille, rompue aux moeurs
(forcément dissolues) de la cour et n'hésitant pas
à prendre des leçons d'Agrippine pour satisfaire son
ambition toujours grandissante, Miah Persson, en jeans bootcut et
débardeur noir, donne vie à une ado blessée et
capricieuse, mi-poupée Barbie mi-fille de mafioso pourrie
gâtée. Une fois de plus, le génie de McVicar se
trouve dans les détails, comme cet oversized sweatshirt dans
lequel s'emmitoufle la demoiselle après en avoir tiré
les manches par-dessus ses poings... A l'évidence, ce
changement de caractère modifie également les rapports
entre les personnages, Poppée étant au centre de
l'intrigue et des désirs enchevêtrés de ses
protagonistes. La Poppée 2003 s'avère plus proche
d'âge et de mentalité du jeune Néron (plus
immédiatement attirée par lui lorsqu'il monte sur le
trône, aussi), et sa relation à un Othon lui aussi
différent (plus nerd coincé et carriériste que
marin loyal et naïf) en semble moins sincère, moins
touchante ; quant aux rapports entre Claude et Poppée, ils
prennent une teinte légèrement incestueuse. Mais
là où le changement se montre le plus spectaculaire -
et le plus juste - , c'est dans les liens complexes et ambigus qui se
tissent entre Poppée et Agrippine : entre la femme de pouvoir
manipulatrice et la midinette abusée, plus de perverse
séduction saphique ni d'initiation à la rouerie, mais
un subtil et soigneux travail de sape, de broyage moral et
psychologique, à l'image d'un Non ho cor che per amarti, dont
l'effroyable violence contenue trouve des échos dans la
musique qui, placée sous ce nouvel éclairage
dramatique, révèle une véhémence
insoupçonnée. Ce remaniement de la mise en
scène, et l'habileté avec laquelle celui-ci vient
s'inscrire dans le reste du tableau rappelle à quel point
McVicar est un formidable directeur d'acteurs, comme on en rencontre
encore trop peu à l'opéra - de la trempe d'un Sellars
ou d'une Warner. Sous son égide, les chanteurs se
métamorphosent littéralement et se livrent à des
performances d'une impressionnante intensité.
Duel de tempéraments -
Le plateau est une fois de plus tout entier dominé par
l'impératrice carnassière d'Anna Caterina Antonacci,
d'un abattage et d'une présence décidément
fascinants. Femme du monde éprise de domination, épouse
étouffante, maîtresse opportuniste, mère
ambiguë et manipulatrice, et surtout stratège
redoutablement psychologue, cette Agrippina accro au Gordon's et au
pouvoir glace les sangs autant qu'elle hypnotise, et ce n'est pas une
intonation souvent trop basse (on note au passage que trois ans
après ce sont toujours exactement les mêmes lignes qui
se trouvent malmenées avec une regrettable constance soir
après soir) qui refroidira l'enthousiasme que suscite une
incarnation en tout points admirable. Que ce soit dans la fureur ou
le tourment, l'hypocrite sympathie ou l'insidieux déploiement
de charme, la Antonacci, tout de feu et de bronze, trouve toujours
l'attitude juste et tire son épingle du jeu même lorsque
le chef la bouscule à coups de cravache sur l'orchestre (un
travers pourtant bien peu caractéristique de René
Jacobs dans cette musique), comme ce fut, de manière
étonnante, le cas dans de nombreux airs.
Face à une telle
Agrippine, difficile de s'affirmer, et il faut toute la folie et
l'excentricité de Malena Ernman en Néron pour lui tenir
tête, ce que celle-ci fait le plus crânement du monde,
mais sans jamais mettre en péril la remarquable alchimie que
le sale gosse qu'elle incarne entretient avec l'impératrice
castratrice - la conjonction des talents et des tempéraments
(scéniquement explosifs) des deux chanteuses donne lieu
à de magnifiques scènes mère-fils sur lesquelles
plane souvent le spectre de l'inceste (auquel Agrippine recourra
d'ailleurs à la fin de sa vie pour tenter d'arracher
Néron à l'influence de Poppée).
Révélation des représentations de 2000, la
suédoise survitaminée profite de la reprise pour
transformer l'essai à l'aide d'une interprétation
décidément superlative : plus allumé, plus
gamin, plus hâbleur, plus cabotin, plus cocaïné,
son Néron démentiel, troublant de justesse et
d'androgynie, transporte une fois de plus - et il semblerait que la
mezzo se soit donné comme seul objectif de se surpasser !
Comme toujours, l'agilité des colorature (inénarrable -
et anthologique - Come fugge le nubbe dal vento), qui n'a
d'égale que l'élasticité physique (hilarant
Sotto il lauro che hai sul crine dont la chorégraphie à
mi-chemin entre Michael Jackson et break-dance ébahit toujours
autant), donne le vertige, tandis que la pure beauté de la
voix - remarquablement homogène sur toute la tessiture - ,
l'intelligence du phrasé et des couleurs, et surtout l'audace
des jeux de nuances et de détimbrages font tourner la
tête à l'auditeur dans un Quando invita la donna
l'amante d'une étourdissante sensualité et dont le
miracle d'écoute mutuelle et de fusion musicale entre la
chanteuse (vautrée par terre à l'avant-scène) et
les deux flûtes (qui lui font face depuis la fosse)
résonne encore dans les oreilles bien longtemps après
la fin de la représentation.
Deux Poppée pour le
prix d'une - On attendait beaucoup de la prise de rôle de Miah
Persson en Poppée - difficile de succéder à
Rosemary Joshua, à ses irrésistibles minauderies et
à son sex-appeal dévastateur. Ironie du sort, c'est
justement Rosemary Joshua que l'on entendit à la
première, tandis que Miah Persson, vocalement
incommodée, mimait le rôle sur scène !
Passé le choc premier de voir une Poppée sur
scène en en entendant une autre dans la fosse (même si,
paradoxalement, l'effet de doublage seyait bien, après tout,
à une "adulescente" de soap), on se délecta une fois de
plus du timbre frais et mutin de la soprano galloise,
décidément adorable de fausse candeur et de vraie
perversité (même lorsqu'elle chante le nez dans la
partition). Miah Persson, une fois ses moyens vocaux
retrouvés, campe de son côté une jolie
Poppée, même si elle semble toujours chercher un peu ses
marques au milieu d'une distribution sacrément rodée.
Musicalement, sa prestation est impeccable, mis à part
quelques problèmes de justesse (notamment dans les sauts
d'intervalles), et son timbre fruité, parfois proche du
capiteux, convient bien au personnage qu'elle incarne ; tout juste
aurait-on aimé plus de feu et d'audace de la part de la
soprano, qui semble privilégier la propreté vocale
plutôt que le jeu dramatique.
Bizarrement, on se retrouve
à faire le même reproche à son partenaire, Larry
Zazzo, dont l'Othon est cette fois-ci étonnamment
précautionneux et placide. Le contre-ténor
américain se laisserait-il aller à se reposer sur les
récents lauriers de son succès grandissant ? Toujours
est-il que son interprétation, certes excellente sur le plan
vocal, s'avère frustrante par son relatif manque d'engagement,
et l'on ne retrouve que rarement le frisson éprouvé il
y a trois ans à l'écoute de la déchirante
plainte du loyal général au deuxième acte.
Que dire du reste de la
distribution, si ce n'est que les messieurs sont toujours aussi
parfaits. Claude à la fois bravache et veule, Lorenzo Regazzo
excelle dans sa personnification d'une baudruche aussi prompte
à s'enfler au contact de sa maîtresse qu'à se
dégonfler devant la farouche vindicte de son épouse,
tandis que le duo de courtisans opportunistes campés par
Dominique Visse et Antonio Abete se montrent plus drôles que
jamais. Lynton Black complète idéalement le tableau
avec un Lesbos malin et distancié.
A quand l'enregistrement ?
Dans la fosse, René Jacobs mène une fois de plus son
orchestre tambour battant - mais cette fois, on surprend le chef
à se livrer à un péché mignon pourtant
guère dans ses habitudes : l'usage de la cravache ! Parfois
poussé par un démon aussi invisible qu'inexplicable,
Jacobs bouscule chanteurs et instrumentistes parfois aux limites du
raisonnable, et l'auditeur tant que l'interprète se retrouvent
en manque d'air dans certaines arie ; fort heureusement, avec un cast
aussi rompu aux délirants excès d'Agrippina, ce qui
pourrait mener à la catastrophe pousse certains à se
surpasser, notamment Anna Caterina Antonacci, que l'on aura rarement
vue aussi maîtresse de la situation. Orchestre et continuo s'en
donnent à coeur joie dans une musique pleine de lyrisme et de
fureur et même si le continuo semble parfois avoir perdu un peu
de son mordant originel, les accompagnati restent remarquables de
tension dramatique, tandis que l'accompagnement des airs suit
à la perfection les voix (nous permettra-t-on cependant de
regretter certaines modifications dans la réalisation
musicale, comme cette disparition du clavecin machiavélique
sous la deuxième phrase du Tu ben degno sei dell' allor
d'Agrippine?). Menée de main de maître par un metteur en
scène musical aussi exigeant que plein d'humour, cette
Agrippina déjantée ne réclame à
présent plus qu'une chose : une double parution CD et DVD dans
les plus brefs délais ; car on voit mal qui d'autre que le
chef gantois pourrait enfin apporter à ce chef-d'oeuvre un peu
fou la référence qu'il attend toujours depuis que le
disque existe... de même que l'on a peine à imaginer
production plus brillante et plus jouissivement cruelle que celle de
David McVicar."
- ConcertoNet - 23 septembre 2003
"Après avoir
triomphé en mai 2000 à Paris et en juin et septembre
derniers à Bruxelles, la fameuse production de David McVicar
d\92Agrippina revient le temps de quelques représentations au
théâtre des Champs-Elysées et se taille un franc
succès. Certes Haendel suscite des mises en scène de
plus en plus farfelues, de plus en plus décalées et la
transposition au monde contemporain est un des artifices
privilégiés par les metteurs en scène. David
McVicar ne déroge pas à cette règle, mais avec
moins de talent et d\92esthétique que Jean-Marie
Villégier dans Rodelinda de Glyndebourne.
Cette lecture de la Rome
antique, par bien des aspects, est très intéressante.
Le metteur en scène décide de présenter une Rome
assez décadente et surtout en mauvaise passe politique : le
panneau du rideau montre une louve romaine en bonne santé et
nourrissant les deux jumeaux mais lorsque Claude apprend la fausse
trahison d\92Ottone, la lumière s\92éteint sur une louve
ensanglantée. Agrippine, véritable furie
déchaînée, tente pendant près de quatre
heures, d\92asseoir son fils Néron sur le trône et
d\92évincer Ottone, le favori de Claude. David McVicar
présente cette oeuvre comme un moment dans l\92histoire romaine
à travers le personnage de Lesbos, rôle assez mineur
musicalement, mais qu\92il amplifie en en faisant une sorte de Destin :
en effet le personnage apparaît sur scène dès
l\92ouverture, un volume des Annales de Tacite à la main. A la
fin de l\92opéra, il se remet dans la même position,
toujours avec le livre. La scène s\92ouvre sur une série
de tombeaux sur lesquels sont gravés les noms des personnages
et tous les chanteurs sont allongés dessus. Au moment du
final, ils regagnent leurs sarcophages et se replacent presque dans
la même position. Ces accessoires sont à transformation
car celui d\92Agrippine devient une coiffeuse, celui de Poppée
un lit\85 L\92élément décoratif central de cette
mise en scène est un escalier jaune au sommet duquel se trouve
le fameux trône convoité par tant de personnages: Claude
y reçoit son triomphe, Agrippine, hors d\92elle, rampe sur les
marches à la fin de l\92acte 2 et Néron gravit
allègrement les marches à la fin de l\92opéra: la
prise de l\92escalier symbolisant quelque peu la prise du pouvoir\85
Toutefois on note ça et là quelques
incohérences, certes volontaires. Pendant l\92air \93Tu ben degno\93
Agrippine est censée s\92adresser à Ottone, or ce dernier
est en train de se faire interviewer et Agrippine parle dans le vide.
De même Néron témoigne des marques de tendresse
à une mère absente, partie s\92habiller en coulisse.
Si la mise en scène
déstabilise un peu, le bonheur au niveau vocal est
extrême. Tous les rôles sont tenus à la perfection
et on ne sait qui louer le plus. Anna-Caterina Antonacci,
déjà superbe dans Rodelinda en février 2002 au
Châtelet, trouve en Agrippine un de ses meilleurs rôles.
La voix est claire, forte, nuancée. La seule petite
déception vient de ses aigus un peu forcés. La
chanteuse s\92engage corps et âme dans ce personnage et le
transcende complètement. Sa voix est faite pour Haendel,
certes, mais derrière certaines notes on peut entendre une
future Tosca se débattant dans les griffes de Scarpia. Lors de
la première elle est restée assez fidèle
à la mise en scène mais à la dernière
représentation, elle a accentué tous les traits de son
personnage, faisant d\92Agrippine une alcoolique certes, mais surtout
une femme déterminée et prête à tout pour
faire monter son fils sur le trône. La fameuse scène
\93Pensieri, voi mi tormentate\94 est peut-être un petit peu moins
bien chantée lors de la dernière mais est bien plus
convaincante et la colère d\92Agrippine prend corps à ce
moment. Anna-Caterina Antonacci module sa voix de manière
à crier certaines notes pour les rendre plus dramatiques :
lorsqu\92elle appelle Néron au pouvoir avant le retour inattendu
de Claude, ses \93Vieni\94 sont davantage des rugissements que des notes.
Une grande actrice et une grande chanteuse!
Miah Persson se sort du
rôle de Poppée avec tous les honneurs. Souffrante le
soir de la première, Rosemary Joshua, qui avait
créé cette production, a accepté de chanter dans
la fosse. Extrêmement tendue au début de la
représentation, sa voix se libère au fur et à
mesure et elle parvient à surmonter son appréhension
pour retrouver toute sa mesure dans la deuxième partie. En
revanche Miah Persson, en pleine forme le soir de la dernière,
séduit par sa voix fraîche qui avait déjà
fait merveille dans le rôle de Smorfiosa dans l\92Opera Seria en
mars dernier, mais aussi par son engagement vocal. Elle tente le pari
de faire de Poppée une véritable peste, moins
manipulatrice qu\92Agrippine mais qui ne saurait tarder à la
valoir. Ses vocalises sont menées avec soin, toutes les notes
y sont et elle tente de donner à cette accumulation de notes
une portée dramatique. Elle se montre particulièrement
émouvante dans le duo avec Ottone et coléreuse dans la
cavatine \93Tu ben è\92ltrono\94 qu\92elle lui chante au moment de sa
disgrâce: elle distingue chaque syllabe, prête à
éclater!
Malena Ernman est absolument
époustouflante dans le rôle de Néron. Sa
transformation en jeune garçon façon banlieue est
criante de vérité et elle en a adopté tous les
gestes, toutes les attitudes. Elle joue le jeu jusqu\92au bout et avec
brio. Le metteur en scène décide de faire de
Néron un jeune fou, drogué et dominé par ses
pulsions amoureuses. Quelques jeux de scène sont assez
drôles notamment quand le prince royal est obligé de
décliner son identité pour avoir le droit de commander
une bière dans le bar. Cette jeune chanteuse module sa voix
à l\92envie et sait la rendre envoûtante comme dans l\92air
\93Quando invita la donna\94 qu\92elle chante rideau baissé et
couchée par terre: avec René Jacobs, ils adoptent un
tempo assez lent, rendant ce passage presque irréel. Le
premier air qu\92elle chante en hommage à Agrippine est
également d\92une pure beauté et ses \93o\94 de
\93ascenderò\94 sont en parfaite harmonie avec les sons de
l\92orchestre.
Lorenzo Regazzo,
annoncé malade lors de la première, est souverain dans
le rôle de Claude. René Jacobs explique, dans le
programme, qu\92il a préféré un baryton à
une basse, ce qui permet de jouer sur le ridicule du personne et son
incapacité à prendre des décisions. Il est
sûr que l\92on imagine difficilement un empereur romain digne de
ce nom en train de jouer au golf ou bien découvert, à
moitié déshabillé, par sa femme au moment
où il s\92apprête à séduire Poppée.
Le metteur en scène prend le parti de montrer la faiblesse de
ce personnage, ce qui met davantage en relief la manipulation et la
détermination d\92Agrippine. Vocalement, le baryton italien est
parfait et il n\92hésite pas à enlaidir certaines notes
pour montrer sa stupidité. En revanche, il se donne des airs
de Don Juan dans son air \93Vieni o cara\94, air de
séduction.
Lawrence Zazzo est un des
meilleurs contre-ténor actuels. Il brosse le portrait d\92un
Ottone tendre, valeureux et honnête. Son jeu d\92acteur excellent
rend son renoncement au trône convaincant. Quant à sa
prestation musicale, il met la salle à ses pieds dans la
scène magnifique qui clôt la première partie de
l\92acte 2: il chante ce long air avec douceur, sensibilité. De
même lorsqu\92il souffre de la froideur de Poppée, il
trouve dans \93Vaghe fonti\94 des accents qui font penser à la
pureté de la voix d\92Andréas Scholl. Mais la
scénographie ne l\92avantage guère et il se retrouve
souvent à marcher de long en large quand il n\92est pas
obligé d\92esquisser des pas de danse\85 La seule petite remarque
que l\92on pourrait faire - à lui mais aussi à d\92autres
chanteurs de sa tessiture - c\92est qu\92il n\92est pas toujours
très compréhensible.
Dominique Visse, comme
toujours, est excellent et imprévisible. Le premier de ses
deux airs est celui qui lui correspond le mieux et il surprend par
des accents doux, mielleux sur les \93a\94 de \93presago\94. David Mc Vicar a
su trouver le moyen d\92exploiter au maximum ses dons de
comédien et de musicien. Il chante ce fameux premier air au
milieu d\92une réunion et il s\92adresse à Agrippine en
privé: les figurants semblent lire une sorte de programme et
sont dérangés par son air. Dès qu\92il donne une
note plus aiguë ou plus forte que les autres et surtout si
caractéristique de sa voix, ils se mettent à
réagir et à demander le silence, au point qu\92il sort de
scène sous leurs huées. Amoureux transi mais
frustré d\92Agrippine, Narciso lui est entièrement
dévoué et il le démontre en étant soumis
et tremblant à chacune de ses apparitions.
Antonio Abete est un comparse
à sa hauteur. Ce chanteur possède de très beaux
graves qu\92il met en valeur dans son premier air et dans les notes
piquées qui le jalonnent.
René Jacobs passe,
depuis quelques années maintenant et après plusieurs
enregistrements unanimement salués, pour un grand chef
haendelien. Certes mais sa direction manque parfois de douceur et de
profondeur, que seul Marc Minkowski (la comparaison ne peut que se
faire) sait trouver. Tout cela reste bien froid et le chef ne semble
pas se fondre avec la musique et faire corps avec elle. Le Concerto
Köln répond à toutes les exigences de son chef et
René Jacobs peut alors s\92appuyer sur un pupitre de vents
particulièrement remarquable. Quant au solo de clavecin du
2ème acte, Stefano Maria Demicheli se montre
éblouissant de virtuosité et en même temps
capable d\92un certain humour : il contribue à rendre cette
scène musicalement drôle et en parfaite harmonie avec la
mise en scène particulièrement
élaborée.
Cette reprise d\92Agrippine est
donc la bienvenue en ouverture de saison. Le public semble trouver
beaucoup de plaisir à regarder les personnages antiques se
crêper le chignon et intriguer. Même si la mise en
scène déroute quelque peu, il est indéniable
qu\92un véritable travail a été mené
à son terme et il faut reconnaître à David
McVicar le soin de rester cohérent jusqu\92au bout. Ceux qui se
sentiraient frustrés scéniquement trouvent leur compte,
fort heureusement, dans la musique\85 Il ne reste plus qu\92à
souhaiter que le travail musical trouve son aboutissement dans un
studio d\92enregistrement !"
- Bruxelles -
Théâtre de la Monnaie - 22, 24, 27, 29
juin 2003, 1er, 7 juillet, 2, 4, 5, 7, 9, 11, 14
septembre 2003 - Concerto Köln - dir. René Jacobs -
mise en scène David McVicar - décors, costumes John
MacFarlane - lumières Paule Constable - avec Anna Caterina
Antonacci (Agrippina), Malena Ernman (Nerone), Miah Persson
(Poppea), Lorenzo Regazzo (Claudio), Lawrence Zazzo (Ottone),
Antonio Abete (Pallante), Dominique Visse (Narciso), Lynton Black
(Lesbo) - reprise de la coproduction avec le Théâtre
des Champs-Elysées
- ConcertoNet - 29 juin 2003
"La reprise d\92Agripinna
permettait de faire le point sur ce spectacle créé il y
a trois ans, et qui reste un modèle de mise en scène
intelligente, drôle et respectueuse de l\92\9Cuvre, le
côté un peu superficiel de l\92opération me
semblant moins marquant, et au contraire soutenu par une
réflexion sur les rapports de pouvoir très
intéressante. On mesure également le travail
énorme entrepris avec les figurants qui d\92un bout à
l\92autre du spectacle soutiennent la trame narrative de manière
étonnante. C\92est la toile de fond sur laquelle évoluent
les personnages dans une direction d\92acteurs tellement forte qu\92elle
semble à certains moments improvisée.
La réalisation musicale
nous comble plus encore qu\92en 2000, l\92infatigable René Jacobs
retrouvant un Concerto Köln en grande forme et la plupart des
interprètes qui se sont encore améliorés,
s\92appropriant à pleines mains leur rôle aussi bien sur
le plan scénique que vocal. Le seul changement de distribution
concerne Poppea, naguère interprétée par
Rosemary Joshua, confiée cette fois à la sublime Miah
Persson, dont on garde en mémoire sa magnifique Almirena de
Rinaldo à Innsbruck, et qui réussit aussi bien dans ce
rôle plus léger, plus comique mais qui demande aussi une
capacité à s\92abandonner à l\92émotion (dans
le duo avec Ottone par exemple). Sa voix fruitée, sa
facilité à vocaliser et à maîtriser les
joies du « da capo », ainsi qu\92un physique séduisant
lui permettent de s\92intégrer à une équipe d\92une
solidité à toute épreuve."
- Forum Opéra - 7 septembre 2003
"Ce qui fait la
réussite de cette vision, ce n\92est pas la transposition
à notre époque, ce ne sont pas non plus les clins
d\92yeux à la société qui nous entoure ni la belle
impertinence de certaines scènes. Ce qui fait la grandeur de
cette mise en scène, c\92est qu\92elle réussit parfaitement
à donner corps à ces personnages et à justifier
chacune de leurs actions par un profil psychologique des mieux
dessinés. Ainsi, le spectateur est d\92emblée convaincu
que Néron, transporté au vingt-et-unième
siècle serait bel et bien le jeune homme décrit plus
haut. Un concept suffit rarement à animer une soirée
(surtout quand celle-ci dure près de quatre heures), il faut
donc saluer le nombre incroyable de trouvailles qui colorent les
scènes, les rendant ainsi captivantes. Le piège de ces
opéras baroques étant de proposer une alternance de
scène rocambolesques et stéréotypées,
David McVicar a parfaitement compris que le seul traitement qui
sauverait le spectateur de l\92ennui, était de le faire rire
car, indéniablement, Agrippina est l\92une des \9Cuvres les plus
comiques et les plus savoureuses de la production de Händel.
Ainsi on notera quelques phrases qui feraient d\92admirables citations,
comme Narciso abandonnant lâchement son ami Otton,
désavoué par l\92empereur et lui lançant
benoîtement : « L\92amitié dure aussi longtemps que
le succès ». Pour ceux qui auraient le bonheur de
découvrir cette production à Bruxelles ou au
Théâtre des Champs Elysées de Paris, je ne
dresserai pas la liste des gags qui animent la production, simplement
je me permets de signaler que l\92air de fureur de Néron,
où celui-ci sniffe des lignes de coke en vocalisant à
une allure démente, restera gravé dans mon esprit comme
l\92un des moments les plus jubilatoires auxquels il m\92ait
été donné d\92assister.
Véritable leader
charismatique, René Jacobs est le Kadhafi des chefs
d\92orchestre : il terrorise ses solistes avec des dogmes dont il ne
s\92éloigne jamais ; seulement à l\92inverse du sympathique
tyran libyen, Jacobs obtient un résultat devant lequel il
n\92est à propos que de s\92agenouiller. Béni soit
René Jacobs qui, dans toute sa divine splendeur, trouve les
couleurs, les sonorités et les motifs les plus
appropriés pour mettre cette partition et ce livret en branle.
Après avoir entendu Jacobs, comme les lectures de Gardiner,
McGegan, Haïm et Malgoire me semblent soporifiques. Question de
goût, sans doute. Le plateau est en tous points remarquable
à l\92exception d\92Antonio Abete, Pallante scéniquement
impressionnant mais qui peine quelque peu dans les ornementations et
dont la voix est décidément bien petite. La
Poppée de Miah Persson, toute sensuelle qu\92elle soit, a bien
du mal à faire oublier Rosemary Joshua dont le charme, le
talent et le sex-appeal avaient émerveillé bien des
mélomanes il y a trois ans, dans la même production.
Cependant, il faut reconnaître beaucoup de mérites
à la jeune soprano suédoise qui fait montre d\92une belle
musicalité et d\92un investissement scénique jouissif.
Réserve également \96 mais moindre \96 pour le Claudio de
Lorenzo Regazzo, qui manque d\92extrême grave (défaut
particulièrement exposé dans ce rôle). Le
chanteur est cependant très à l\92aise dans les passages
de grande véhémence et la caractérisation de son
personnage est vraiment une réussite. Dominique Visse est un
Narciso moitié Woody Allen, moitié Roberto Benigni, sa
voix de caractère rend son personnage (couard de nature, sorte
de loup Isengrin des temps modernes) encore plus désopilant.
Les stars de cette production sont donc sans nul doute Malena Ernman
(Néron) et Anna Caterina Antonacci (Agrippina). La
première, grimée en adolescent déclare avoir
étudié le comportement de son frère et de son
mari pour rendre son Néron le plus crédible possible.
Le moins que l\92on puisse dire c\92est qu\92elle n\92a pas les yeux dans les
poches ! Magie du maquillage, Malena Ernman campe un adolescent
tellement crédible sur scène qu\92à la sortie on
entend beaucoup de gens demander : « Oui mais pour finir, c\92est
une mezzo ou un contre ténor ? » Ceci étant dit,
saluons l\92interprète dont la musicalité atteint des
sommets de subtilité et de bon goût, chacun des quatre
airs de Néron est exécuté avec une grâce
et avec un sens de l\92à propos tout bonnement confondants.
Soulignons aussi la virtuosité de cette interprète dont
les vocalises n\92ont rien à envier à Cecilia Bartoli.
Enfin, Anna Caterina Antonacci prouve que ce n\92est pas parce qu\92on
chante faux, quasiment du début à la fin, qu\92on est une
mauvaise chanteuse. Il est vrai qu\92il y a quelque chose dans
l\92intonation de cette artiste qui fait qu\92elle chante pratiquement
tout trop bas. Ce défaut a parait-il beaucoup
énervé René Jacobs qui n\92adresse pas le moindre
signe ni le moindre regard à son interprète pendant
toute la représentation. Pas vraiment bouleversée par
l\92ire de Wonder-René, la pulpeuse Anna Caterina offre une
incarnation des plus érotiques de l\92histoire de
l\92opéra. Bon nombre de messieurs quittèrent d\92ailleurs
La Monnaie, ce dimanche après-midi, avec un léger
boitement qui fit rougir leurs épouses. Antonacci n\92est certes
pas la plus grande chanteuse de tous les temps, mais elle a
trouvé en Agrippina le rôle qui la rendra immortelle ;
le rôle qu\92aucune autre ne rendra aussi délirant. Car
c\92est en meneuse de revue tantôt alcoolique, tantôt
manipulatrice, tantôt nymphomane \96 salope jusqu\92au bout des
faux-ongles \96 qu\92Antonacci fait progresser l\92intrigue. Ajoutons
à cela un souffle impressionnant et des vocalises impeccables
héritées de sa fréquentation assidue du
répertoire rossinien et nous obtenons un petit miracle de
musique et de théâtre."
- Opéra de Chicago
- 30 avril 2003, 2, 4, 8, 10 mai 2003 - dir. Emmanuelle
Haim - mise en scène Lillian Garrett-Groag - décors
Michael Ganio - costumes Tracy Dorman - lumières Robert
Wierzel - avec Derrick Parker, baryton-basse (Claudio), Monica
Colonna, soprano (Agrippina), Kristina Hammarström,
mezzo-soprano (Nerone), Ricardo Herrera, baryton-basse (Pallante),
Stephen Wallace, contre-ténor (Narciso), Pascal Bertin,
contre-ténor (Ottone), Alicia Silverstone / Jane Archibald
(Poppea), Brandon Mayberry (Lesbo)
- Londres - Britten Theatre - Festival Haendel - 24, 25, 26, 27 mars
2003 - Royal College of Music,Britten Theatre - London Handel
Orchestra - dir. Denys Darlow / Laurence Cummings - mise en
scène Christopher Cowell - décors, costumes Bridget
Kimak - avec James Laing (Nerone), Thomas Blunt (Lesbo),
Sarah-Jane Davies (Agrippina), James Harrison (Pallante), David
Sheringham (Narciso), Jennifer Johnston (Othone), Cora Burggraf
(Poppea), Sion Goronwy (Claudio)
- Brest - 1er mars 2003 - Saint-Quentin en
Yvelines - 6 et 8 mars
2003 - Orléans - 12 mars 2003 - Clermont-Ferrand - Maison de la
Culture - 16 mars
2003 - Tourcoing - Atelier Lyrique - 21, 23 et 25 mars 2003 - Théâtre des Champs
Elysées (version
de concert) - 29 mars 2003 -
Rennes -
Opéra - 5, 6 et 8
avril 2003 - La Grande Ecurie et la Chambre du Roy - dir.
Jean-Claude Malgoire - mise en scène Frédéric
Fisbach - scénographie Emmanuel Clolus - costumes Olga
Karpinski - lumières Daniel Lévy - chefs de chant
Sébastien d'Hérin, Benoît Hartoin - Production
de l'Atelier Lyrique de Tourcoing - avec Véronique Gens /
Salomé Haller (Agrippina), Philippe Jaroussky (Nerone),
Donata d'Annunzio-Lombardi (Poppea), Nigel Smith (Claudio),
Thierry Grégoire (Ottone), Bernard Delétré
(Pallante), Fabrice di Falco (Narciso), Alain Buet (Lesbo)
- Opéra International - mai 2003 - St
Quentin en Yvelines - 6 mars 2003
"Mon intérêt pour
le livret m'a conduit à l'aborder, dans un premier temps,
comme une pièce de théâtre". A partir de ce
constat simple, qui peut sembler évident, voire candide oui,
l'opéra est théâtre, le metteur en scène
Frédéric Fisbach construit un spectacle riche, d'une
intelligence, d'une cohérence et d'une pertinence
rares...L'originalité de l'approche de Fisbach tient au choix
de compléter la distribution par autant de comédiens,
pratiquement silencieux mais qui ont travaillé les rôles
à partir du livret. Habillés de costumes couleur chair
et se déplaçant avec lenteur, ils sont
éléments du décor, régisseurs ou
figurants. Outils dans la main des dramaturges, ils observent les
chanteurs et les guident dans leurs déplacements au sein d'une
scénographie minimaliste. Un grand carré blanc
posé sur le sol définit deux espaces un espace externe,
lieu privilégié - mais pas exclusif - des
comédiens ; un espace interne dévolu aux chanteurs,
modelé par les lumières et quelques
éléments de décors-cubes et panneaux
gris.
Hélas, malgré
toutes les qualités de la mise en scène, nous avons
peine à deviner ce qui a pu déclencher l'engouement du
public en 1709. Car, dans la fosse d'orchestre, La Grande Ecurie et
la Chambre du Roy nous inflige une bien piètre prestation, que
même un soir de première ne peut expliquer. Il est alors
délicat d'évaluer la prestation des chanteurs.
Globalement peu à l'aise dans la vocalisation et
exécutant des da capo bien plats, la distribution ne manque
pourtant pas de qualités. Quand elle ne se bat pas contre
l'orchestre, Véronique Gens est une magnifique Agrippina.
Nigel Smith prête idéalement ses importants moyens
à un Claudio hâbleur à souhait et le beau timbre
de Thierry Grégoire convient au personnage vertueux et parfois
élégiaque d'Ottone. Dans des rôles de moindre
importance, on ne peut que souligner les performances vocales et
scéniques de Bernard Deletré (Pallante) et d'Alain Buet
(Lesbo)."
- Concertclassic - Saint Quentin en Yvelines -
8 mars 2003
"Le travail de Jean-Claude
Malgoire a surtout recherché la clarté. Directeur
"fondu" dans la fosse parmi les musiciens de "La Grande Ecurie et La
Chambre du Roy", il veille constamment à l'équilibre
des plans sonores, entre cordes bondissantes et bois et vents, suaves
à souhait, placés derrière le chef, formant
comme une rangée homogène devant le parterre. Cette
disposition diffuse idéalement les couleurs de l'orchestre,
spécialement dans les airs où l'instrument, flûte
ou hautbois, par exemple, double le chanteur. Sur scène, la
mise en scène signée Frédéric Fisbach,
explicite les confrontations des acteurs, commente les enjeux
incarnés. Une série de projection à la
manière d'un exposé d'étudiants rappelle "qui
fait quoi" et "qui aime qui". Là aussi s'affirme une
volonté d'élucider le drame...Véronique Gens, en
Agrippine, exprime une femme ambitieuse, plus qu'une conspiratrice
haineuse prête à rugir si son intérêt est
trahi. Récitatifs exemplaires, articulation souple, suave et
claire, chant de haute volée, raffinée - trop
peut-être pour le rôle ? -, sa voix toujours racée
anoblit le caractère d'Agrippina. Soumis à sa loi, le
"Néron" du contre-ténor Philippe Jaroussky incarne cet
adolescent encore maladroit, au désir embryonnaire dont la
perversité naissante laisse entrevoir une ambition
démesurée. Le chanteur "détonait" dans son
costume rayé mauve et sa perruque éclatée
d'autant plus que le chant, musicalement parfait, d'une
netteté ciselée, confirme qu'il est bien
l'étoile montante des vocalistes baroques de l'heure. Aux
côtés de ce duo fascinant, on aura
apprécié la tenue plus qu'honorable des "soupirants"
d'Agrippina : "Pallas" (Bernard Deletré) et "Narcisse"
(Fabrice di Falco). Chant stable mais sans imagination pour
l'"Ottone" de Thierry Grégoire. Timbre délicat mais
souffle et aigus en difficulté pour la "Poppée" de
Donata D'Annunzio Lombardi. Enfin, dans le rôle de l'Empereur
Claude, le baryton Nigel Smith n'a manqué ni de noblesse ni de
puissance.
"Eliminons d\92emblée le
délicat problème d\92une mise en scène
réfléchie, respectueuse de l\92\9Cuvre et pleine de bonnes
intentions qui malheureusement n\92aboutissent que rarement. Si la
direction de ses interprètes par Frédéric
Fisbach n appelle à aucun reproche, tant l\92on sent qu\92un
travail approfondi sur les personnages a été mis en
oeuvre, il n\92en est pas de même avec une conception très
discutable du décor quasi inexistant. Il s\92agit en effet plus
d\92une transformation d\92un espace scénique,
agrémenté de projections diverses et de modifications
de cet espace par une équipe d\92acteurs ayant travaillé
le livret. Le problème de cette idée est qu\92elle lasse
terriblement du fait de la durée de l\92\9Cuvre, d\92autant plus que
ces acteurs, supposés représenter le regard ironique
des Vénitiens sur Rome affichent une mine lugubre pendant la
majorité du spectacle ce qui contredit l\92effet
souhaité. Reconnaissons cependant une dernière
demi-heure réjouissante à ce niveau, lorsque des
projections remplacent les sous-titres et se moquent, tout en les
respectant, des conventions du genre. Admirons aussi les costumes et
les éclairages particulièrement
réussis.
C\92est sur le plan musical que
nous retrouverons le plus de satisfactions. Jean-Claude Malgoire est
un interprète d\92Haendel comme peu et c\92est souvent avec ce
compositeur qu\92il donne ses meilleures prestations (il avait
réussi l\92exploit de diriger en 1987 l\92orchestre de
l\92Opéra de Paris pour Giulio Cesare au Palais Garnier avec un
étonnant résultat). Fort d\92un orchestre
particulièrement en forme, sa direction est à la fois
vive et capable de mille nuances et de respirations
appropriées. Les récitatifs ne sont jamais sources de
tunnels éprouvants grâce à la rare
solidité du continuo. Sur le plan vocal, il faut saluer une
équipe particulièrement homogène et qui ne se
contente pas de chanter. Véronique Gens était faite
pour le rôle d\92Agrippina, son timbre un peu sombre contrastant
merveilleusement avec celui d\92Ingrid Perruche, plus clair et qui
campe une séduisante Poppea. Toutes deux ont une technique
affinée qui leur permet de se jouer des difficultés de
l\92écriture haendelienne. C\92est aussi le cas de Philippe
Jaroussky qui ne cesse de s\92affirmer depuis ses débuts, ne se
laissant pas démonter par les redoutables airs qu\92Haendel a
réservés à Nerone ; il faudrait citer aussi
Thierry Grégoire, au timbre délicat qui incarne un
Ottone très sensible et qui, après un début
hésitant, se montre à la hauteur d\92un rôle
complexe. Bernard Deletré, un peu lourd dans les vocalises et
Alain Buet, toujours stylistiquement parfait et vocalement solide
participent à la réussite d\92ensemble ; seul Fabrice di
Falco, au timbre bien étouffé, n\92a pas sa place dans
une équipe de ce niveau."
- New York City
Opera - 7, 11, 13, 17, 20, 23 avril 2002 - dir. Jane
Glover - mise en scène Cox - avec Harris, Lundy, Barber,
Walker, Burdette
- Cooperstown - Glimmerglass
Opera - 21, 23, 29 juillet, 4, 7, 10, 13, 16, 19, 25
août 2001 - Glimmerglass Opera Orchestra - dir. Harry Bicket
- mise en scène Lillian Groag - costumes Jess Goldstein -
décors John Conklin - lumières Mark McCullough -
avec Alexandra Coku (Agrippina), Beth Clayton (Nerone), David
Walker (Ottone), Karen Wierzba (Poppea), Derrick Parker
(Claudio)

- Cologne - 2
avril 2001 - dir. René Jacobs - avec Anna Caterina
Antonacci (Agrippina), Malena Ernman (Nerone), Rosemary Joshua
(Poppea), Lawrence Zazzo (Ottone)
- Graz - Styriarte
- 24, 26, 28, 29 juillet 2000 - dir. Antonini - mise en
scène Pöppelreiter - avec Lynne Dawson, J. Williams,
Antonio Abete, Nigl, Bettini
- Halle -
Opernhaus - Händel Festspiele - juin 2000 -
Händelfestspielorchester - dir. Fred Berndt - mise en
scène Marcus Creed - avec Lynda Lee (Agrippina), Robert
Crowe (Nerone), Janet Williams (Poppea), Axel Köhler
(Ottone), Ralf Popken (Narciso), Gregory Reinhart (Claudio),
Martin Kronthaler (Pallante), Seok Heon Ham (Lesbo)
- Théâtre des
Champs Elysées - 24, 26,
28 mai 2000 - Concerto Köln - dir. René Jacobs - mise
en scène David McVicar - décors et costumes John
MacFarlane - avec Anna Caterina Antonacci (Agrippina), Malena
Ernman (Nerone), Rosemary Joshua (Poppea), Lorenzo Regazzo
(Claudio), Lawrence Zazzo (Ottone), Antonio Abete (Pallante),
Dominique Visse (Narciso), Lynton Black (Lesbo)
- Concerto.net - 24 mai
2000
"Etrange chef d\92oeuvre que
cette Agrippine, premier grand opéra haendélien
où le compositeur, plutôt que l\92ébauche, semble
parfois offrir la parodie de ses schémas ultérieurs.
Achevé sur le rire tendre de Serse, son parcours
opératique s\92ouvrait donc sur celui, sarcastique, de cette
comédie noire admirablement troussée, où pouvoir
et érotisme se déclinent avec un art consommé au
travers d\92airs concis à la forme souvent très libre et
de brefs ensembles directement hérités du style
vénitien. Il n\92est pas surprenant que René Jacobs
paraisse aussi à l\92aise dans cette partition, où sa
vitalité nerveuse, l\92envol de ses attaque et les chatoyantes
couleur de son merveilleux orchestre font constamment mouche. Si les
problèmes d\92intonation des instruments transpositeurs
s\92oublient volontiers, on s\92inquiète davantage en revanche de
la tendance de plus en plus marquée du chef à ignorer
la respiration de ses chanteurs (l\92absence totale de rubato dans les
da capo ne gêne pas seulement l\92ornementation, elle est source
de dangereux décalage). D\92autant que sur le strict plan vocal,
la distribution n\92offre qu\92une performance marquante, mais quelle !
Avec sa projection royale, la richesse de ses harmoniques dans le
médium, la diction frémissante dans le récitatif
(un peu moins nette dans la partie haute de la tessiture), ce don de
soi transcendant qui fait passer outre des vocalises un rien
laborieuse, l\92Agrippine d\92Antonacci donnerait déjà le
frisson sans l\92image. Les autres assurent san sautant marquer la
mémoire (Zazzo commence très mal mais s\92impose
finalement, Visse reste impayable, Joshua a pour elle son joli timbre
pur mais monochrome, et reste tellement limitée dans les
passages de virtuosité qu\92elle peine à s\92affirmer comme
une rivale crédible). Tous en revanche sont parfaits
scéniquement, et si la lionne Antonacci domine à
nouveau d\92une tête, Poppée compose une
irrésistible fine mouche, les hommes sont hilarants dans leur
rôle de pantins militaires, et le Néron de Malena Ernman
troublant de vérité dans son rôle de prince
William tête à claques. Il faut rendre grâce sans
doute à David Mac Vicar, qui sur des concepts à la
Sellars éprouvés (Défilé de mode,
caméras télé et rails de coke) déploie
une direction d\92acteurs formidablement travaillée et
parfaitement en phase avec la construction musicale (de vraies
variations théâtrales pour les da capo) et signe dans
cet ouvrage où la sentimentalité et le sublime n\92ont
que peu de place un spectacle férocement
jubilatoire."
- Théâtre de la
Monnaie - Bruxelles - 2, 4, 7, 9,
11, 12, 14, 16 mai 2000 - dir. René Jacobs, mise en
scène David McVicar - décors et costumes John
MacFarlane - avec Anna Caterina Antonacci (Agrippina), Malena
Ernman (Nerone), Rosemary Joshua (Poppea), Lorenzo Regazzo
(Claudio), Lawrence Zazzo (Ottone), Antonio Abbete (Pallante),
Dominique Visse (Narciso), Lynton Black (Lesbo)
- Opéra
International - juin 2000
- "Avec un aplomb ravageur,
David McVicar applique à toute chose le second
degré"..."Il propose des univers sans cesse
référentiels, où s'accumulent des
esthétiques hétéroclites, et selon un rythme
dramatique très vif"..."René Jacobs a
réalisé sa version parmi les sources
partielles"..."Avant d'être vocale, la distribution est un
véritable casting de cinéma"..."Dans le
rôle-titre, Anna Caterina Antonacci campe une sorte
d'ogresse époustouflante"..."elle apporte des moyens
vocaux, situés entre le soprano dramatique et le
mezzo-soprano qui...lui permettent de donner corps à une
mémorable figure"..."La grande surprise vient de la
mezzo-soprano Malena Erman...son excellente projection et sa
virtuosité lui permettent de dominer un rôle
difficile"..."La voix de Rosemary Joshua est fraîche,
l'émission vocale franche"..."Lorenzo Regazzo vocalise avec
aisance technique et densité vocale"..."Lawrence Zazo allie
une projection suffisante à un timbre frais et clair"..."A
côté de l'efficace Antonio Abbete, Dominique Visse
est étonnant d'à-propos." (Opéra
International - juin 2000)
- Altamusica - Une
Agrippina de feu et de bronze - 2
mai 2000 - Une mise en scène
décalée et pleine d'humour, une distribution de
haute volée et la direction d'orchestre somptueuse et
inspirée de René Jacobs : il n'en faut pas plus pour
que l'Agrippina de Haendel prouve sa vitalité
"Agrippina est probablement
l'un des meilleurs livrets confiés à Haendel. On est
loin de Suétone ou de Plutarque, mais, sur le canevas assez
classique d'une mère abusive prête à tout pour
que son fils accède au pouvoir suprême, le cardinal
Grimani a concocté une intrigue politico-sentimentale qui file
bon train et dans laquelle aucun personnage ne rachète
l'autre. Ce pourrait être sinistre ; mais l'acuité du
trait évite le mélodrame et la variété de
la musique fait que pas une minute l'intérêt ne retombe.
Si les décors de John McFarlane évoquent sans
ambiguïté un palais antique (d'immenses murailles noires,
et un escalier doré au sommet duquel se trouve un
trône), ses costumes, eux, sont bien du vingtième
siècle. Et pour une fois le procédé fonctionne,
parce que David McVicar n'a pas hésité à jouer
la carte de l'humour et à désamorcer ainsi la
tragédie. Néron, adolescent excité et sans
cervelle, sniffe sa ligne de coke sans vergogne, l'empereur Claude
n'est qu'un imbécile vaniteux (une allusion semble-t-il, au
Pape Clément XI, ennemi juré de Grimani), et à
la fin tous ces braves gens regagnent tranquillement leur tombeau
pour y dormir du sommeil du juste. Toute l'équipe s'est sans
peine coulée dans ce moule. Anna-Caterina Antonacci campe une
Agrippina résolue, fait face aux vocalises les plus folles
avec un tempérament de feu et un timbre de bronze. Rien de
moins angélique, malgré les apparences, que la Poppea
au chant délicieux de Rosemary Joshua.
Dominique Visse et la basse
Antonio Abete forment le duo impayable des conspirateurs
ratés. Le premier s'est même carrément fait la
tête du cinéaste italien Roberto Benigni. De son
côté, Lorenzo Regazzo donne à Claudio des allures
de baudruche vite dégonflée, et Lawrence Zazzo, jeune
contre-ténor américain, confère à Ottone,
seul personnage à peu près sympathique du lot, des
accents touchants. La surprise de la soirée, c'est Malena
Erman : cette très charmante mezzo suédoise aux allures
juvéniles n'a aucun mal à incarner Nerone avec fougue.
Sa voix aux superbes reflets peut être douce ou mordante, son
style est impeccable ; sans doute, prise au jeu, a-t-elle tendance
à en faire trop, mais un tempérament pareil face
à la volcanique Antonacci, quelle rencontre! René
Jacobs, qui a établi sa propre édition d'Agrippina,
(offrant ainsi pour la première fois un duo supprimé
auquel le compositeur avait, semble-t-il, substitué deux airs)
est à la tête du Concerto Köln, aux
sonorités incisives et délectables. On attendait de sa
part une vision vivante, dynamique, colorée,
théâtrale au meilleur sens du terme ; on n'est
guère déçu. Cette co-production La
Monnaie/Théâtre des Champs-Elysées s'annonce
incontestablement comme l'un des événements lyriques
des printemps bruxellois et parisiens."
- Télérama - L'impératrice rouge - Intrigues, mensonges et
jalousies... La course au pouvoir dans la Rome antique avait
inspiré au jeune Haendel un opéra d'une splendide
singularité.
- Concerto.net - 2 mai
2000
"Est-il possible actuellement
de monter les opéras de Händel sans en passer par une
transposition moderne ? Le procédé, s\92il n\92est plus
désormais original, assure en tout cas une efficacité
dramatique qui fait passer bien des choses du livret un peu à
cheval entre le drama et le buffa. Les intrigues entre des
personnages fortement caractérisés prennent près
de quatre heures à se nouer et se dénouer, soutenues
par une musique sublime et très inventive mais risquant
à tout instant la monotonie par sa structure alternant
récitatif /air (il n\92y a que peu d\92ensembles, notablement un
duo magique entre Poppea et Ottone dans le deuxième acte).
Nous sommes donc dans une sorte de soap opera haut de gamme avec des
personnages bien stéréotypés évoluant
dans les hautes sphères politico-sociales : aussi Claudio
est-il un clone de Clinton attiré par une Poppea/Monica,
tandis qu\92Agrippina semble un croisement d\92Hillary (Clinton bien
sûr) et d\92Alexis de Dynasty. Les autres personnages sont
également "actualisés" (à ce propos les costumes
sont somptueux), en particulier le juvénile Nerone, accro
à la cocaïne qu\92il sollicite à la moindre
frustration. Le décor signé par John Macfarlane,
impressionnant dans sa simplicité et sa souplesse modulable,
ne se réfère par contre à aucune image de notre
siècle et reste dans un abstrait finalement éloquent et
convaincant. Le concept de David McVicar reste bien superficiel mais
amusant grâce à de multiples clins d\92oeil qui parlent
à notre sensibilité moderne (ah ! les caméras de
CNN commentant le retour victorieux d\92Ottone). Ainsi la longueur du
spectacle ne se laisse pas percevoir mais on pourrait l\92oublier tout
aussi vite s\92il n\92y avait l\92excellence de l\92interprétation
musicale, tout d\92abord grâce à René Jacobs, fin,
souple, contrasté, vivant, menant un Concerto Köln
idéal de précision et de sonorité. La
distribution est presque parfaite, les chanteurs se
révélant également tous immenses acteurs. Ainsi
Anna Catherine Antonacci joue de son avantageux physique (mis en
valeur par les costumes de John Mcfarlane) comme de sa voix ample et
colorée ainsi que de ses raucités pour composer une
Agrippina intrigante à souhait ; sa rivale, Poppea, est une
Rosemary Joshua plus en longueur, elle, qu\92en rondeurs, à la
fois fraîche et virtuose ; Malena Ernman prête son mezzo
corsé et son agilité vocale (et physique) à une
composition trèsréussie de Nerone ; dans deux
rôles d\92intrigants retourneurs de vestes, Antonio Abete et
surtout Dominique Visse (déguisé en une sorte de
Roberto Begnini), toujours aussi claironnant font merveille ; Lorenzo
Regazzo est un efficace Claudio mais la voix m\92a semblé un peu
raide pour les virtuosités haendeliennes ; enfin, et surtout,
Lawrence Zazzo, jeune contre-ténor sensible et musicien,
incarne à la perfection l\92héroïque Ottone.
J\92allais oublier Lynton Black remarquable dans un rôle
épisodique mais intéressant. Un spectacle de bonne
tenue dont la superficialité sera peut-être plus
à reprocher au librettiste (Vincenzo Grimani) qu\92au metteur en
scène."
- Lecce - Teatro Politeama
Greco - 12, 14 février 2000 - dir. Martin - mise
en scène Fassini - avec Katia Ricciarelli, Bernadette Manca
di Nissa, Matteuzzi
- Festival de
Halle - Opernhaus - 5,
9 juin 1999 - Händelfestspielorchester des Opernhauses Halle
- dir. Marcus Creed - mise en scène et décors Fred
Berndt - costumes Regina Schild - avec Janet Williams (Poppea),
Gregory Reinhart (Claudio), Lynda Lee (Agrippina), Robert Crowe
(Nerone), Axel Köhler (Ottone), Martin Kronthaler (Pallante),
Ralf Popken (Narciso), Seok Heon Ham (Lesbo)

- San Francisco - Pocket
Opera - 2 mai 1999 - avec Karen Anderson (Agrippina),
Svetlana Nikitenko (Poppea), Lisa van der Ploeg (Ottone), Elspeth
Franks (Nero), Claudio (Maris Vipulis), Ethan Smith (Lesbo),
Pocket Philharmonic, Donald Pippin (Conductor)
- Karlsruhe - Staatstheater
- Festival Haendel - 1997 -
Deutsche Händel Solisten - dir. Paul Goodwin - mise en
scène Michael Hampe - décors H. Balathes - costumes
M. Paganao - avec Lynda Lee (Agrippina), Renato Girolami
(Claudio), Martina Stork-Freiberger (Nerone), Graham Pushee
(Ottone), Manuela Uhl (Poppea)

"Il est dommage que l'on se
soit contenté de ressortir la banale Agrippina de Michael
Hampe et Mauro Pagano que l'on a pu voir un peu partout depuis dix
ans...une production qui continue inexorablement à
vieillir...Livrés à eux-mêmes, prisonniers d'une
scénographie encombrante et inerte, les chanteurs ne peuvent
plus que gérer un ennui pénible."
- Palerme - Politeama
Garibaldi - 23, 25, 27
février, 2, 4, 7, 12, 14 mars 1997 - dir. Jean-Claude
Malgoire - mise en scène Alberto Fassini - décors et
costumes William Orlandi - avec Nicolas Rivenq (Claudio), Katia
Riciarelli (Agrippina) , Simon Edwards (Nerone), Tiziana
Tramonti (Poppea), Bernadette Manca di Nissa (Ottone), Riccardo
Ristori (Pallante), Gianluca Belfiori Doro (Narciso), Fabio
Previati (Lesbo), Anna Steiger (Giunone)
"Katia Riciarelli tente de
masquer un déclin irréversible. Méprisant da
capo, variations et cadences, elle ne timbre jamais sa voix pendant
le premier acte....elle débite à toute allure un texte
qu'elle s'est à peine donné le temps d'apprendre...On
ne saurait imaginer Poppea plus pâle que Tiziana Tramonti,
privée de tout mordant dans le timbre, de toute aisance dans
l'aigu....Nicolas Rivenq souligne à merveille le ridicule de
Claudio...Mémorable aussi l'Ottone de Bernadette Manca di
Nissa dont le timbre royal, la projection sûre et le style
impeccable...Simon Edwards, vocalement impeccable...Jean-Claude
Malgoire a conféré à l'ensemble cohérence
et harmonie." (Opéra International - avril
1997)
- Karlsruhe - Badishes
Staatstheater - 22, 25, 27
février 1997 - dir. Goodwin - mise en scène Michael
Hampe
- Cologne -
Oper - 8, 12, 15, 20, 23, 26
octobre 1994 - Orchestre Baroque de Fribourg - dir. Hilary
Griffiths - mise en scène Michael Hampe - décors et
costumes Mauro Pagano - avec Patricia Schuman (Agrippina), John
Del Carlo (Claudio), Jake Gardner (Ottone), Andrew Collis
(Pallante), Rosemary Joshua (Poppea), Richard Croft (Nerone),
Bengt-Ola Morgny (Narciso), Wernere Sindeman (Lesbo)
- Dresde - Semper
Oper - 4 juin 1994 - Orchestre
Baroque de Fribourg - dir. Marc Minkowski - mise en scène
Michael Hampe - décors et costumes Mauro Pagano - avec
Patricia Schuman (Agrippina), John Del Carlo (Claudio), Jake
Gardner (Ottone), David Pittsinger (Pallante), Rosemary Joshua
(Poppea), Richard Croft (Nerone), David Cordier (Narciso), Carlos
Feller (Lesbo)
"Un spectacle monté en
coproduction avec le Theater am Pfalzbau Ludwigshafen, qui ne faisait
à vrai dire que ressusciter, à très peu de
variantes près, la version que Michael Hampe en avait
signée il y a plusieurs années de cela à
Cologne. On retrouve donc les décors et costumes de style
Empire témoignant du raffinement esthétique du
regretté Mauro Pagano. La nouveauté absolue
résidait dans la présence au pupitre de Marc Minkowski,
dont la direction d'une vitalité explosive, le sens gestuel
baroque furent constamment perceptibles dans l'éloquence des
récitatifs et le relief expressif des airs, dont la
variété confère à la structure
d'Agrippina une flexibilité exceptionnelle au sein même
de la production d'opéras haendelienne. Aucun des solistes ne
possédait la fluidité d'élocution
nécessaire pour rendre justice aux spirituels apartés
et aux vifs échanges de répliques, à la
diversité de ton différenciant airs da capo, ariettes,
ariosi et cavatines. Si l'on excepte le Narcisse finement
dessiné de David Cordier, la distribution manquait de
spécificité stylistique et fut loin de donner une
exécution méticuleuse des coloratures et ornements.
Patricia Schuman déploya en Agrippine plus de charmes
proprement féminins que de flamboyance vocale. Rosemary Joshua
investit dans son interprétation de Poppée davantage
d'ambition stylistique et de brio. La basse assez lourde de John Del
Carlo (Claude), le ténor cette fois étonnamment falot
de Richard Croft (Néron) ne furent pas en mesure de
conférer un quelconque relief à des personnages offrant
à leurs interprètes de multiples ressources."
(Opéra International - octobre 1994)
- Festival de Buxton
- 1992 - en anglais - dir. Roger
Vignoles - mise en scène Adrian Slack - décors,
costumes Dermot Hayes - avec Susan Roberts (Agrippina),Alan Ewing
(Claudio), Fiona James (Nerone), Thimoty Wilson (Ottone), Sally
Harrison (Poppea), John Hancorn (Pallante), Simon Clulow
(Narciso), Jonathan Veira (Lesbo)
- Ealing - Midsummer Opera
- 1992 - en anglais - dir. David Roblou - mise en
scène Alan Privett - décors, costsusmes Jan Bee
Brown - avec Jenny Miller (Agrippina), Michael Pearce (Claudio),
Lorelle Skewes (Nerone), Richard Bordas (Ottone), Alison
Charlton-West (Poppea), Justin Joseph (Pallante), Paul Kusel
(Narciso), Anthony Barratt (Lesbo)
- Washington - Eisenhower
Theater - 4 janvier 1992 - dir.
Stephen Lord / David Stahl- mise en scène Michael Hampe,
Florian-Malte Leibrecht - décors, costumes Zack Brown -
avec Brenda Harris (Agrippina), Jon Garrison (Nerone), Daniel
Narducci, Jonathan Green, John Ostendorf, Dale Travis (Ottone),
Janice Hall (Poppea), David Evitts (Claudio)
"La production de Michael
Hampe et Mauro Pagano est empruntée à l'Opéra de
Cologne, qui célébra en 1985 le tricentenaire de
Haendel. Le dispositif consiste en une architecture dont le
classicisme pourrait aussi bien être romain que contemporain de
Haendel....Florian Malte-Leibrecht, responsable de la reprise, ne
fait pas dans la dentelle. Les intrigues politico-amoureuses
d'Agrippina sont exprimées avec autant de raffinement qu'"Au
théâtre ce soir"...avec une surenchère de
pantalonnades. Brenda Harris s'est indéniablement
trompée d'opéra (ou d'opérette ?). Le Nerone de
Jon Garrison est d'une tout autre pointure. Poppée est Janice
Hall, jolie voix d'une grande agilité, non dépourvue de
style, même si le souffle manque parfois dans les da
capo."
- Halle - Festival
Haendel - 1991 -
reprise en version de concert de la production du Festival de
Göttingen
- Festival de Göttingen - Stadthalle - 17, 20 juin 1991 - Capella Savaria
- dir. Nicholas McGegan - mise en scène Kaspar Seifferet -
décors S. Blake - costumes B. Krüger - avec Sally
Bradshaw (Agrippina), Wendy Hill (Nerone), Lisa Saffer (Poppea),
Nicholas Ischerwood (Claudio), Drew Minter (Ottone), Michael Dean
(Pallante), Ralf Popken (Narciso), Bela Szilagyi
(Lesbo)
- Londres - St John's
- 1981 - dir. John Eliot Gardiner - version de concert
- avec Della Jones (Agrippina), Alastair
Miles (Claudio), Derek Lee Ragin (Nerone), Michael Chance
(Ottone), Donna Brown (Poppea), George Mosley (Pallante), Jonathan
Peter Kenny (Narciso), Julian Clarkson (Lesbo)
- Turnbridge Wells - Kent
Opera - 1985 - dir. Ivan Fischer - mise en scène
Christopher Bruce - décors Norman Platt - avec Felicity Palmer (Agrippina), Ulrik Cold
(Claudio), Eirian James (Nerone), Meryl Drower (Poppea), Michael
Chance (Ottone), Andrew Shore (Lesbo)
- Cologne - 17,
19, 21, 26 et 29 septembre 1985 - dir. Georg Fischer - mise en
scène Michael Hampe - avec Günther von Kannen
(Claudio) - avec Barbara Daniels (Agrippina), David Kübler
(Nerone), Janice Hall (Poppea), Claudio Nicolai (Ottone),
Günther von Kannen (Claudio), Ulrich Hielscher (Pallante),
Eberhard Katz (Narcaiso), Carlos Feller (Lesbo)
- Schwetzingen -
1985 - London Baroque Players - dir. Arnold Östman - mise en
scène Michael Hampe - avec Günther von Kannen
(Claudio), Barbara Daniels (Agrippina), David Kübler
(Nerone), Janice Hall (Poppea), Claudio Nicolai (Ottone)
- Drottningholm -
20 juillet 1985 - London Baroque Players - dir. Arnold Östman
- mise en scène Michaël Hampe - décors et
costumes Mauro Pagano - avec Karen Huffstodt (Agrippina), Janice
Hall (Poppea), Carlos Feller (Lesbo), Günter von Kannen
(Claudio), Claudio Nicolai (Ottone), Thomas Thomaschke
(Nerone)
- Venise - La Fenice
- 26, 28, 30 juin 1985 - dir.
Christopher Hogwood - mise en scène Sonja Frisell - avec
Zimmermann, Thomas, Carmen Balthrop, Bernadette Manca di Nissa,
Mori
- Fort Worth -
Texas - 1985
- Opéra de
Kassel - dir. Samuel Bächli
- mise en scène Reiner Winter - avec Julia Juon
(Agrippina), Guy Gallardo (Claudio), Craig Fields (Nerone), Martha
Senn (Poppea), Joke Kramer (Ottone), Louis Manikas (Pallante),
Ferdinand Hall (Narciso)
- Venise - Teatro
Malibran - Festival Vivaldi - 13,
15, 17 septembre 1983 - dir. Christopher Hogwood - mise en
scène et décors Lauro Crisman - costumes Sonja
Frisell - avec Margarita Zimmermann (Agrippina), Günther von
Kannen (Claudio), Martine Dupuy (Nerone), Carmen Balthrop
(Poppea), Bernadette Manca di Nissa (Ottone), Giorgio Surjan
(Pallante), Derek Lee Ragin (Narciso), Orazio Mori
(Lesbo)
- Eastbourne - Congress
Theatre - automne 1982 - dir.
Peter Robinson/Graeme Jenkins - mise en scène Nicholas
Hytner - avec Gordon Sandison, Eirian James, Andrew Shore, Mary
King, Alan Watt, Alasdair Elliott, Thomas Hemsley, Anne Pashley,
Johanna Peters
- Brighton - Theatre
Royal - Londres - Sadler's Wells - printemps 1982 - dir. Ivan Fischer - mise en
scène Christopher Bruce, Norman Platt - décors et
costumes Roger Butlin - en anglais (traduction Anne Ridler) - avec
Felicity Palmer (Agrippina), David Thomas (Claudio),
Cynthia Buchan (Nerone), Meryl Drower (Poppea), Christopher
Robson, Andrew Shore, Paul Esswood
- Halle - Festival Haendel - 5 juin 1980 et sq - Handelfestspielorchester
Landestheater Halle - dir. Christian Kluttig - mise en
scène Martin Schneider - décors Bernd Leistner -
avec Inge Roil, Jürgen Trekel, Juliane Claus,Christa
Hilpisch
- Naples - RAI -
1976 - version de concert - dir. Bruno Rigacci - avec Lilian Sukis
(Agrippina), Michael Rippon (Claudio), Elena Zilio (Nerone),
Dalmacio Gonzales (Ottone), Cettina Cadelo (Poppea), Leonardo
Monreale (Pallante), Genia Las (Narciso), James Loomis (Lesbo)
- Philadelphie -
1972 - version de concert
- Zürich -
Opernhaus - 1970 - dir. Alberto Erede / E. Widl - mise
en scène Rudolf Hartmann - décors et costumes
Jean-Pierre Ponnelle - avec Lisa della Casa / M. Zschau
(Agrippina), Jozsef Dene (Claudio), Frans von Daalen (Nerone),
Roland Hermann (Ottone), Costanza Cuccaro / R. Rohner (Poppea),
Howard Nelson (Pallante), Marga Schiml (Narciso), René
Rohfr(Lesbo)
- Halle - Festival
Haendel - 1968 -
Handelfestspielorchester du Landestheater Halle - dir. Horst Tanu
Margraf - mise en scène Renate Oeser - décors et
costumes Harry Kleinhempel - avec Philine Fischer
(Agrippina), Helmuth Kaphahn (Claudio), Hans-Jürgen Wachsmuth
(Nerone), (Ottone), Eva Hassbecker (Poppea)
- Darmstadt -
Landesthater - 1967 - dir.
Hans-Martin Rabenstein
- Halle - Festival
Haendel - 1967 - Orchestre du
Landestheater Halle - dir. Horst Tanu Margraf - mise en
scène Renate Oeser - décors et costumes Harry
Kleinhempel - avec Philine Fischer (Agrippina),
Helmuth Kaphahn (Claudio), Hans-Jürgen Wachsmuth (Nerone),
(Ottone), Eva Hassbecker (Poppea)
- Munich - Festival
- 1966 (?) - 1967 - Bayerisches Staatsorchester - dir.
Heinrich Hollreiser - mise en scène Rudolf Hartmann -
décors et costumes Jean-Pierre Ponnelle - avec Herta
Töpper (Agrippina), Karl Christian Kohn (Claudio), Friedrich
Lenz (Nerone), Hanny Steffek (Poppea), Günther Missenhardt
(Pallante), Brigitte Fassbänder (Narciso), Kieth Engen, Max
Proebstl
- Great Hall - Eltham Palace
- Court Road - 15, 16 septembre 1966 - Handel Chamber
Ensemble - dir. Audrey Langford - mise en scène Ande
Anderson - avec Patricia Brigenshaw (Agrippina), Angela Hickey
(Nerone), John Kitchiner, Dorothy Wilson, Alice Robiczek (Poppea),
Richard Passmore, Elizabeth Langford (Ottone), Paul Statham
- Londres - BBC -
6 mai 1966 - version de concert - dir. Charles Mackerras - avec
Pauline Tinsley (Agrippina), Cantelo, Alexander Young (Nerone),
Monica Sinclair (Ottone), Stafford Dean (Claudio), April Cantelo
(Poppea), Kern, Herincx
- Munich -
Bayerisches Staatsorchester - 13 août 1966 - dir. Heinrich
Hollreiser - avec Kieth Engen (Claudio), Hertha Töpper
(Agrippina), Friedrich Lenz (Nerone), Hanny Steffek (Poppea),
Nicolai (Ottone)
- Londres - Lamda Theatre -
Logan Place - 16, 19
septembre 1965 - Handel Chamber Ensemble - dir. Peter Gellhorn -
avec Patricia Brigenshaw, Angela Hickey, Paul Statham, Bettina
Jonic, Alice Robiczek, Richard Passmore, Elizabeth Langford and
Philip May
- Abingdon - Oxforshire
- 1963 - première recréation en
Angleterre
- Opéra de Leipzig
- 1958 - dir. Heinz Fricke - mise en scène Klaus
Dreyer - décors et costumes Max Elten - avec Elsie Hesse
(Agrippina), Hans Krämer (Claudio), Guntfried Speck (Nerone),
Ursula Engert (Poppea), Jiri Bar (Pallante)
- Milan - RAI -
1953 - version de concert - dir. Antonio Pedrotti - avec Magda
Laszlo (Agrippina), Mario Petri (Claudio), Petre Munteanu
(Nerone), Giuseppe Taddei (Ottone), Onelia Fineschi (Poppea),
Giorgio Tadeo (Pallante), Maria Amadini (Narciso), Enrico Campi
(Lesbo)
- Halle - Festival Haendel
- 1952 - Orchestre du Landestheater Halle - dir.
Heinrich Herzog - mise en scène Herbert Henze -
décors Walter Schröter - costumes Johann Grosinski -
chorégraphie Ruth Wolf
- Halle - Festival
Haendel - 1943 - première
recréation moderne
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